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Brexit : trois ans après, quel bilan pour le Royaume-Uni et ses relations avec l’Union européenne ?

Les trois années qui ont suivi la sortie du Royaume-Uni de l’UE, le 31 janvier 2020, n’ont pas été de tout repos pour le pays. Irlande du Nord, économie, politique, pêche ou encore relations internationales… passage en revue des dossiers, toujours chauds, du Brexit.

- Crédits : Duncan Cumming / Flickr CC BY-NC 2.0
Le Brexit a représenté un changement majeur pour le Royaume-Uni. En septembre 2019, le gouvernement de Theresa May avait lancé une vaste campagne de communication pour appeler les citoyens britanniques à s’y préparer - Crédits : Duncan Cumming / Flickr CC BY-NC 2.0

Un succès retentissant”. C’était la prévision au sujet du Brexit de Boris Johnson, alors Premier ministre britannique, le jour du retrait officiel de son pays de l’Union européenne le 31 janvier 2020. Promesse tenue ? Pour l’heure, non. Ou, pour le dire de manière plus optimiste, disons qu’il reste encore un certain nombre d’obstacles sur la route.

Irlande du Nord : vers la fin du différend ?

Le 27 février dernier, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Premier ministre britannique Rishi Sunak ont abouti au “cadre de Windsor”. Le compromis a vocation à mettre un terme aux difficultés rencontrées entre Londres et Bruxelles dans la province britannique.

Sans doute la question la plus épineuse lors des négociations du Brexit entre 2016 et 2019. Comment éviter de rétablir une frontière physique entre l’Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, et la République d’Irlande, membre de l’UE ? Une interrogation vitale face au risque de voir ressurgir les violences entre communautés protestante et catholique.

Pour y répondre, Britanniques et Européens se sont entendus en octobre 2019 sur la solution censée éviter les difficultés liées au Brexit : le protocole nord-irlandais. Un texte issu de l’accord de sortie signé à cette époque et qui maintient de fait l’Irlande du Nord dans le marché unique pour les biens. La province britannique doit ainsi continuer de suivre un certain nombre de règles de l’UE. Et des contrôles douaniers doivent être effectués sur les produits transitant entre la Grande-Bretagne et elle.

Sauf que le protocole nord-irlandais n’a jamais été pleinement appliqués par Londres. Ce qui lui a valu le déclenchement de plusieurs procédures d’infraction de la part de Bruxelles, avec de lourdes sanctions financières si elles aboutissaient. En cause pour le gouvernement britannique, des vérifications trop contraignantes qui fragilisent l’économie de l’Irlande du Nord et suscitent la colère des unionistes, favorables au maintien dans le Royaume-Uni. La principale force politique unioniste, le parti DUP, refuse d’ailleurs de participer au gouvernement local tant que le protocole nord-irlandais n’est pas supprimé, provoquant la paralysie politique de l’Ulster depuis mai 2022.

Conclu le 27 février dernier, le “cadre de Windsor” a vocation à régler ce différend. Il permet en effet un fort allègement des contrôles pour les produits en provenance de Grande-Bretagne uniquement destinés à l’Irlande du Nord. Et donne la possibilité au parlement local de bloquer de nouvelles règles de l’UE. Un “frein de Stormont” (“Stormont brake”), du nom du bâtiment abritant l’assemblée nord-irlandaise, prévu pour n’être utilisé que de manière exceptionnelle et qui pourra être rejeté par la Cour de justice de l’UE, l’institution conservant le dernier mot.

Economie : le Royaume-Uni affecté par le Brexit

“Take back control” (reprendre le contrôle), tel était le slogan des Brexiters lors du référendum de 2016, avec à la clé des promesses de prospérité économique. Celles-ci ne se sont pour l’heure pas réalisées, l’économie britannique ayant subi d’importants effets négatifs liés au Brexit. Des conséquences sur l’économie qui ont été surtout mesurables à partir du 1er janvier 2021. 

Car la sortie officielle du Royaume-Uni de l’UE le 31 janvier 2020 a été suivie par une période de transition pendant laquelle le pays appliquait toujours l’ensemble des règles de l’UE jusqu’au 31 décembre 2020, sans conserver pour autant son pouvoir de décision (il ne participait plus aux réunions du Conseil et n’avait plus d’eurodéputés). Londres bénéficiait donc encore de l’appartenance à l’Union, et notamment au marché unique. Le 24 décembre 2020, un accord de commerce et de commerce a été conclu, définissant la nouvelle relation entre Londres et Bruxelles. S’il permet au Royaume-Uni de continuer à commercer avec l’UE sans droits de douane ni quotas, les échanges ne sont pas exempts de formalités administratives et de contrôles douaniers et sont ainsi moins fluides qu’auparavant. Rapidement après le 1er janvier 2021, date de l’entrée en vigueur de l’accord, des difficultés sont apparues outre-Manche.

Ces dernières se sont en particulier matérialisées par des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs. Le Brexit a en effet compliqué l’immigration des travailleurs venus de l’UE, comme annoncé lors de la campagne pour le retrait du Royaume-Uni de l’UE. Le Nutffield Trust, un think tank britannique spécialiste des questions de santé, a par exemple publié une étude en novembre dernier indiquant une aggravation de la pénurie de médecins liée au Brexit. Mais ce sont surtout les métiers peu qualifiés qui sont concernés par le manque de main-d’œuvre. En 2021, une pénurie de chauffeurs routiers avait notamment conduit l’armée à approvisionner les stations-service en carburant.

Des pénuries alimentaires ont aussi été subies à plusieurs reprises par les consommateurs du pays ces dernières années. Les tomates, brocolis ou encore poivrons sont récemment venus à manquer au Royaume-Uni. Si le changement climatique et la hausse des prix de l’énergie sont mis en cause, le Brexit pourrait avoir davantage tendu la situation.

Le contexte mondial, notamment énergétique, y est pour beaucoup mais le Brexit ne semble pas non plus étranger à la dégradation de l’économie britannique. Proche de la récession, elle accusait une inflation supérieure à 10 % sur un an en janvier.

Politique intérieure britannique : la valse des Premiers ministres

Six chefs de gouvernement en l’espace de six ans. Alors que les exécutifs du Royaume-Uni étaient habitués à une relative stabilité, les Premiers ministres ont été éphémères depuis le Brexit. Une faible longévité de ces hommes et femmes tous conservateurs pour partie due à la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Au pouvoir à partir 2010, David Cameron avait été reconduit à la suite des élections générales de 2015, notamment sur la promesse d’organiser un référendum à propos du Brexit. En faveur du maintien, il démissionne après la victoire du camp adverse. Theresa May lui succède en juillet 2016. Ne parvenant pas à faire approuver par les députés britanniques l’accord de retrait négocié avec l’UE, rejeté trois fois, l’ancienne ministre de l’Intérieur démissionne en 2019.

Boris Johnson la remplace et réussit de son côté à faire adopter un accord remanié. Mais il est également contraint à la démission, en 2022, après plusieurs scandales. Notamment celui du “Partygate”, à savoir des fêtes organisées en violation des restrictions sanitaires durant la pandémie de Covid-19 qu’il avait lui-même décidées.

Liz Truss a quant à elle battu un record : celui du mandat le plus court à la tête du gouvernement britannique, soit seulement 49 jours de début septembre à fin octobre 2022. Des fonctions particulièrement courtes en raison d’un “mini-budget” prévoyant 45 milliards de livres de baisses d’impôts pour les plus aisés et un recourt accru à l’emprunt qui a provoqué une panique des marchés. Le climat chaotique à la fois politique et financier l’ont très rapidement poussée à la démission.

Depuis, son successeur Rishi Sunak a jusqu’ici survécu aux turbulences de la politique britannique post-Brexit. Et il a déjà à son actif un succès, celui de l’accord sur l’Irlande du Nord conclu fin février avec la Commission européenne. Mais nul ne sait encore s’il pourra se maintenir au pouvoir jusqu’aux prochaines élections générales, prévues en janvier 2025 au plus tard…

La pêche : un dossier loin d’être clos

Sujet brûlant lors de la négociation de l’accord de commerce post-Brexit, la pêche avait fait l’objet d’un compromis entre Londres et Bruxelles : les pêcheurs de l’UE ont conservé un accès aux eaux très poissonneuses du Royaume-Uni mais doivent renoncer à 25 % de leurs captures d’ici à l’été 2026.

Des difficultés sont cependant apparues après l’entrée en vigueur de l’accord en janvier 2021, affectant notamment les professionnels français du secteur. Car les autorités britanniques leurs demandent des licences pour exercer dans les eaux du pays, souvent attribuées au compte-gouttes. Les propriétaires de bateaux de pêche représentant 3 % de la flotte française ont ainsi dû renoncer à leur activité et doivent recevoir une indemnisation de l’Etat et de la Commission européenne.

D’autres pays à proximité du Royaume-Uni, à l’instar de l’Irlande, sont concernés. Les discussions avec le gouvernement britannique sont donc appelées à se poursuivre.

Relations internationales : des positions rapprochées par la guerre en Ukraine

Malgré son désir de s’éloigner du cadre européen, le Royaume-Uni a opéré un rapprochement avec l’UE depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie à partir de février 2022. Car ce bouleversement géopolitique est venu raviver les alliances traditionnelles, tout en gommant les différences d’approche d’un bloc occidental désormais particulièrement soudé.

Que ce soit en matière d’implication dans l’Otan, organisation dont la légitimité s’est particulièrement renforcée parmi ses membres avec le conflit, ou encore de sanctions contre la Russie. Certaines mesures restrictives adoptées par l’UE ont été décidées en étroite collaboration avec le G7, auquel appartient le Royaume-Uni. Par exemple le plafonnement du pétrole russe vendu aux pays tiers ou encore le gel des avoirs de la Banque centrale de Russie.

Comme nombre d’Etats membres de l’UE, une politique d’envoi d’armes à l’Ukraine est pratiquée outre-Manche. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne s’y est pas trompé et a valorisé tant le soutien britannique que celui de l’UE. Lorsqu’il a effectué une mini-tournée européenne début février, le dirigeant s’est d’abord rendu à Londres à la rencontre de Rishi Sunak, puis à Paris à celle d’Emmanuel Macron et du chancelier allemand Olaf Scholz. Et enfin à Bruxelles, pour échanger avec les eurodéputés et participer au Conseil européen en compagnie des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept.

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