Désireuse de renforcer ses capacités à agir de manière autonome en matière de défense, l’Union européenne s’est dotée en mars 2021 de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Ce fonds était initialement doté d’un plafond financier d’un montant de 5,7 milliards d’euros pour la période budgétaire 2021-2027 mais ce dernier a progressivement été relevé pour atteindre 12 milliards d’euros. Une évolution liée à de nouvelles dépenses engagées par les Vingt-Sept pour fournir de l’armement à l’Ukraine.
Quels sont les objectifs de la FEP ?
Le fonds vise tout d’abord à financer les actions opérationnelles de l’Union européenne dans le cadre de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qui ont des implications militaires ou dans le domaine de la défense. La FEP permet notamment à l’UE de déployer des opérations militaires dans des Etats tiers ou de leur apporter une aide qui peut inclure la fourniture d’équipements militaires et de défense, d’infrastructures ou d’assistance technique.
La FEP s’intègre dans l’action extérieure de l’Union, visant à façonner une politique globale de l’UE en matière de sécurité et à créer des synergies avec d’autres politiques, telles que l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, notamment sa dimension liée au renforcement des capacités à l’appui de la sécurité et du développement.
Le fonds a remplacé le mécanisme Athena et la Facilité de paix pour l’Afrique, qui ont cessé d’exister. Il reprend les aspects militaires et liés à la défense précédemment couverts par ces instruments. Le premier servait à financer le coût des missions et opérations militaires menées par des soldats issus des Vingt-Sept dans le cadre la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), tandis que la seconde finançait celles menées par l’Union africaine ou des organisations régionales africaines, partenaires de l’UE en Afrique.
Sous réserve de garanties et de mécanismes de contrôle stricts et dans le plein respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, l’UE a ainsi la possibilité de fournir des équipements militaires à ses partenaires pour accroître leurs capacités de défense. Y compris de financer l’envoi d’armes létales à un pays en guerre, ce qui lui était auparavant juridiquement impossible. Moins d’un an après son introduction, cette possibilité a été utilisée dans le contexte de la guerre en Ukraine. Le 27 février 2022, au quatrième jour de l’invasion russe, les dirigeants des 27 Etats membres ont pris une décision historique : ils se sont mis d’accord pour financer en commun l’envoi d’armements à Kiev pour une valeur de 450 millions d’euros, ainsi que des équipements de protection et du carburant pour 50 millions d’euros. Plusieurs fois rehaussé, ce financement atteint aujourd’hui 6,1 milliards d’euros. En soutien à l’Ukraine, la FEP finance par ailleurs une mission de formation de soldats ukrainiens, qui a déjà permis d’en former 40 000.
Le 13 mars 2024, les Vingt-Sept s’accordent sur une réforme de la Facilité européenne pour la paix. Celle-ci prévoit notamment la création d’un fonds spécifiquement consacré à l’Ukraine, qui doit être abondé à hauteur de 5 milliards d’euros pour 2024. Une somme destinée à financer les envois d’armes à Kiev, de même que la formation de soldats ukrainiens. Les armements envoyés par les Vingt-Sept devront être prioritairement fabriqués en Europe, et les achats communs seront encouragés. Les Etats membres pourront par ailleurs désormais déduire une part du montant de leurs envois d’armes bilatéraux à l’Ukraine de leur contribution financière à la FEP. L’accord doit encore être formellement validé.
Comment la FEP est-elle gérée et financée ?
La Facilité européenne pour la paix est financée par les contributions des Etats membres de l’UE sur la base d’une répartition selon le revenu national brut. La FEP est abondée en dehors du budget pluriannuel de l’UE, ce qui en fait un instrument extrabudgétaire.
En tant qu’instrument de la PESC, la mise en œuvre de la FEP est assurée par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, poste occupé par l’Espagnol Josep Borrell depuis décembre 2019, avec le soutien du Service européen pour l’action extérieure. Le secrétariat général du Conseil est l’administrateur des coûts communs des missions ou opérations militaires de la PSDC. Ensuite, un comité pour la FEP, composé de représentants de tous les Etats membres, gère la Facilité européenne pour la paix (en particulier les budgets et les comptes). Le Conseil prend des décisions politiques concernant la FEP, telles que l’affectation de l’assistance, sur la base des propositions du haut représentant. Les Etats membres peuvent également soumettre des propositions de mesures d’assistance dans le cadre de la Facilité.
Au cours des dernières années, l’Europe de la défense a connu des avancées notables. Des évolutions qui témoignent de la volonté des dirigeants européens d’accroître l’autonomie de l’UE dans ce domaine.
On peut ainsi rappeler la création :
- du Fonds européen de défense (FED), lancé en 2021 et qui apporte un soutien financier aux projets industriels de défense développés en commun au niveau de l’Union (budget de 7,9 milliards d’euros pour la période 2021-2027).
- de la Coopération structurée permanente (CSP), à laquelle participent tous les Etats membres sauf Malte, et qui leur permet depuis son lancement en 2017 de prendre des engagements relatifs à l’augmentation et à la coordination des dépenses en matière de défense.
- de l’Initiative européenne d’intervention (IEI), démarrée en 2018, qui crée au sein d’un groupe de pays européens de l’UE et hors UE (au nombre de 13 aujourd’hui, dont le Royaume-Uni) les conditions pour la conduite d’engagements opérationnels conjoints dans des interventions militaires.