“Si ce n’est pas un enterrement de première classe, ça y ressemble fort”, ironise Le Figaro. La Commission européenne a en effet “temporairement mis en suspens les efforts visant à ratifier l’accord d’investissement avec la Chine”, explique Politico.
Négocié depuis sept ans, cet accord “a été signé en décembre 2020″ [Le Figaro]. “À l’époque, le pacte a été défendu comme une ouverture au vaste marché chinois, attendue depuis longtemps, qui profiterait aux entreprises européennes”, note The Guardian. Au titre de ce traité, Pékin est notamment censé lever certaines contraintes imposées aux investisseurs étrangers. L’AGI comporte également “des dispositions relatives au développement durable” [Deutsche Welle]. Les deux parties ont théoriquement deux ans pour finaliser et ratifier le document, qui doit obtenir l’approbation du Conseil et du Parlement.
Un délai qui ne sera donc pas de trop, au vu des annonces faites mardi 4 mai par Valdis Dombrovskis, Vice-président exécutif de la Commission européenne en charge de l’Economie et du Commerce : “Nous avons pour le moment […] suspendu certains efforts de sensibilisation politique du côté de la Commission” [La Croix]. “Il est clair que dans la situation actuelle, avec les sanctions de l’UE contre la Chine et les contre-sanctions chinoises, y compris contre des membres du Parlement européen, l’environnement n’est pas propice à la ratification de l’accord”, a-t-il ajouté.
Contexte tendu
Le Figaro explique en effet, qu’entre “Covid, répression et travail forcé au Xinjiang, piétinement de la liberté à Hong-kong, les sujets de tensions avec Pékin ne manquent pas”. La Chine est en particulier accusée de violations des droits humains contre les Ouïghours dans la région du Xinjiang. Après l’accord de principe de décembre, “dans un revirement spectaculaire, en mars, l’Union européenne a imposé des sanctions à quatre responsables chinois impliqués dans la politique de Pékin au Xinjiang”, rappelle The Guardian. En représailles, “la Chine a rapidement imposé des contre-sanctions visant plusieurs membres influents du Parlement européen, trois parlementaires nationaux, deux comités de l’UE et un certain nombre d’universitaires” sinisants, complète le journal britannique.
“Il était d’ores et déjà évident, quand l’accord […] a été conclu il y a quatre mois, que sa ratification n’irait pas de soi”, considère Le Monde. Au Parlement européen, le texte fait en effet face à “une opposition massive” et transpartisane [Deutsche Welle]. “Conclu à la hâte, après sept ans de négociations laborieuses, [l’accord d’investissement] est suspecté de servir avant tout les intérêts de l’industrie allemande, qui, en ces temps de crise et de Brexit, cherche plus que jamais des débouchés”, rapportait Le Monde fin janvier.
La suspension de la ratification du traité a été bien accueillie par ses détracteurs, alors que “le texte suscite également des doutes sur ses conséquences potentielles pour l’emploi en Europe” [Le Figaro]. L’eurodéputé proche de la France insoumise Emmanuel Maurel s’en est ainsi réjoui mardi 4 mai sur Twitter, affirmant que “ratifier l’accord entre l’Union européenne et la Chine aurait été une humiliation”, en particulier après les enquêtes sur la répression des Ouïghours. “Le Parlement devait se prononcer sur un gel de l’accord dans quinze jours. On sentait bien qu’on allait gagner ce vote. La Commission prend donc les devants”, s’est également félicité l’eurodéputé S&D Raphaël Glucksmann [Le Monde].
Distorsions de concurrence
Pour Politico, les déclarations du Vice-président exécutif de la Commission interviennent alors que “l’accord était déjà bloqué”, avant même cette pause dans le processus de ratification. “Bien que les commentaires de M. Dombrovskis ne suggèrent pas que le pacte ait été officiellement suspendu, ils laissent toutefois entendre que les récentes tensions entre Bruxelles et Pékin ont réduit l’appétit de l’UE pour un tel accord avec la Chine”, analyse The Guardian.
Tout en mettant un sérieux coup de frein à cet accord, la Commission devrait proposer aujourd’hui “de s’octroyer de nouveaux pouvoirs pour enquêter sur les groupes étrangers soutenus par un État et qui cherchent à s’emparer d’entreprises européennes” [Sud Ouest]. Margrethe Vestager, Vice-présidente exécutive au Numérique de l’institution et également commissaire à la Concurrence, souhaite que Bruxelles puisse “enquêter sur les entreprises étrangères qui cherchent à acquérir des entreprises de l’UE au chiffre d’affaires annuel supérieur à 500 millions d’euros”, complète le quotidien régional. Par ailleurs, “des enquêtes sur les aides d’État pourraient aussi être lancées sur les entreprises candidates à de grands marchés publics en Europe, comme dans le rail ou les télécommunications”. Si le mot n’est pas prononcé officiellement, c’est bel et bien “une législation qui vise en particulier Pékin”, souligne La Croix.
Les tensions se sont étendues à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), “où les Etats-Unis, l’Union européenne et leurs alliés accusent les entreprises d’Etat chinoises de concurrence déloyale et réclament de nouvelles règles” [Le Temps]. De son côté, “Pékin se dit prêt au débat et réclame à son tour la fin des subventions américaines et européennes, notamment à l’agriculture”, relate le quotidien suisse.
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