“Olaf Scholz marchera sur des œufs pour son déplacement en Chine vendredi 4 novembre, le premier d’un dirigeant européen depuis 2019″, signalait France info en amont de sa rencontre avec Xi Jinping. Le chef du gouvernement allemand “ne restera que onze heures à Pékin, mais, avant même d’avoir lieu, cette première visite en Chine du chancelier […] s’annonce plus périlleuse que toutes celles – douze au total – qu’Angela Merkel a effectuées dans ce pays” entre 2005 et 2021, précisait également Le Monde avant le départ du chancelier.
“Au sein de sa propre coalition, chez ses partenaires européens et à Washington, ce voyage est suivi avec scepticisme”, rapporte ainsi la Frankfurter Allgemeine Zeitung. D’autant plus dans le contexte géopolitique actuel : le président Xi Jinping “n’a toujours pas condamné la guerre d’agression russe en Ukraine”, relève notamment le quotidien outre-Rhin.
Une visite très critiquée en Europe
“Les différends avec la Chine sont en effet nombreux”, note La Croix. Le journal liste ainsi “la question des droits de l’homme et des méthodes commerciales chinoises jugées contraires à la concurrence”. Citées par RFI, Les Nouvelles de Pékin soulignent que “dans le contexte du conflit russo-ukrainien, il y a beaucoup de bruit à Berlin et à Bruxelles préconisant une politique plus dure à l’égard de la Chine”.
Les Européens ont en mémoire l’exemple de la Lituanie. L’Etat membre de l’UE avait “affirmé l’année dernière que Pékin avait érigé des barrières commerciales en représailles à son soutien à Taïwan” [CNN]. Dans le pays balte, le quotidien Verslo žinios alertait récemment sur le “rôle de soliste” que joue l’Allemagne alors même que l’UE “exhorte les Etats membres à repenser leurs relations avec la Chine et à tirer les leçons des erreurs commises par l’Europe dans ses relations avec la Russie”. L’Union a adopté sa “boussole stratégique” en mars dernier, un document définissant les grandes lignes de sa politique de défense et de sécurité. L’empire du Milieu y est désigné à la fois comme “un partenaire commercial, un concurrent et un rival systémique”, comme le rappelle La Vanguardia.
“Il est très important que les Etats fassent évoluer leur comportement vis-à-vis de [ce pays], dans un cadre beaucoup plus coordonné plutôt qu’individuel”, avait alerté en début de semaine le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton [Reuters]. “Olaf Scholz court après une Chine qui n’existe plus. Alors que la Chine a profondément changé, [il] fait du ‘Merkel as usual’ ”, déplore pour sa part dans Le Monde l’eurodéputé allemand Reinhard Bütikofer (Verts), président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec la Chine.
D’aucuns considèrent par ailleurs que le moment est mal choisi : “le chancelier est le premier grand dirigeant mondial à rencontrer Xi Jinping après que le leader chinois a consolidé son pouvoir en renouvelant son poste pour un troisième mandat sans précédent” lors du dernier congrès du Parti communiste [La Vanguardia]. “La recherche de la sécurité nationale, synonyme de stabilité du système communiste, et de l’autonomie nationale revêt une importance accrue à l’avenir. Il est clair que si la Chine change, notre approche de la Chine doit également changer”, s’est toutefois justifié le chancelier dans une tribune en amont de son voyage [Frankfurter Allgemeine Zeitung].
Des liens économiques colossaux
Mais si Olaf Scholz fait le déplacement à Pékin, c’est que l’Allemagne “a plus que jamais besoin” de la Chine, analyse CNN. “Le pays est le principal partenaire commercial de l’économie allemande, environ 5 200 entreprises, principalement dans le secteur automobile et la construction mécanique, opèrent sur le territoire chinois et y emploient environ 1,1 million de personnes”, liste Die Zeit en Allemagne.
Le géant de la chimie “BASF par exemple, qui estime que les deux tiers de sa croissance à venir viendront de Chine, vient d’inaugurer une nouvelle usine dans le sud du pays et prévoit d’y investir 10 milliards d’euros d’ici à 2030” [La Croix]. “Quant au constructeur automobile Volkswagen, il y réalise 40 % de son chiffre d’affaires”, poursuit le quotidien.
“Olaf Scholz veut plutôt réduire la dépendance au marché chinois non pas en y réduisant les activités, mais en les augmentant dans d’autres pays”, assure Die Zeit. Avec l’idée de diversifier les approvisionnements en matière première, par exemple.
Mais le chancelier pense aussi aux coûts économiques d’un éloignement politique de la Chine, à l’heure où la récession guette son pays dans le contexte de la guerre en Ukraine. “L’argument est à peu près le suivant : pour l’Allemagne et son économie, le sevrage du gaz russe est déjà un énorme défi, qui ne peut être surmonté de manière socialement acceptable que par d’immenses aides d’Etat” [Die Zeit]. “Si la Chine venait à disparaître complètement en tant que fournisseur et débouché, la limite de tolérance serait dépassée”, selon le média allemand.
“Plus récemment, le projet de vente de 35 % des parts de l’un des quatre terminaux du port de Hambourg à l’armateur chinois Cosco a ravivé le débat” [La Croix]. “Sous la pression de certains membres du gouvernement, la taille de l’investissement a été limitée à 24,9 %”, complète CNN.
L’Allemagne est donc tiraillée entre deux impératifs : “entre prospérité et morale”, comme le titre Die Zeit. “Il n’est pas si facile de rester propre dans un monde sale. En tout cas si l’on n’est pas prêt à renoncer à la prospérité”, conclut l’hebdomadaire.
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