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Brexit : quelles sanctions pour le Royaume-Uni en cas de non-respect de ses engagements vis-à-vis de l’UE ?

Européens et Britanniques ont beau s’être entendus sur leur séparation, leur relation n’est pas au beau fixe pour autant. Irlande du Nord, pêche… plusieurs dossiers ont récemment fait l’objet de tensions, Bruxelles accusant Londres de ne pas respecter les termes du divorce. Jusqu’à envisager d’adopter des sanctions.

Dans les ports nord-irlandais, comme ici à Belfast, des contôles douaniers sur les produits alimentaires en provenance de Grande-Bretagne devaient initialement être mis en place le 1er avril 2021 mais ont été repoussés de six mois par les autorités britanniques. Une source de tension importante entre Bruxelles et Londres - Crédits : Niall Majury / iStock
Dans les ports nord-irlandais, comme ici à Belfast, des contrôles douaniers sur les produits alimentaires en provenance de Grande-Bretagne devaient initialement être mis en place le 1er avril 2021. Repoussés de six mois par les autorités britanniques, ils représentent une importante source de tensions entre Bruxelles et Londres - Crédits : Niall Majury / iStock

Ceux qui pensaient que le Brexit était derrière nous ont malheureusement péché par optimisme. La signature de deux accords encadrant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’a pas permis surmonter plusieurs différends qui continuent à empoisonner les relations entre les deux partenaires.

Le premier traité, qui a organisé le départ de Londres, a été conclu en octobre 2019. Il est entré en vigueur le 31 janvier 2020 à minuit (heure de Bruxelles) avec le retrait officiel des Britanniques de l’Union européenne. Le second a quant à lui été signé le 24 décembre de la même année et vise à régir la nouvelle relation entre les Vingt-Sept et le Royaume-Uni. Après une application provisoire à compter du 31 décembre 2020 à minuit, cet accord a définitivement pris effet le 1er mai dernier.

Rapidement, des tensions sont venues compliquer la mise en œuvre des deux textes. Avant même la conclusion de l’accord de commerce et de coopération fin décembre, Londres avait déjà fait l’objet d’une procédure d’infraction de la part de Bruxelles pour non-respect de l’accord de sortie.

En cause : une disposition controversée d’une loi britannique présentée en septembre 2020, qui revenait sur le protocole nord-irlandais issu du traité. Celui-ci prévoit un alignement de l’Irlande du Nord sur certaines règles européennes afin d’éviter le rétablissement d’une frontière physique avec la République d’Irlande. Face aux pressions européennes, l’exécutif britannique avait finalement accepté en décembre de supprimer les éléments problématiques de sa loi, peu avant la signature du traité commercial avec l’UE.

L’Irlande du Nord et la pêche au cœur des tensions

Deux contentieux sont par la suite apparus en 2021. L’Irlande du Nord est tout d’abord revenue sur le devant de la scène en mars. Alors que des contrôles douaniers sur les produits alimentaires devaient être mis en place entre la Grande-Bretagne et l’Ulster, les Britanniques ont unilatéralement décidé de les repousser. Prévus par le protocole nord-irlandais, ces contrôles auraient dû être introduits à partir du 1er avril. Mais Londres a fait le choix de repousser leur instauration au 1er octobre, sans consultation préalable des Européens.

L’autre différend concerne la pêche et a pour cadre l’accord de commerce et de coopération Royaume-Uni/UE. Le texte précise que les pêcheurs européens conservent un accès aux eaux britanniques, même s’ils doivent renoncer à 25 % de leurs captures d’ici cinq ans. Toutefois, nombre de professionnels de la pêche, français notamment, n’ont toujours pas obtenu leur licence de la part du Royaume-Uni, obligatoire pour y exercer leur métier. Paris accuse Londres de les attribuer au compte-goutte et de ne pas respecter ses engagements pris avec l’accord commercial. En parallèle, Britanniques et Européens se sont bien entendus le 2 juin au sujet des quotas de capture pour 2021 et des zones de pêche, mais cette question de l’attribution des licences demeure un sujet de tension.

Si les deux parties n’arrivaient pas à trouver une solution à l’amiable, la Cour de justice de l’UE ou un tribunal arbitral en fonction des cas seraient amenés à trancher les litiges. S’ils donnaient raison à l’UE, quelles sanctions pourraient être prises à l’encontre du Royaume-Uni ?

Pour l’accord de sortie, des sanctions financières et des suspensions du traité

En ce qui concerne l’Irlande du Nord, l’accord de retrait conclu en octobre 2019 fait foi. Le 15 mars, l’UE a lancé deux procédures d’infraction visant le Royaume-Uni après sa décision relative aux contrôles douaniers.

Ces procédures se matérialisent par deux lettres : l’une a été adressée par la Commission européenne au Royaume-Uni, l’autre par le coprésident européen du comité mixte UE-Royaume-Uni Maroš Šefčovič à son homologue britannique David Frost. Cette instance, constituée de représentants envoyés par Londres et par Bruxelles, est chargée de veiller à la bonne application du traité.

La première lettre de mise en demeure est liée au protocole nord-irlandais et somme les Britanniques de respecter l’échéance initialement prévue pour le rétablissement des contrôles en mer d’Irlande. La seconde, dite politique, rappelle au gouvernement britannique qu’il doit faire preuve de “bonne foi” dans l’application du traité. Les deux lettres ouvrent la voie à des processus distincts avec des acteurs différents.

Londres a été sommée de répondre sous un mois à la lettre de mise en demeure de Bruxelles. Bien que le Royaume-Uni ait dit avoir eu besoin de plus de temps pour envoyer sa réponse, cette dernière a bien été transmise à l’exécutif européen le 14 mai. Si la Commission européenne n’avait pas eu de retour ou si celui-ci, qui est encore analysé, ne lui convenait pas, elle aurait la possibilité d’adresser au Royaume-Uni un avis motivé, qui détaillerait précisément le ou les manquements à l’accord de sortie reprochés au pays. Et la Cour de justice de l’UE, compétente concernant le protocole nord-irlandais, pourrait infliger le paiement d’une amende ou d’une astreinte. C’est à dire une somme devant être versée à échéances régulières tant que la mise en conformité avec le traité n’a pas été effectuée, explique le site de la Commission.

La lettre politique doit pour sa part conduire le Royaume-Uni à engager des discussions au sein du comité mixte afin de parvenir à régler le différend. Si celles-ci n’aboutissent pas, l’UE aura alors le pouvoir de le soumettre à un groupe d’arbitrage, composés de membres indépendants, pour mettre un terme au litige. Ce groupe peut lui aussi imposer des sanctions financières. En cas de refus du Royaume-Uni de les payer ou encore de se mettre en conformité avec l’accord, l’UE aura le droit de suspendre, le temps qu’il le fasse, des dispositions du traité ou d’autres textes qui la lient à Londres, comme l’accord commercial conclu en décembre. 

Pour l’accord commercial, des sanctions analogues

Malgré les tensions liées à la pêche, ce traité n’a pour l’heure pas donné lieu à des procédures d’infraction. S’il repose sur la même logique que l’accord de sortie en termes de sanctions éventuelles, il se démarque sur un point important : en cas de différend qui toucherait au droit de l’UE, la Cour de justice de l’UE (CJUE) n’est pas compétente. Londres était en effet totalement opposée à cette perspective.

Dans la majeure partie des cas, c’est donc un tribunal arbitral qui tranchera en dernier recours. Avant d’en arriver là, des consultations devront être conduites au sein du conseil de partenariat, un organe au rôle et à la composition proches du comité mixte UE/Royaume-Uni.

Si les pourparlers achoppent et que le tribunal arbitral juge qu’il y a eu des manquements aux obligations du traité, la partie incriminée aura 30 jours pour prendre des mesures de mise en conformité. A défaut, l’autre partie pourra demander des compensations financières ou des suspensions de points du traité tant que le retour aux respects des obligations n’aura pas eu lieu. Le rétablissement de droits de douane figure, par exemple, parmi les possibilités.

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1 commentaire

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    Guillaume ngongo

    bonjour , je trouve que cette structure du conseil de partenariat risque de ne pas faire avancer les choses dans les domaine de cooperation parce que les juges de conseil sont au prealable membres de leurs Etats et que en cas de probleme liés a l’executiondes obligations issus des traités, ils finiront par avoir des positions tranchées, je vousdrait aussi savoir la composition du tribunal arbitral