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Otan / Union européenne : quelle coopération ?

L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) est une alliance politique et militaire de 30 pays d’Amérique du Nord et d’Europe, créée en 1949. Parmi ces Etats, 21 sont également membres de l’Union européenne. Les deux organisations coopèrent sur plusieurs terrains.

Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en décembre 2020 à Bruxelles - Crédits : Otan / Flickr CC BY-NC-ND 2.0

L’Otan est une organisation internationale dont la mission essentielle est la défense collective. Elle est régie par le traité de l’Atlantique nord signé le 4 avril 1949. L’article 5 du traité, le plus emblématique, implique qu’une attaque contre l’un ou plusieurs de ses membres est considérée comme une attaque dirigée contre tous.

L’organisation a été créée au début de la Guerre froide en tant qu’instrument militaire et politique pour empêcher l’invasion des pays d’Europe occidentale par l’Union soviétique et ses alliés. Après la chute de l’URSS, l’Otan s’est élargie à de nouveaux Etats et a déployé de nouvelles missions.

Elle comprend 21 Etats de l’Union européenne : l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. S’y ajoutent les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Albanie, le Monténégro, l’Islande, la Turquie, la Norvège et la Macédoine du Nord.

L’ancien Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg est le secrétaire général de l’Otan depuis 2014.

Le partenariat UE/Otan

Lors du sommet de Prague en 2002, les pays membres de l’Otan se déclarent disposés à donner à l’Union européenne l’accès aux moyens et capacités de l’Otan pour des opérations dans lesquelles l’Alliance n’est pas engagée militairement. Peu de temps après, en décembre 2002, l’UE et l’Otan signent une déclaration commune sur la politique européenne de sécurité et de défense. Cet accord ouvre la voie à une coopération politique et militaire entre les deux organisations.

Les accords “Berlin Plus”, adoptés le 17 mars 2003, posent les fondements de cette coopération sur la base d’un “Partenariat stratégique pour la gestion des crises”. Ils permettent à l’UE d’accéder aux moyens et aux capacités de commandement de l’Otan pour des opérations qu’elle dirige. Pour éviter la duplication des structures européennes avec celles de l’Otan, deux nouvelles structures sont créées :

  • une “cellule permanente de planification et de conduite des opérations civiles et militaires de l’UE menées sans recours aux moyens de l’Otan”, placée auprès de l’état-major de l’UE. Cette cellule est autonome et distincte des structures de l’Otan ;
  • une cellule de l’UE créée au sein de l’état-major de l’Otan (le SHAPE) pour améliorer la préparation des opérations de l’Union menées avec les moyens de l’Otan.

Lors du Conseil européen de mars 2003, l’UE se dote pour la première fois d’une stratégie européenne de sécurité qui évalue les menaces auxquelles elle est soumise. Celles-ci sont relativement similaires à celles de l’Otan : le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massives et les Etats “défaillants” .

À Varsovie en juillet 2016, les deux organisations donnent un aperçu des domaines dans lesquels elles souhaitent intensifier leur coopération compte tenu des défis communs auxquels elles sont confrontées, à l’Est et au Sud : lutte contre les menaces hybrides, renforcement des capacités de défense, cyberdéfense, sûreté maritime…

En décembre 2016, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Otan approuvent plus de 40 mesures visant à faire avancer la coopération entre l’Otan et l’UE dans les domaines agréés. Une extension de la coopération - notamment en matière de cyberdéfense - a été arrêtée en décembre 2017.

En juillet 2018, une autre déclaration conjointe présente la vision de l’UE et de l’Otan sur leur action contre les menaces communes en matière de sécurité, telles que le terrorisme ou encore les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. 

La dernière déclaration conjointe en date a été signée le 10 janvier 2023. L’Union et l’Alliance atlantique condamnent fermement l’invasion de l’Ukraine par la Russie, initiée le 24 février 2022, et réaffirment leur soutien à l’Etat ukrainien. Les deux partenaires exposent également les domaines dans lesquels ils entendent intensifier leur coopération : la compétition géostratégique, la protection des infrastructures critiques, les technologies émergentes et de rupture, l’espace, les impacts du changement climatique en termes de sécurité et la manipulation de l’information ainsi que l’ingérence par des acteurs étrangers. 

Les opérations conjointes

En 2003, l’UE mène ses premières opérations militaires de gestion de crise, dont l’opération “Concordia” en Macédoine du Nord, avec les moyens et capacités de l’Otan. Le 2 décembre 2004, la responsabilité du maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine est transférée de l’Otan à l’UE. L’opération “Althéa” remplace la “Stabilisation Force” (SFOR) de l’Otan. Elle est la plus importante intervention militaire déployée par l’Union européenne.

En Afghanistan, malgré les divergences entre Etats membres de l’UE, plusieurs d’entre eux s’engagent dès 2001 dans le cadre de la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) sous bannière de l’Otan. Par ailleurs, l’UE met en place à partir de 2007 la mission “EUPOL” pour l’appui et la formation des forces policières afghanes. La FIAS a été remplacée en 2014 par la mission de formation, de conseil et d’assistance baptisée “Resolute Support”, qui a pris fin en août 2021.

A partir de 2007, les deux organisations interviennent aussi aux côtés de l’Union africaine dans la région du Darfour, en fournissant une aide aérienne.

De 2009 à 2016, des forces navales de l’Otan (opération Ocean Shield) et de l’UE (opération Atalante) ont été déployées côte à côte avec d’autres acteurs au large de la Somalie, pour mener des missions de lutte contre la piraterie. L’opération Atalante a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2024.

L’Otan intervient également dans la gestion de la crise des migrants en coopération avec l’agence européenne Frontex depuis février 2016. L’organisation a déployé sa flotte maritime afin d’assurer la reconnaissance et le suivi des embarcations illégales en mer Egée, en appui des autorités turques et grecques et de l’UE. Elle a également fourni des informations et des moyens logistiques à l’opération européenne Sophia, qui visait à lutter contre le trafic de migrants en Méditerranée. Le déploiement des moyens navals de l’opération Sophia, auquel l’Italie s’opposait, a été suspendu en mars 2019. Le Conseil de l’UE a depuis décidé de mettre un terme à cette opération, pour se concentrer sur la lutte contre le trafic d’armes en haute mer à travers la nouvelle mission EUNAVFOR MED Irini lancée le 31 mars 2020. Celle-ci a été prolongée jusqu’au 31 mars 2023.

Quelle coopération pour quels enjeux géopolitiques ?

La coopération entre l’Alliance atlantique et l’Union européenne est source de débats en Europe, où deux visions cohabitent. D’un côté, certains pays souhaitent avant tout miser sur la protection américaine pour assurer la protection du continent. Ces Etats caractérisés par un fort atlantisme - les pays baltes et la Pologne notamment - estiment que l’Europe n’a pas les moyens de faire face seule aux menaces qui la guettent, russes en particulier. D’autres pays, comme la France et plus récemment l’Allemagne, sont partagés entre cette approche et le besoin de développer une structure de sécurité collective plus indépendante des Etats-Unis, idée résumée dans le terme d’autonomie stratégique.

L’année 2016 est à cet égard une année charnière : le vote sur le Brexit et surtout l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis ont conduit les Européens à privilégier le renforcement de leur politique de sécurité et de défense, doutant de la pérennité de l’engagement américain au sein de l’Otan. Dans une volonté de se désengager des conflits mondiaux, Washington estimait alors que les Européens se reposaient trop sur les Etats-Unis pour leur défense, remettant en question la protection américaine. 

Plus que ses prédécesseurs, Donald Trump a plusieurs fois réclamé des efforts financiers de la part des Etats européens qui, pour la plupart, ne respectent pas les recommandations de l’Otan en termes de dépenses militaires. En effet, depuis 2006, les membres de l’Alliance ont pris pour règle de consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. En 2021, seuls huit Etats de l’UE sur les 21 qui sont également membres de l’Otan respectaient cette règle, selon les données de la Banque mondiale : la Grèce (3,9 %), la Croatie (2,7 %), la Lettonie (2,3 %), l’Estonie (2,2 %), la Pologne (2,1 %), le Portugal (2,1 %), la Lituanie (2 %) et la Roumanie (2 %). Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, de nombreux Etats européens ont cependant décidé d’augmenter leurs dépenses en matière de défense (voir plus bas). 

A ces reproches s’est ajoutée, fin 2019, une crise diplomatique entre les membres de l’Otan. Les tensions se sont cristallisées lorsque la Turquie a lancé une offensive contre les forces kurdes au nord de la Syrie, à l’aune du retrait militaire unilatéral des Etats-Unis du pays. Ayant agi unilatéralement sans consulter leurs partenaires, Ankara et Washington se sont attirés les foudres de la coalition internationale. De nouvelles crises ont suivi en 2020 avec le retour des tensions gréco-turques en Méditerranée orientale, qui ont opposé deux Etats de l’Alliance atlantique. Ces événements ont poussé certains pays européens, la France en tête, à réclamer une réforme des objectifs politiques de l’organisation. 

Le Brexit a également changé la donne en matière d’organisation militaire de l’UE : le Royaume-Uni, lorsqu’il était membre de l’UE, a historiquement été un frein au développement d’une politique européenne de défense, s’opposant à une structure concurrente de l’Otan. Les questions de sécurité et de défense ne font pas partie de l’accord de commerce et de coopération conclu en décembre 2020 entre Londres et l’Union. En la matière, il n’existe donc actuellement aucun cadre formel de coopération entre l’UE et le Royaume-Uni, en dehors de l’Otan. Une situation qui n’empêche toutefois pas le Royaume-Uni de maintenir des liens bilatéraux très forts en la matière, comme avec la France.

La guerre en Ukraine, un tournant majeur

A partir d’avril 2021, de nouvelles tensions sont apparues à la frontière ukrainienne, dans le contexte du conflit qui opposait Kiev et les séparatistes pro-russes depuis 2014. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie de masser des troupes à proximité de son pays. L’Union européenne a alors estimé à 100 000 le nombre de soldats russes présents à la frontière ukrainienne. Quant à elle, la Russie a considéré cette manœuvre militaire comme une simple réponse aux exercices de l’Otan et des Etats-Unis en Europe et comme une réaction aux “provocations” ukrainiennes. Volodymyr Zelensky a déclaré que l’adhésion de son pays à l’Otan était la seule façon de mettre un terme à la guerre du Donbass.

A la fin de l’année 2021, Américains et Européens se montrent de plus en plus inquiets vis-à-vis de la forte présence de troupes russes aux frontières de l’Ukraine. Lors d’un échange entre Joe Biden et Vladimir Poutine en décembre, le président russe dénonce la volonté de Kiev de rejoindre l’Otan et demande des “garanties juridiques” à l’Alliance atlantique. La Russie exige à la fois le bannissement de tout nouvel élargissement de l’Otan et le retrait de ses forces dans les pays de l’ex-URSS. Face à ces revendications russes, les Occidentaux répondent que celles-ci contreviennent aux principes de l’architecture de sécurité européenne. Le secrétaire général de l’Otan rappelle que les questions d’adhésion relèvent uniquement de la responsabilité des Alliés et des pays candidats.

Dans ce contexte troublé, l’Otan annonce en janvier 2022 placer des troupes en alerte pour renforcer la défense en Europe de l’Est. Tout s’accélère très rapidement ensuite. Le 21 février, Vladimir Poutine signe l’acte de reconnaissance des deux territoires séparatistes en Ukraine : les Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk. Dans la nuit du 21 au 22 février, des véhicules blindés et des troupes russes pénètrent dans l’est de l’Ukraine. L’Europe et les Etats-Unis condamnent cette décision de la Russie, et annoncent de nouvelles sanctions à l’encontre de Moscou. 

Le 24 février, la Russie lance une opération militaire d’envergure sur le territoire ukrainien. Face à cette agression, les Etats membres de l’UE se mettent d’accord sur les mesures de rétorsion les plus sévères jamais mises en œuvre et s’accordent aussi sur le financement d’envoi d’armes à l’Ukraine, une première dans l’histoire de la construction européenne. Du côté de l’Otan, la réaction ne tarde pas non plus : les Américains envoient 7 000 militaires en Europe (principalement en Pologne et en Estonie), les Français ainsi que les Espagnols et les Danois mobilisent des avions de chasse pour patrouiller dans les pays baltes, tandis que la Suède et la Finlande se rapprochent d’une adhésion à l’Otan et que l’Allemagne s’engage de façon historique à dépenser plus de 2 % de son PIB dans sa défense. 

La guerre déclarée à l’Ukraine par la Russie pousse les Etats membres à aller plus loin en termes de défense européenne. L’UE avance dans ce contexte vers l’affirmation d’une “puissance”, comme l’a montré sa décision de financer l’envoi d’armes aux Ukrainiens. Les Vingt-Sept sont par ailleurs engagés dans l’affirmation de leur propre doctrine de défense. Appelé “boussole stratégique”, le document fixe les principes d’action de l’UE face aux menaces globales jusqu’en 2030. Dans ce projet, les Européens prévoient notamment une force de réaction rapide de 5 000 hommes. Des avancées concernant l’Europe de la défense sont également à prévoir lors des prochains sommets européens, nécessairement influencés par le contexte de la guerre en Ukraine. 

Le 15 mai, la Finlande présente sa candidature à l’Otan. Le pays est suivi par la Suède le lendemain. Un bouleversement géopolitique et un revirement pour Vladimir Poutine qui, contrairement à son souhait de voir reculer l’Alliance atlantique, doit constater son renforcement. Lors du sommet de l’Otan à Madrid, du 28 au 30 juin, les Etats membres de l’organisation invitent officiellement les deux Etats à les rejoindre. Pendant cette rencontre, ils adoptent aussi leur “concept stratégique”, à savoir leurs priorités pour les dix prochaines années. Un document dans lequel la Russie est désignée comme “menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique”.

Au 15 février 2023, 28 Etats sur 30 dont la France ont ratifié les protocoles d’adhésion d’Helsinki et de Stockholm. Avec la Hongrie, la Turquie fait partie deux pays manquant encore à l’appel. Leur blocage constitue le principal obstacle à l’intégration de la Suède et de la Finlande. Ankara a en effet conditionné son acceptation à la coopération de ces deux pays contre le PKK, organisation kurde combattue par l’Etat turc. Mais les rapports de la Turquie avec la Suède et la Finlande ont récemment été plus difficiles avec la première, celle-ci ayant notamment autorisé fin janvier 2023 une manifestation près de l’ambassade turque au cours de laquelle un exemplaire du Coran a été brûlé par un militant d’extrême droite. Si l’acte a été condamné par le gouvernement suédois, il a contribué à envenimer les relations entre Stockholm et Ankara. Une intégration de la Finlande à l’Otan avant la Suède fait maintenant partie des pistes évoquées. 

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Commentaires sur Otan / Union européenne : quelle coopération ?

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1 commentaire

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    ouedraogo

    je pense bien que l’otan est est une bonne organisation.