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En Normandie, le secteur de la santé poursuit sa transition numérique

Recherche médicale, amélioration des conditions de vie des patients ou des personnes âgées : la Normandie mise sur le développement de solutions numériques pour répondre aux nombreux défis dans le domaine de la santé.

Dans l'Orne, la "Maison des aidants" va s'équiper d'un fauteuil Gyrolift, conçu par une start-up basé à Orléans, qui permet notamment de retrouver une position verticale
Dans l’Orne, la “Maison des aidants” va s’équiper d’un fauteuil Gyrolift, conçu par une start-up basée à Orléans, qui permet notamment de retrouver une position verticale - Crédits : Jean-Louis Montembault

Conscients de ces enjeux, les acteurs du territoire normand ont su profiter d’aides européennes pour mettre en œuvre leurs initiatives en faveur de la transition numérique dans le secteur de la santé. Toute l’Europe fait le point sur quatre projets accompagnés par l’Union européenne.

Mieux diagnostiquer Alzheimer

A l’université de Caen, la recherche autour des questions de santé tourne à plein régime. Porté par certains de ses chercheurs du laboratoire COMETE, le projet PRESAGE ambitionne ainsi d’améliorer le diagnostic ainsi que la prévention de la maladie d’Alzheimer ou des pathologies apparentées. A ce titre, l’équipe menée par Leslie Decker, maître de conférences à l’université de Caen, exploite de nombreuses données afin d’élaborer des modèles prédictifs du syndrome du risque cognitivo-moteur (MCR) chez les personnes âgées de 55 à 75 ans. Trois jeux de données se complètent pour mieux comprendre les facteurs qui sous-tendent ce syndrome : des données cliniques, des données provenant d’imagerie médicale et des données comportementales mêlant des informations recueillies à domicile et en environnements virtuels immersifs.

L’étude commence à domicile. Chez elles, “les personnes sont équipées de trois petits capteurs. Il y en a deux dans les lacets de chaussures et un dans la ceinture”, nous décrit Leslie Decker. “Cela permet de suivre en continu, dans la vie quotidienne, la marche du sujet ainsi que le niveau d’activité, le rythme de vie et la qualité de son sommeil”. Une application mobile et des questionnaires quotidiens complètent le dispositif, afin d’interroger les intentions et la mémoire de ces personnes âgées ayant, pour certaines d’entre elles, montré des signes avant-coureurs de la maladie. Sur les 160 personnes participant à l’étude, 80 présentent des symptômes.

En parallèle, les participants sont invités à marcher sur un tapis roulant dans un centre de réalité virtuelle. Les chercheurs caennais étudient ainsi la motricité : différentes vitesses sont envoyées sur les deux bandes du tapis et des images viennent stimuler leur capacité à traiter plusieurs informations. “La marche est un bon marqueur. Plus on avance dans l’âge, plus elle demande de ressources cognitives”.

Et l’équipe s’est étoffée afin de mener à bien ce projet de recherche. “Nous avons recruté deux post-doctorants : un data scientist spécialisé dans les techniques d’intelligence artificielle, Jérémy Lefort-Besnard, ainsi qu’un chargé de l’analyse du mouvement en réalité virtuelle, Vincent Cabibel”, poursuit la porteuse du projet. Des étudiants en Master participent à l’aventure et l’un d’entre eux vient de décrocher un contrat doctoral. Deux neuropsychologues évaluent par ailleurs les questionnaires. “Nous allons créer un site internet afin d’informer des résultats au cours de l’étude”, conclut la chercheuse, attentive à ce que les évolutions du projet soient communiquées au public. D’autant que le sujet touche de nombreuses personnes. L’objectif est aussi de développer un prototype d’application d’aide à l’identification de signes avant-coureurs de la maladie d’Alzheimer.

Lancée début 2020, l’étude est réalisée en partenariat avec la Région, des entreprises (Crédit Agricole Normandie et Normandie-Seine, Harmonie Mutuelle, Hometrix Health, Espri Digital et SAMMed) et la Caisse d’Assurance retraite et de santé au travail Normandie (CARSAT). Le Fonds européen de développement régional (FEDER) soutient le projet à hauteur de 224 000 euros.

Une application pour prévenir des effets du vieillissement

Dans l’Orne, on traite également avec attention la question du bien-vieillir. L’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile) Alençon Perche a ainsi développé une application numérique – ADEL – pour aider les personnes âgées ou en perte d’autonomie à identifier les accidents domestiques. “Nous intervenons auprès d’un public fragile afin qu’il puisse rester à domicile dans des conditions de sécurité optimales”, commence Audrey Blin, directrice de l’UNA Alençon Perche.

Prises électriques dangereuses, problèmes de gaz ou obstacles sur le chemin entre la chambre et les toilettes… les risques sont nombreux. Parmi les plus de 65 ans, une personne sur trois tombe au moins une fois chaque année, selon les chiffres de l’Assurance Maladie. Ce qui peut conduire à une hospitalisation voire à une entrée définitive en maison de retraite.

Les aides à domicile sont formées et peuvent montrer aux bénéficiaires des améliorations concrètes de leur logement avec une tablette numérique et une caméra 360°. Il est possible de prendre en photo une pièce et d’y insérer virtuellement un nouvel équipement en 3D. “Il faut que la personne puisse se projeter, elles ne veulent pas toujours du changement et ont besoin de confiance”. Grâce à un casque de réalité virtuelle, un ergothérapeute peut par ailleurs vérifier à distance si les solutions sont adaptées au logement “qu’il soit à Marseille, New-York ou Bangkok”, s’amuse la responsable.

Grâce à un casque de réalité virtuelle, une ergothérapeute peut vérifier si les aménagements prévus dans une baignoire sont pertinents
Grâce à un casque de réalité virtuelle, une ergothérapeute peut vérifier si les aménagements prévus dans une baignoire sont pertinents - Crédits : UNA Alençon Perche

Ces évolutions dans le logement ne profitent pas qu’aux personnes dépendantes : “le domicile est aussi un lieu de travail pour les professionnels qui y interviennent”. Avec de nombreux accidents du travail répertoriés chaque année, l’amélioration des conditions de vie au quotidien a un double intérêt : “pour les bénéficiaires et les aides à domicile”, souligne Audrey Blin.

Soutenu par le FEDER à hauteur de 158 000 euros, le développement de l’application numérique a commencé en 2018, en partenariat avec le pôle VIVA Lab. L’UNA fait partie d’un consortium de quatre associations d’aide à domicile qui portent ce projet.

Coup de pouce à la “Maison des aidants”

Nous avons une démarche systémique, qui repose sur le binôme aidant-aidé”, résume Jean-Louis Montembault, président de l’UNA Bocage Ornais. A Flers, dans l’Orne, les personnes en perte d’autonomie ou dépendantes ainsi que leurs proches qui les accompagnent au quotidien peuvent profiter d’un accueil de jour.

Les professionnels sont convaincus que les technologies innovantes ont des retombées positives sur le bien-vieillir et souhaitent “penser le maintien à domicile avec les outils de demain, en imaginant de nouveaux services et de nouvelles formes d’accompagnement”. De nombreux équipements numériques ont donc été installés dans l’établissement, tels que des tablettes pour écouter de la musique ou pour suivre des recettes de cuisine pendant les ateliers de diététique proposés par la Maison. La cuisine du rez-de-chaussée est “connectée” : il est par exemple possible de fermer à distance les tiroirs ou le four en cas de danger. Du côté des activités, des casques de réalité virtuelle permettent aux personnes dépendantes de simuler des balades – sur les berges de la Seine, par exemple – ou des activités sportives comme le saut en parachute. “Cela crée ou recrée des sensations, des émotions. Ces expériences sensorielles sont aussi l’occasion de recréer du lien social : les personnes ont des choses à raconter à leurs proches”.

Des casques permettent aux personnes aidées de vivre de nouvelles expériences en simulant des promenades
Des casques permettent aux personnes aidées de vivre de nouvelles expériences en simulant des promenades - Crédits : Jean-Louis Montembault

Jean-Louis Montembault voit plus loin : “nous sommes dans une relation de partenariat avec les entreprises et les start-ups du numérique”. A l’interface entre la recherche & développement en entreprise et les usagers, la Maison des Aidants peut ainsi évaluer et pousser les fournisseurs à améliorer ces solutions numériques. Un projet soutenu par le FEDER et le programme LEADER pour la ruralité.

Numériser un hôpital

A Caen, l’hôpital se modernise. Le CHU met en place des services numériques innovants dans l’objectif d’améliorer et de fluidifier le parcours d’accueil et de suivi du patient comme de ses accompagnants. L’expérience à l’hôpital est couverte de A à Z :  de l’entrée à la sortie, en passant par le séjour hospitalier lui-même. Les équipes de l’établissement caennais comptent notamment améliorer les services de repérage au sein du CHU, afin d’éviter aux visiteurs de se perdre entre les services médicaux. L’installation de bornes connectées, permettant d’orienter le patient au niveau de l’accueil administratif, a par exemple déjà été réalisée.

Le projet de transformation numérique de l’hôpital court jusqu’en 2023, notamment avec le développement du suivi des soins à domicile via un “dossier patient connecté”. Avec un coup de pouce du FEDER, à hauteur de 460 000 euros, c’est-à-dire pour 50 % du coût total du projet.

Article cofinancé par l'UE, en partenariat avec l'ANCT

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