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Christophe Leclercq : “Le problème dans la communication des institutions européennes ne concerne pas le manque d’idées mais le manque de décision”

Christophe Leclercq est l’éditeur et le fondateur d’EurActiv. Ce média indépendant, créé en 1999, a pour vocation de compléter l’information fournie par les sites des institutions européennes en accordant notamment une place importante aux acteurs non-institutionnels affectés par les politiques européennes. Touteleurope.fr l’a interrogé sur les enjeux de ce dossier et les perspectives attendues.

Comment Internet a-t-il permis d’améliorer l’accès à l’information sur l’UE ?

L’information est devenue quelque chose de relativement banal. Dans le passé il fallait payer pour accéder à l’information, c’était un peu contraire avec les idées de transparence et d’implication des citoyens.

Internet a grandement facilité l’information, mais il ne faut pas croire que les institutions européennes peuvent communiquer directement avec les citoyens. C’est une erreur classique qui est souvent commise.

Nombreux sont ceux qui s’estiment submergés par la quantité d’information. Il y a donc un rôle important à jouer :

  • pour ceux, comme Euractiv, qui s’adressent à un public spécialisé ;
  • pour ce que peuvent faire, les ONG ou les fédérations auprès des publics sectoriels ;
  • pour les intermédiaires, les multiplicateurs, comme Touteleurope.fr.


Quelle est la relation actuelle entre l’UE et les citoyens européens ?

La France est très marquée par le débat sur le référendum sur le traité constitutionnel. Il ne faut néanmoins pas oublier que dans d’autres Etats membres de l’UE, ce débat n’a pas été aussi important et que la crise n’est pas aussi profonde.

Le problème principal n’est pas une “crise” de la communication mais tout simplement un manque d’intérêt. J’aime bien le concept de “citoyen européen” , en phase avec les institutions européennes. Cependant, plus que des citoyens, les Européens sont avant tout des travailleurs, des consommateurs, des touristes, des étudiants, des retraités. Ils se sentent citoyens périodiquement, au moment des élections par exemple, ou parfois lors de certains événements.
Les institutions européennes doivent sortir d’un débat trop politique et entrer dans un débat très concret. Elles doivent avant tout parler aux étudiants des programmes d’échanges, aux touristes des droits des voyageurs par rapport aux compagnies aériennes, aux travailleurs de l’implication de l’élargissement sur la compétitivité de leur entreprise. Il faut communiquer sur des sujets concrets et non pas institutionnels.

Les institutions européennes doivent donc adapter leur message en fonction du public…

Les institutions ne sont ni légitimes, ni capables de réaliser elles-mêmes cette adaptation. Le Livre jaune sur la communication d’Euractiv propose deux orientations :

  • décentraliser radicalement l’information ;
  • donner plus de moyens et de pouvoirs aux multiplicateurs

    sectoriels, aux acteurs qui peuvent apporter une valeur ajoutée. Soit

    une valeur ajoutée de vulgarisation, comme touteleurope.fr, soit une

    valeur ajoutée de mise en contexte sectoriel, pour que les gens

    comprennent vraiment ce que l’Europe signifie pour eux.

Créer des blogs au niveau européen n’a d’intérêt que pour ceux qui sont intéressés par les questions institutionnelles. Il faudrait par exemple qu’un correspondant agricole d’un quotidien ouvre un blog sur les questions agricoles européennes, qu’il animerait par lui-même.

Le 1er février 2006, juste avant la présentation officielle du Livre blanc de la Commission sur la stratégie de communication de l’UE, vous avez présenté à la vice-présidente de la Commission, Margot Wallström, 12 recommandations pour améliorer la stratégie de communication de l’UE, sous la forme du projet appelé “Livre jaune” . Comment ce texte a-t-il été accueilli ?

Le livre jaune a suscité beaucoup de réactions de la part des publics spécialisés dans la communication, que ce soit des fonctionnaires, de la commissaire européenne chargée de la Communication, Margot Walström, ou des ONG et consultants concernés.

Il n’y a pas eu beaucoup de réactions au niveau national, sauf dans les pays où Euractiv a des partenaires franchisés, qui eux-mêmes ont réalisé un travail de communication sur ce document. Il faut dire que le livre blanc lui-même n’a pas non plus entraîné plus beaucoup de réaction. Le sujet “politique de communication” en tant que tel ne passionne pas les foules. Ce qui intéresse, c’est le contenu des politiques et non pas le tuyau dans lequel on met le contenu.

Quelles sont les 12 recommandations de votre Livre jaune ?

A l’instar de la Commission européenne qui a lancé le Plan D, Euractiv a essayé de résumer les 12 recommandations sous quatre mots-clés, 4 “D” :

  • Diversifier : dans les milieux européens, il y a une certaine

    tendance à parler de “sphère publique européenne” , comme si l’Europe

    allait se transformer en une vaste démocratie où tout est transparent

    et où l’on dispose tous de la même information. Ce n’est pas la bonne

    méthode. Il faut diversifier et sectorialiser les cibles de

    communication, en utilisant des intermédiaires qui ne doivent pas

    représenter uniquement la société civile ;

  • Décentraliser les méthodes et les canaux de communication ;
  • Diffuser : utiliser des acteurs non institutionnels ;
  • Décider : le plus grand problème dans la politique de

    communication des institutions européennes ne concerne pas le manque

    d’idées, mais le manque criant de décision et d’action. Cela est

    principalement dû aux lenteurs et aux lourdeurs administratives qui ne

    sont pas, à mon avis, en phase avec l’importance du débat.


La communication est un véritable enjeu politique. L’objectif principal de la politique de communication européenne n’est pas de créer une “sphère publique européenne” mais d’être prêts pour les élections européennes en 2009. Pour avoir un impact, il faut prendre des décisions cette année. Il a déjà eu beaucoup de retard, comme la décision du plan d’action de Madame Walström par rapport à son lancement. Par ailleurs, le Plan D puis le livre blanc n’ont pas encore créé un débat suffisant, donc il est temps que les institutions et les gouvernements prennent leur responsabilité.

Sur quelles bases les douze recommandations ont-elles été élaborées ?

Les recommandations du Livre jaune ont été élaborées à partir de notre expérience : le lancement d’un média et la mise en place d’un réseau de médias depuis 7 ans. Nous avons confronté cette expérience avec les membres de la Fondation Euractiv, composée de représentants d’ONG, de think-tanks et de consultants qui font partie de notre comité consultatif. Il s’agit d’une voix parmi d’autres qui n’a pas vocation à exprimer la position de la Commission européenne.

Quel est votre avis sur le Livre vert sur la transparence ? EurActiv envisage-t-il de participer à la consultation engagée sur ce thème ?

Les principes d’EurActiv sont l’efficacité et la transparence des acteurs européens. Ce livre est véritablement au cœur de notre sujet. Une année avant le lancement du Livre vert, nous avons organisé des ateliers sur le sujet entre les consultants et les ONG, ce qui a facilité l’émergence de certaines idées. Avant la sortie du Livre vert, EurActiv s’est entretenu avec le commissaire européen Siim Kallas sur son initiative.

Le Livre vert constitue un pas en avant. Je regrette le manque d’interconnexion avec d’autres politiques européennes. Par exemple, il n’y a pas de lien entre le Livre blanc sur la communication et le Livre vert sur la transparence. Or les deux débats sont, à mon avis, extrêmement liés. Il ne peut pas y avoir de reforme de la politique agricole commune si les administrés ne comprennent pas comment sont utilisées les subventions.

Propos recueillis le 08/06/006

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