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Vu d’Europe : le gouvernement de Matteo Renzi à l’heure de l’examen

Matteo Renzi est arrivé au pouvoir le 22 février 2014, après le dernier coup de théâtre de la politique italienne. Limogé par son parti, le Parti démocrate, Enrico Letta a été contraint de démissionner de son poste, auquel il avait accédé à peine dix mois plus tôt. Aujourd’hui, à quelques jours des élections européennes, Matteo Renzi se prépare à un véritable examen. Son parti sera-t-il en mesure de gagner le scrutin ? Ses réformes auront-elles convaincu les électeurs italiens ?

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Une entrée en scène contestée

Comment en est-il arrivé là ? Matteo Renzi est à la tête du gouvernement italien depuis à peine trois mois. Trop peu pour que les électeurs aient oublié la manière dont il a pris le pouvoir. L’ancien maire de Florence n’est pas arrivé à Palazzo Chigi (le siège de l’exécutif à Rome) par le biais d’une élection, mais suite à la démission de son prédécesseur, Enrico Letta. Le 13 février 2014, l’ex-Premier ministre est contraint de quitter son poste, sous la pression de son groupe politique, le Parti Démocrate (PD). A la base de la révolte au sein du parti, il y a le jeune maire de Florence Matteo Renzi (39 ans), élu à la tête du PD depuis les élections primaires de décembre 2013.

C’est ce que les Italiens appellent “una manovra di palazzo” (litt. “une manoeuvre de palais”), c’est-à-dire une décision à huis clos, à laquelle la population ne participe pas. Pour l’actuel Premier ministre, c’est également son “péché originel” aux yeux des Italiens : après avoir longtemps prêché la transparence et le respect des normes, Matteo Renzi prend le pouvoir sans passer par les urnes. Pour des millions d’Italiens c’est une raison suffisante pour nier le vote à l’ancien maire de Florence.

Trois mois de gouvernement et une présidence de l’UE à venir

Durant sa campagne pour les Européennes, Matteo Renzi cherche à mettre en avant les réformes que son gouvernement a pu réaliser depuis son installation fin février 2014. La principale - ou plutôt la plus médiatique - est la réduction des impôts de 640 euros par an (80 euros par mois) pour tout salarié gagnant moins de 24 000 euros brut par an. Malgré la pression du président du Conseil, cette réforme ne sera effective qu’à partir de fin mai, donc après le scrutin du 25. Sous le gouvernement de Matteo Renzi le parlement a également approuvé la nouvelle loi électorale (qui doit encore être votée au Sénat) et une réforme des départements, qui en prévoit la suppression. Des mesures pour le remaniement de l’administration publique devraient être présentées début juin.
Parmi les nouveautés introduites par le gouvernement Renzi, il y a aussi des changements dans la communication politique. Pour marquer la différence avec les précédents exécutifs, le nouveau président du Conseil a en effet pris des mesures symboliques, mais qui - d’après M. Renzi - devraient payer aux yeux des électeurs. La moitié des ministres choisis par M. Renzi sont des femmes, un message clair en faveur de la parité des genres. Des dizaines de voitures de fonction - symbole des privilèges de la classe politique - ont été vendues sur eBay. Enfin, le président du Conseil a poursuivi, après son élection, son tour des écoles publiques italiennes, se rendant chaque mercredi dans un établissement scolaire de la péninsule. Souvent critiquées comme étant des astuces démagogiques, ces mesures devraient confirmer l’idée du changement véhiculée par le gouvernement. Mais ce n’est qu’après le scrutin européen, que nous saurons si les électeurs ont été convaincus par ce message.
Selon les intentions du nouveau chef de gouvernement italien, Rome devrait mettre en place les principales réformes d’ici cet été. Ensuite, le 1er juillet, l’Italie prendra la tête de la présidence de l’UE. Pour Matteo Renzi, Rome pourra être en mesure d’influencer le débat européen et les décisions prises par l’UE, seulement si le pays aura déjà montré être capable de résoudre ses problèmes internes.

Lors de la présidence de l’UE, pour laquelle le gouvernement de Rome prévoit un budget de 68 millions d’euros, trois priorités ont été définies. Tout d’abord, l’accent sera mis sur la croissance et sur l’emploi : “nous avons sauvé les Etats et les banques, aujourd’hui c’est le moment de sauver les citoyens et les familles” , a déclaré le premier ministre italien le 9 mai à Florence. Ensuite, l’Italie mettra en avant la question de la citoyenneté européenne et du droit d’asile dans l’UE : “la Méditerranée est une frontière européenne ou italienne ?” , a demandé M. Renzi. Enfin, le gouvernement italien travaillera pour que l’UE signe davantage de partenariats commerciaux, comme le TTIP avec les Etats-Unis dont les négociations viennent de reprendre.

La campagne électorale s’enflamme en vue des européennes

A la veille du scrutin, tous les partis italiens accélèrent pour remporter le plus possible de votes. Beppe Grillo multiplie ses meetings électoraux : entre le 6 et le 23 mai, le comédien se rend dans 18 villes différentes, au rythme de une par jour. Il a également lancé l’hashtag #vinciamonoi (“nous allons gagner”) et proclamé haut et fort son objectif : devenir le premier parti italien aux Européennes. Enfin, il y a à peine deux jours, Beppe Grillo a accepté d’être interviewé par la télévision italienne. Après avoir durement critiqué les débats politiques télévisés et décidé de s’y abstenir, il s’est enfin rendu à “Porta a porta” , une célèbre émission créée en 1996. Plus de 27% des auditeurs ont suivi l’interview du leader du Mouvement cinq étoiles.
Le lendemain de l’interview de Beppe Grillo à la télévision italienne, Silvio Berlusconi a fait à son tour son apparition sur le petit écran. Le leader de “Forza Italia” a attaqué violemment le comédien. “C’est un assassin” , a-t-il déclaré, en faisant référence à un accident routier de 1981 dans lequel trois personnes ont perdu leur vie et pour lequel M. Grillo a été jugé coupable. En outre, pour l’ancien président du Conseil, Beppe Grillo serait “un apprenti dictateur dont il faut avoir peur” . Après avoir perdu sa qualité de sénateur en novembre 2013 et avoir commencé les travaux d’intérêt général le 9 mai 2014 (suite à l’affaire Ruby), Silvio Berlusconi a perdu beaucoup de soutiens. Aux élections européennes il pourrait compter sur environ 19% des votes, selon les sondages. En 2008, à son apogée, la coalition du Cavaliere avait remporté plus de 46% des voix.
Aucun parti ne peut aujourd’hui s’attendre à une victoire nette. Cependant, selon les derniers sondages le Parti démocrate devrait remporter entre 29 et 33% des voix, se classant ainsi premier aux Européennes. Comme Beppe Grillo, Matteo Renzi a également entamé un tour des principales villes italiennes, pour appeler tous les électeurs de centre-gauche à voter pour son parti. Pour être sûr d’arriver avant le Mouvement cinq étoiles aux européennes, M. Renzi a affirmé avoir mis en place une stratégie pour convaincre le maximum d’électeurs. “Nous l’avons appelée ‘opération Argo’, comme le film” , a affirmé le président du Conseil italien. Entre 2008 et 2013, le Parti démocrate a perdu quelques quatre millions de votes, qu’il faut aujourd’hui récupérer. Cependant, M. Renzi a déjà prévenu qu’en cas de défaite (c’est-à-dire, si le Mouvement cinq étoiles arrivait en tête), il ne démissionnera pas : “les Européennes, ce n’est pas un vote sur mon gouvernement” . D’après les sondages, le Mouvement de Beppe Grillo aurait déjà convaincu plus d’un électeur sur quatre (24-26%). Et un électeur sur deux ne sait toujours pas pour quel parti voter ou a déjà décidé de s’abstenir. Les Italiens voteront le 25 mai.

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