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Kristalina Georgieva : “Nous devons renforcer la réponse européenne aux crises”

La Commissaire européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile était mercredi 21 avril à Paris, pour rencontrer les ministres français Bernard Kouchner et Alain Joyandet. Objectifs : obtenir le soutien français aux propositions de la Commission pour une action plus efficace, plus cohérente et plus visible. Nous en avons profité pour demander à Mme Kristalina Georgieva quels étaient ses projets ainsi qu’un retour sur l’action européenne en Haïti.

Touteleurope : Plus de trois mois après le séisme, que fait l’Union européenne en Haïti ?

Le 12 janvier 2010, un tremblement de terre de magnitude de 7 touche Haïti. En réponse, l’Union européenne s’est engagée à fournir une aide de plus de 422 millions d’euros, répartie entre assistance humanitaire immédiate (122 millions d’euros, dont 30 millions de la Commission et 92 millions des Etats membres) et aide au développement à moyen et long terme (300 millions d’euros, sans compter les contributions individuelles des Etats membres), dont le rétablissement de la capacité du gouvernement à fonctionner efficacement.

Kristalina Georgieva : L’Union européenne a été très réactive en Haïti, sur la réponse rapide au tremblement de terre comme la reconstruction sur le long-terme.

Sur le plan humanitaire, l’Union européenne fournit toujours de l’aide 3 mois après le tremblement de terre. La Commission a ainsi multiplié par quatre l’assistance humanitaire en Haïti.

Immédiatement après le séisme, nous nous sommes engagés à utiliser plus de 30 millions d’euros pour cette aide. Ayant conscience que les besoins humanitaires allaient rester importants pendant encore au moins un an, nous avons rajouté 90 millions d’euros.

Nos actions comportent trois volets :

Nous travaillons tout d’abord avec des organisations partenaires, enracinées dans le pays avant le tremblement de terre. En effet, les conditions humanitaires étaient déjà mauvaises avant la catastrophe.

Ce partenariat est vraiment utile, parce que ces organisations, parmi lesquelles la Croix rouge ou les associations qui ont bénéficié des fonds de l’action Solidarité Haïti, ont une longue tradition humanitaire et connaissent bien le pays. Il faut bien sûr y ajouter des organisations plus spécifiques comme Handicap International : beaucoup de personnes ont été blessées et sont maintenant handicapées.

Deuxièmement, nous travaillons sur la “décentralisation” du pays. Nous avons été les premiers à dire que l’aide et le soutien humanitaires doivent accompagner les mouvements de populations, et être présente là où se trouvent les gens. Nous ne devons pas, parce qu’il serait plus facile de distribuer l’aide à un seul endroit, nous cantonner à Port-au-Prince.

Beaucoup des personnes qui ont perdu leur maison vont vivre hors de Port-au-Prince (même si nous faisons en sorte d’aider celles qui peuvent y rester). De plus, le séisme a aussi frappé les villes de Léogâne, Jacmel… beaucoup de régions ont été touchées.

Nous encourageons également nos collègues du développement à accompagner toutes ces personnes, pour leur fournir du travail, en particulier dans les domaines du développement rural, de l’agriculture, de la reconstruction des bâtiments…

Nous aidons donc à “décongestionner” Port-au-Prince. Beaucoup l’ont déjà dit, mais j’insiste : nous ne devons pas reconstruire Haïti telle qu’elle était auparavant, parce qu’un des problèmes les plus importants était la concentration des activités à Port-au-Prince : l’électricité, les emplois, les écoles… Nous devons ainsi apporter de l’aide humanitaire pour la reconstruction sur le long-terme.

Troisièmement, nous agissons sur la planification de l’urgence à l’approche de la saison des ouragans [à partir de juin]. En effet les stocks sont épuisés, non seulement en Haïti mais aussi en République dominicaine.

Nous devons rassembler les provisions d’urgence de manière à être prêts pour la saison des ouragans dans ces deux pays. Il est très important de penser à la République dominicaine en tant que source d’aide, mais aussi parce qu’elle peut être exposée aux mêmes risques qu’Haïti.

Or le discours persistant, selon lequel Haïti n’aurait besoin que d’assistance tandis que la République dominicaine supporterait le fardeau, risque de nous faire manquer l’incroyable opportunité que nous avons de rapprocher ces deux pays.

Enfin, et c’est également important, nous sommes très proactifs sur la coordination de l’aide, y compris en Haïti. Nous faisons en sorte d’agir en fonction de ce que chacun peut apporter, et d’être clairs sur ce que la Commission de l’aide humanitaire fait précisément à Port-au-Prince, ce qu’elle fait à Jacmel, ce qu’elle fait à Leogane, et ce qu’elle fait avec les populations déplacées.

Nous sommes une voix qui porte, mais pas seulement une voix. Nous montrons par des exemples précis ce qui peut être fait. Par exemple, concernant l’aide humanitaire nous soutenons le programme “Cash for work” [de l’ONU], qui fournit des emplois dans la reconstruction. Nous soutenons également l’agriculture locale plutôt que l’alimentation importée.

Sur le développement, nous soutenons l’agriculture de long-terme, en faisant en sorte que le pays devienne moins dépendant des importations.

Globalement, l’Union européenne est respectée parce qu’elle est consciente des objectifs de court terme comme de long terme.

TLE : Quelles leçons tirer de l’action européenne en Haïti ? La création d’une force européenne de protection civile est-elle toujours d’actualité ?

L’établissement d’une force européenne de protection civile, dont l’idée ressurgit en particulier lors des catastrophes naturelles (Tsunami en 2004, incendies en Grèce, séisme en Haïti…), a été à nouveau proposée par le Parlement européen en février 2010 à une forte majorité. Celle-ci permettrait à l’Union de réunir les ressources nécessaires pour fournir une première aide humanitaire d’urgence dans les 24 heures suivant une catastrophe.

KG : Nous sommes conscients du fait qu’avec la probable augmentation de l’intensité des séismes à l’avenir, la réponse coordonnée de l’UE doit être également renforcée.

Nous devons nous concentrer tout particulièrement sur la coordination globale des réponses rapides, entre les Etats membres et la Commission. En des circonstances difficiles, cette coordination a été relativement efficace.

Mais la visibilité de notre action n’a pas été aussi bonne. Nous pouvons faire mieux et nous devons faire des efforts en vue d’une réponse civile, voire militaire, la plus efficace possible.

Sur la question spécifique de la force européenne de protection civile, je serai en mesure de répondre dans quelques mois. Nous avons lancé le processus avec les Etats membres, en mettant en avant les leçons de la dernière crise.

Nous sommes en train d’évaluer quels sont les besoins, quelles sont les options, comment nous pouvons obtenir les meilleurs résultats possibles. Nous voulons que la réponse européenne aux désastres soit efficace, cohérente et visible. Cela signifie une meilleure coordination et un meilleur déploiement des capacités de l’UE. Que l’on ait besoin ou non une force spéciale européenne dépendra d’une analyse attentive des besoins et des capacités dont les Etats membres disposent, et qui peuvent être modélisés et déployés.

TLE : Quelle était l’objectif de votre visite en France, mercredi 21 avril ?

KG : Le but de cette visite était d’obtenir le soutien de la France à cette réponse efficace, cohérente et visible de l’UE aux catastrophes naturelles. La France elle-même dispose d’une remarquable organisation dans ce domaine. Elle a fortement soutenu la nécessité d’une action visible et efficace de l’Union.

Cette visite avait précisément quatre objectifs. L’un portait sur la gestion de crises : j’ai visité le Service de protection civile et le Centre de crise du ministère des Affaires étrangères et européennes.

Nous souhaitions également présenter aux interlocuteurs clés et à la société civile le nouveau portfolio de la Commission à l’aide humanitaire et à la protection civile.

Nous désirions de plus avoir la vision française d’une action plus importante de l’Union européenne dans la réponse aux crises.

Enfin, nous avons remercié la France et les organisations françaises pour tout ce qu’ils font, et particulièrement ce qu’ils ont fait en Haïti. De fait, j’ai rencontré un docteur qui était en Haïti, des pompiers et un capitaine du service de protection civile, mais également bien sûr les ministres, qui ont été si généreux avec Haïti… C’était une expérience très enrichissante.

TLE : Quels sont les projets de la Commission à l’aide humanitaire et à la protection civile ?

KG : Concernant l’aide humanitaire, nous avons deux grands projets de financements : l’un concerne les crises actuelles, dont la visibilité n’est pas toujours aussi importante qu’en Haiti. Nous devons être sûrs que les personnes sont aidées même quand les caméras sont absentes.

Nous avons aussi pris plusieurs décisions financières en prévision des graves famines qui se préparent dans des pays tels que le Niger. Nous voulons prendre une décision avant que la crise survienne. Nous avons été proactifs, afin de prendre ces décisions financières avant que les famines ne surviennent, ce qui facilite notre réaction. Nous sommes par exemple très attentifs aux situations du Darfour et de Gaza, et nous continuons à financer ces régions.

En savoir plus :

Commission européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile (ECHO)

Coopération extérieure en Haiti - EuropeAid

Biographie de Kristalina Georgieva - Touteleurope.fr

Entretiens de Bernard Kouchner et d’Alain Joyandet avec Kristalina Georgieva, Commissaire européenne - Ministère des affaires étrangères et européennes

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