“Un peu plus de carotte, un peu moins de bâton”, résument ce matin Les Echos pour évoquer les enjeux d’une rencontre entre Européens et Turcs. A Ankara, Charles Michel et Ursula von der Leyen, respectivement présidents du Conseil européen et de la Commission, rencontrent le chef de l’Etat Recep Tayyip Erdoğan. Un “interlocuteur difficile qui a l’art de retourner les situations à son avantage”, souligne Le Figaro. Cet entretien est d’ailleurs une demande de ce dernier, à laquelle “les Européens ont choisi [de] répondre favorablement”, poursuit le quotidien. “Comme toujours, la Grèce et Chypre surveilleront de près” cette entrevue [Politico].
L’objectif affiché de ces échanges est “de discuter des modalités de la reprise graduelle des relations entre l’Union européenne et la Turquie”, indique Le Parisien. “La Turquie a récemment promis d’établir un ‘agenda positif’, reste à voir ce que cela signifie”, poursuit le journal. Sécurité, environnement, santé ou visas pour les ressortissants turcs : “l’UE s’est dite prête […] à reprendre le dialogue à haut niveau suspendu en 2019” sur ces sujets ainsi que sur la “modernisation de l’union douanière” [Challenges].
“On est loin des déclarations va-t’en guerre de 2020 de Recep Erdoğan, qui a mis en doute la santé mentale d’Emmanuel Macron et qualifiant la France de raciste [en octobre dernier]”, explique pour sa part Bénédicte Tassart sur RTL. Les déclarations du chef de l’Etat turc avaient eu lieu dans un contexte de tensions croissantes entre Bruxelles et Ankara, notamment alimentées par les “opérations illégales [turques] de forage dans les eaux de ses voisins grec et chypriote, suscitant la colère des Européens et même quelques déploiements militaires français” [Les Echos].
Les raisons d’un début de réconciliation
Depuis le début de l’année, la situation semble s’être quelque peu apaisée. Recep Tayyip Erdoğan a adouci son discours, indiquant que la Turquie souhaitait “ouvrir cette année une nouvelle page dans ses relations avec l’UE” [Les Echos]. Fin mars, à l’issue du Conseil européen, “les Européens sont même allés jusqu’à se féliciter de la ‘récente désescalade’ d’Ankara” [Le Figaro].
Pour Les Echos, ce revirement intervient car “Erdogan a besoin d’amis”. Avec l’arrivé de Joe Biden à la Maison-Blanche, “Ankara s’inquiète d’un possible durcissement américain à son égard”, écrit Challenges. De plus, le président turc ne semble plus aussi dominateur sur la scène politique nationale. Politiquement, sa cote de popularité “s’effrite”, “et pour la première fois en 18 ans, le président n’est pas sûr d’être réélu en 2023″ [RTL]. Sur le plan économique, le pays “a vu sa monnaie dégringoler de plus d’un cinquième de sa valeur par rapport au dollar en un an”, précise Le Figaro. Commercialement enfin, le pays reste extrêmement dépendant de l’Europe : “entre 2002 et 2018, deux tiers des investissements directs étrangers dans le pays sont provenus de l’Union européenne” [Les Echos].
Côté européen, la perspective de renouer une relation constructive avec la Turquie permettrait de pouvoir négocier sur plusieurs fronts. Bruxelles pense notamment à “l’implication de la Turquie dans les conflits en Syrie, Irak, Libye ainsi qu’au Haut-Karabakh”, relève Le Figaro. Le 22 mars dernier, à la veille du dernier Conseil européen, Emmanuel Macron avait pour sa part affirmé sur France 5 l’importance pour l’Europe de maintenir un dialogue ouvert avec la Turquie, notamment en matière migratoire. “Si vous dites du jour au lendemain : nous ne pouvons plus travailler avec vous, plus de discussions, ils ouvrent les portes et vous avez 3 millions de réfugiés syriens qui arrivent en Europe”, avait déclaré à cette occasion le président de la République.
L’attitude à adopter divise les Européens
Malgré tout, “la possibilité de sanctions, mise en avant fin 2020, reste sur le radar”, précisent Les Echos. Si la situation s’améliore, les Européens souhaitent se prémunir d’un revirement sur certains dossiers, conscients du caractère versatile du leader turc. Peu de temps après un appel vidéo avec Ursula von der Leyen et Charles Michel, fin mars avant le Conseil européen, “Erdoğan avait [par exemple] annoncé que la Turquie se retirait de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre les violences faîtes aux femmes”, avec comme excuse que celle-ci nuirait au modèle de la “famille traditionnelle” [Politico]. Bruxelles a également récemment condamné “une procédure judiciaire [turque] pour interdire le parti prokurde HDP, troisième [plus] grande formation politique du pays”, complète Le Parisien.
La position défendue cet après-midi par Charles Michel et Ursula von der Leyen tentera donc de traduire “une classique synthèse européenne entre des sensibilités différentes”, à mi-chemin entre “une Allemagne désireuse de privilégier à tout prix le dialogue [et] une France nettement plus encline à oser la fermeté avec Ankara”, résument Les Echos. Une chose est toutefois sûre concernant l’issue du sommet. “Contrairement à ce que pouvaient attendre les autorités turques, il n’y aura pas de conférence de presse commune à l’issue de la rencontre. Trop risqué” [Le Figaro].
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