“La guerre de la saucisse aura-t-elle lieu ?”, s’interroge Arnaud de La Grange, le correspondant à Londres du Figaro. La question peut sembler triviale, mais elle était bien au cœur des longues discussions qui se sont tenues mercredi 9 juin entre David Frost, le ministre britannique chargé du Brexit, et le vice-président de la Commission européenne responsable du dossier, Maroš Šefčovič. Les deux hommes se sont en effet retrouvés à Londres pour évoquer les exportations de viande réfrigérée de Grande-Bretagne à destination de l’Ulster, selon les informations du Telegraph.
En vertu du protocole nord-irlandais, issu de l’accord régissant la sortie du Royaume-Uni de l’UE, celles-ci devraient être soumises à des contrôles douaniers à partir du 30 juin prochain. Mais Londres réclame une “extension de la période de grâce”, rapporte Ouest-France. De quoi créer des tensions liées au Brexit car “les importations de viande sont normalement interdites depuis un pays hors UE. Si rien n’est fait, saucisses et nuggets de poulets britanniques risquent de disparaître des supermarchés nord-irlandais, un signe de l’absurdité de ces mesures selon le gouvernement de Boris Johnson”, poursuit le quotidien régional. Le Premier ministre britannique a en effet accusé la Commission européenne de privilégier une approche trop “puriste” des textes [The Independent], tandis que son ministre de l’Environnement Georges Eustice a dénoncé le “non-sens” de la situation [The Daily Express].
Londres veut repousser l’échéance
Derrière cette guerre de la saucisse se pose donc plus largement la question des suites du Brexit. Et de la bonne application du protocole nord-irlandais, un texte “âprement négocié en 2019 entre Londres et Bruxelles [et qui] maintient de fait la province britannique d’Irlande du Nord dans le marché unique et l’union douanière européens pour les marchandises, en prévoyant des contrôles douaniers sur les biens arrivant en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne”, rappelle le magazine Capital.
Or depuis la fin, le 31 décembre dernier, de la période de transition post-Brexit qui maintenait l’ensemble du Royaume-Uni au sein du marché unique, Londres repousse le rétablissement de ces contrôles douaniers en mer d’Irlande sur certaines marchandises. En cause, selon BFM TV : “des tensions dans les chaînes d’approvisionnement” qui ont poussé “le gouvernement britannique à accorder une période de grâce afin de reporter les contrôles et fournir l’île sans perturbation”. Une décision motivée par des enjeux économiques, mais aussi politiques, puisque “les unionistes dénoncent [l’établissement] d’une frontière en mer d’Irlande”, rappelle Capital.
La situation actuelle attise donc les inimitiés entre les communautés protestantes et catholiques d’Irlande du Nord. Or le mensuel rappelle que le protocole nord-irlandais visait justement “à éviter le retour d’une frontière physique entre la province britannique et la République d’Irlande, membre de l’UE, afin de préserver la paix conclue en 1998 après trois décennies sanglantes entre unionistes favorables au maintien sous la couronne britannique et républicains favorables à la réunification de l’île”.
Bruxelles agite la menace des sanctions
Malgré la rencontre de haut niveau tenue le 9 juin, les représentants des deux parties “ne sont arrivés mercredi à aucune percée sur les dispositions commerciales qui fragilisent la paix dans la province britannique” [Ouest-France]. Cité par BFM TV, le vice-président de la Commission européenne Maroš Šefčovič, qui est chargé par les Européens de superviser la mise en œuvre des accords signés avec Londres, a en effet laissé planer la menace de sanctions : “Si le Royaume-Uni prend de nouvelles mesures unilatérales dans les prochaines semaines, l’UE ne manquera pas de réagir rapidement, fermement et résolument pour assurer que le Royaume-Uni respecte ses obligations légales internationales”.
Bruxelles, qui a déjà lancé une première procédure d’infraction en mars lorsque Londres avait unilatéralement décidé de prolonger la période de grâce sur le rétablissement d’autres contrôles en mer d’Irlande, pourrait donc passer de nouveau à l’offensive. A moins que l’actuelle tournée diplomatique européenne du président américain Joe Biden, “fier de ses origines irlandaises” [Ouest-France], ne change la donne. “Les tensions autour de l’Irlande du Nord devraient [en effet] figurer au menu des discussions entre le président américain Joe Biden et Boris Johnson”, prévues jeudi 10 juin dans les Cornouailles, au Royaume-Uni, en marge du sommet du G7.
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