Toute L'Europe – Comprendre l'Europe
  • Actualité

Aide au développement : quelles perspectives pour les pays méditerranéens ?

Face aux crises majeures qui se déroulent dans certains pays méditerranéens, au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord, l’attention se focalise surtout sur les initiatives diplomatiques ou militaires. Souvent minimisée, l’aide au développement joue cependant un rôle clé pour la stabilisation des régions et pourrait bientôt être réformée en profondeur.

Panneau signalant l'aide européenne au développement du tourisme à Palmyre (Syrie) avant le début de la guerre
Panneau signalant l’aide européenne au développement du tourisme à Palmyre (Syrie) avant le début de la guerre - Crédits : Erik Albers

Plus de 80 milliards de dollars. C’est cette somme, considérable, qui a été investie par l’Union européenne et ses pays membres pour l’aide au développement en 2015. Un montant qui fait des Européens les premiers donateurs à l’échelle mondiale, représentant même la moitié de l’aide au développement totale versée cette année-là. Les institutions européennes à elles seules ont débloqué 13,5 milliards de dollars.

Les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient font partie des principaux bénéficiaires de l’aide au développement, recevant 15% de la totalité des fonds versés par l’Europe. Individuellement, la Turquie, le Maroc et la Syrie sont les pays qui ont reçu les sommes les plus élevées, avec respectivement 2,9 milliards, 1,2 milliard et 1,1 milliard d’euros en 2015. Et logiquement, les investissements ne sont en rien uniformes d’un pays à l’autre. De fait, par définition, l’aide au développement peut prendre la forme de coopérations institutionnelles ou non-institutionnelles et de se matérialiser par des soutiens aussi bien financiers que techniques à des projets locaux. Une flexibilité qui fait de l’aide au développement un moyen efficace pour la gestion des crises encore très nombreuses dans les pays du sud de la Méditerranée.

Une région très hétérogène, un grand défi pour l’aide au développement

La grande hétérogénéité de la région concernant les standards de vie, le développement économique ou encore la solidité des institutions et de la démocratie vient toutefois complexifier la stratégie européenne en matière d’aide au développement à destination de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. L’Indice de développement humain (IDH) permet à cet égard d’identifier trois groupes de pays. Israël, seule démocratie avancée de la région et cas particulier au regard de l’histoire et de la religion, se situant à part.

La première catégorie de pays concerne les régimes politiquement stables, dont le niveau démocratique est cependant variable, comme ceux de la Jordanie, du Liban, du Maroc ou encore de la Tunisie. Dans ces pays, la mise en œuvre de l’aide au développement est relativement aisée, grâce à des relations étroites entre l’Europe et les gouvernements partenaires. L’établissement de mesures ciblées est ainsi possible.

En raison d’instabilités politiques importantes ou de la présence de régimes autoritaires plus sévères, la mise en œuvre de l’aide au développement est plus difficile dans des pays tels que l’Algérie, l’Egypte ou encore les Territoires palestiniens. Les gouvernements nationaux apparaissent généralement moins enclins à travailler en coopération avec les Européens, tandis que le niveau de corruption ou encore les atteintes aux droits civils constituent des freins à l’aide au développement. Cette dernière prend alors le plus souvent la forme de projets techniques.

Enfin, le troisième groupe de pays concerne les Etats faillis ou fortement instables, tels que la Libye ou la Syrie. Les territoires ne sont ici ni contrôlés dans leur totalité ni gouvernés par un pouvoir central, et l’action européenne s’effectue par conséquent essentiellement par le biais de l’aide humanitaire, visant à éviter une détérioration encore plus importante de la situation dans ces pays.

L’importance de la bonne gouvernance dans la mise en œuvre de l’aide au développement apparaît donc évidente. Quand celle-ci n’est pas assurée, la coopération de l’UE avec des gouvernements étrangers est rendue très difficile. De plus, seule la volonté de coopération des administrations publiques nationales peut permettre l’élaboration de projets concrets qui dépassent le cadre de l’aide humanitaire. Afin de mieux répondre aux défis résultant de cette hétérogénéité, l’Union poursuit dès lors une approche individuelle prenant en compte les particularités nationales, en utilisant une grande diversité de moyens.

De l’aide humanitaire classique à la promotion de la démocratie

Les moyens de l’Union varient donc en fonction des besoins auxquels l’aide au développement doit répondre. Dans le cas d’urgences éminentes, comme en Syrie ou en Libye, il s’agit d’une aide humanitaire classique, soit les mesures de bases pour assurer la mise à l’abri des populations touchées, les soins médicaux, la nourriture et la sécurité physique. Par exemple, l’Union soutient la protection et l’éducation des enfants de réfugiés en Syrie, au Liban et en Jordanie.

Les formes d’aide au développement dans les pays désireux de coopérer avec l’Europe sont beaucoup plus diverses. Ainsi, l’Union soutient ou initie des projets très différents dans ces pays, à l’instar du Maroc, où l’Union participe à des projets en faveur de l’égalité homme-femme, des droits de l’Homme ou encore de la réforme du secteur énergétique.

Et dans un pays comme l’Egypte, l’Union européenne soutient par exemple la création d’infrastructures routières et intervient en appui dans le secteur économique.

Federica Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne, le 27 novembre à Abidjan (Côte d’Ivoire) - Crédits : Commission européenne

Vers une nouvelle aide européenne au développement ?

En définitive, le bilan de l’aide européenne au développement est balancé. Si une mesure quantitative est difficile, il est possible de dire que l’Union participe activement à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement. Par exemple, de mi-2014 à mi-2015, les programmes de l’Union visant à éradiquer la famine ont soutenu plus de 5 000 femmes et enfants de moins de 5 ans. De plus, dans un rapport publié par Eurostat en 2017, l’Union se félicite d’avancer notamment sur le plan de l’énergie propre, de la consommation et de la production responsable, ainsi que des villes durables. Enfin, les contextes nationaux parfois extrêmement heurtés, comme la guerre en Syrie, l’instabilité politique en Libye ou encore le durcissement du régime en Egypte viennent logiquement atténuer l’efficacité de l’aide au développement européenne.

A l’inverse, parmi les insuffisances de cette politique, régulièrement pointées du doigt par les ONG et associations, figure son faible impact dans la lutte contre la pauvreté et la faim. Selon la fondation catholique Caritas par exemple, l’Union pourrait être un vrai “champion de la lutte contre la faim” , mais cela nécessiterait une politique plus cohérente et plus active dans ce domaine.

Au cours des mois à venir, une réforme de l’aide au développement européenne est à prévoir. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre Emmanuel Macron lors de son discours de la Sorbonne du 26 septembre. Pour le président français, un vrai partenariat avec l’Afrique doit être au cœur du projet européen. D’un point de vue général, une refonte de l’aide au développement doit permettre d’atteindre deux objectifs clés : la limitation des flux migratoires à destination de l’Europe et la stabilisation globale des pays de la zone méditerranéenne. Des priorités qui ont été largement évoquées lors du sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine les 29 et 30 novembre.

Plus concrètement, le chef de l’Etat a ainsi proposé de financer l’aide au développement à destination de l’Afrique, notamment en matière de lutte contre le changement climatique, par une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne. Ce projet, ancien, n’a toutefois jamais vu le jour au sein de l’UE, son adoption ayant été bloquée à de multiples reprises, y compris par la France.

A cet égard, l’Allemagne pourrait apporter un soutien décisif à l’initiative française, une fois que les négociations pour la formation du prochain gouvernement auront abouti. Au cours de ce qui devrait être son quatrième mandat, Angela Merkel a en effet annoncé vouloir se concentrer sur les grands enjeux de la politique mondiale. Et le ministère allemand du Développement et de la Coopération économique a quant à lui lancé un “plan Marshall avec l’Afrique” en 2017.

La bonne volonté manifestée publiquement par certains Etats membres pourrait toutefois se heurter aux contraintes financières de l’Union européenne. En effet, le budget de 2018 doit faire l’objet de coupes importantes au détriment de l’aide au développement, baissant le budget annuel de 10,4 à 9,6 milliards euros, soit une réduction de 5,6% par rapport à 2017. Cette décision a fait l’objet de discussions intenses au sein des institutions, le Parlement se montrant clairement en faveur d’une hausse des moyens financiers destinés à l’aide au développement, alors que les Etats membres ont plaidé, avec succès, pour une réduction de la ligne budgétaire.

Un choix que les ONG humanitaires n’ont pas tardé à dénoncer. Selon Hilary Jeune, conseillère politique chez Oxfam, l’Union européenne a “adopté une version étriquée et ne se focalise que sur ses propres intérêts sécuritaires” .

Article dirigé par Toute l’Europe et réalisé avec des élèves de Sciences Po dans le cadre d’un projet collectif

Votre avis compte : avez-vous trouvé ce que vous cherchiez dans cet article ?

Pour approfondir

À la une sur Touteleurope.eu

Flèche

Participez au débat et laissez un commentaire

Commentaires sur Aide au développement : quelles perspectives pour les pays méditerranéens ?

Lire la charte de modération

Commenter l’article

Votre commentaire est vide

Votre nom est invalide