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Le conflit ukrainien : “une situation de tension entre sphères d’influence”, selon Alexandra Goujon

L’Union européenne a adopté le 8 septembre dernier de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie en raison du conflit ukrainien. Au même moment, le Président ukrainien négociait un accord de cessez-le-feu pour abaisser les tensions. Alexandra Goujon, maître de conférences en science politique à l’université de Bourgogne, revient sur les relations entre les trois protagonistes.

Alexandra Goujon

Quelle est la place du Président ukrainien entre les sanctions européennes et les négociations avec la Russie ?

La nouvelle vague de sanctions est une réponse à la présence avérée de militaires russes sur le territoire ukrainien. Compte tenu des dissensions qu’il peut y avoir entre les différents Etats membres, puisqu’il y a eu des négociations jusqu’au dernier moment, il y a des différences de timing entre le fait de vouloir adopter des sanctions qui visent une attitude particulière et leur mise en œuvre, liée au calendrier politique de l’Union européenne. D’où ce décalage puisqu’entre-temps il y a eu une négociation de cessez-le-feu.
Il est intéressant de voir le contraste entre la rapidité de l’action russe et en face,le temps d’action nécessairement plus long de l’Union européenne, en raison d’une prise de décision collégiale.
Je crois que la place de Porochenko est relativement claire. Il fait partie des dirigeants ukrainiens qui soutiennent un rapprochement avec l’Union européenne. Il recherche un soutien économique mais également politique de sa part. Mais en même temps, il a affaire à un conflit armé dans l’Est. Il doit négocier avec plusieurs acteurs, la Russie mais aussi avec des séparatistes locaux, dont une partie est supposée être en relation directe avec la Russie. Le président a constaté un rapport de force qui, depuis quelques temps, est en sa défaveur. Alors que le mois de juillet avait été plutôt profitable à l’armée ukrainienne, qui se rapprochait des deux villes que sont Lougansk et Donetsk.

On parle de “riposte graduée” , est-ce un retour à une situation de guerre froide ?

Si on prend la guerre froide comme étant la constitution de deux blocs qui s’opposent idéologiquement sans nécessairement se faire la guerre frontalement, le concept ne semble pas adéquat. Cela voudrait dire que le bloc occidental est homogène autour de l’OTAN ou de l’UE ce qui n’est pas le cas : les gouvernements ne sont pas nécessairement de la même obédience politique et leurs politiques étrangères ne coïncident pas toujours. Cette hétérogénéité existe également côté des Etats post-soviétiques. Par contre, il y a une tension sur le continent européen entre deux projets d’intégration régionale.
L’un est déjà bien avancé, c’est celui de l’Union européenne et l’autre correspond au projet politico-économique de Vladimir Poutine de créer une union eurasiatique qui permettrait de rassembler la Russie et les Etats post-soviétiques non membres de l’Union européenne et non membres de l’OTAN, tels que la Biélorussie et le Kazakhstan, déjà engagés dans une Union douanière mais aussi l’Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie.
L’accord d’association, ratifié le 16 septembre par les parlements ukrainien et européen et à l’origine du soulèvement populaire de l’hiver dernier, ne prévoit pas l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Outre un rapprochement sur les questions politiques, il intègre surtout un accord de libre-échange qui déplait à la Russie.
L’Union européenne ne cherche pas à intégrer l’Ukraine pour le moment. Sa politique de voisinage vise à ne pas créer un nouveau rideau de fer en Europe. C’est une réponse à l’élargissement de l’Union européenne.
Du côté russe, la perspective est un peu différente. On le voit dans le vocabulaire utilisé. L’expression Nouvelle Russie qui correspond à une région de l’Empire russe englobant des territoires de l’Ukraine actuelle suggère une potentielle extension territoriale de la Russie dont témoigne l’annexion de la Crimée en mars dernier. Elle dépasse la notion d’étranger proche utilisée fréquemment par les dirigeants russes qui témoignent de la volonté de maintenir un droit de regard sur le développement de certains Etats frontaliers de la Russie.

Quelles seront les conséquences de la nomination de Donald Tusk au Conseil européen dans les relations euro-russes ?

Un certain nombre de pays dans les 28 sont favorables au rapprochement étroit, voire à une adhésion à moyen ou long terme de l’Ukraine à l’Union européenne, parmi lesquels la Pologne. Sa nomination est un atout pour l’Ukraine. Mais le président du Conseil européen n’a pas beaucoup de pouvoirs propres. Il est obligé de composer avec les États membres. La politique étrangère de l’UE est une politique qui se décide à 28 avec des compromis difficiles notamment en ce qui concerne les relations avec la Russie en raison de la dépendance énergétique de certains Etats membres ou tout simplement des liens économiques importants.

L’Ukraine a-t-elle vocation à entrer dans l’OTAN ?

La Russie est opposée à un élargissement à l’Est de l’OTAN dont elle conteste même l’existence depuis la fin de la guerre froide. L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN ne fait pas consensus parmi les Etats membres et n’est pas à l’ordre du jour comme l’a montré le récent sommet de l’OTAN. Elle ne fait pas consensus non plus dans la société ukrainienne. La question n’a donc pas été soulevée de manière insistante ces dernières années par les dirigeants ukrainiens concentrés sur le rapprochement avec l’UE. L’annexion de la Crimée et le conflit à l’Est ont ravivé la question de la protection militaire de l’Ukraine figurant dans le Mémorandum de Budapest de 1994 que la Russie n’a pas respecté. Dans ce contexte, un certain nombre de responsables ukrainiens mettent en avant l’idée que l’Ukraine doit adhérer à l’OTAN notamment pour se protéger de la Russie qu’ils considèrent aujourd’hui comme un agresseur. Il n’est pas certain qu’une majorité d’Ukrainiens le souhaite, même si le conflit a fait augmenter le nombre d’opinions favorables.

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