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Vu d’Europe : la Croatie, un pays conservateur ?

Il ne reste plus qu’une semaine avant les élections européennes en Croatie. Le dernier pays à avoir rejoint l’Union européenne l’an dernier vote pour la première fois au scrutin pan-européen. Si la société croate se dit moderne et “pro-européenne”, le poids de l’Eglise, très conservatrice dans ce petit pays de 4 millions d’habitants, reste cependant omniprésent. En 2013, la Croatie a interdit le mariage gay et l’éducation sexuelle à l’école. Toute l’Europe vous emmène à Zagreb, la capitale, pour découvrir l’influence de la religion dans ce pays.

Zagreb

Une société très catholique

Peut-on être Croate sans être catholique ? La réponse pourrait paraître évidente : en Croatie, comme partout dans l’UE, les lois qui régissent l’acquisition de la nationalité n’ont rien de religieux. Cependant, pour ce pays qui est le dernier à avoir adhéré à l’Union, le lien entre croyance personnelle et appartenance nationale est très fort. Et chacun aura sa propre réponse à cette question. D’un côté, le président de la République, Ivo Josipović, est un agnostique assumé, mais il a pourtant été élu. De l’autre, le député indépendant et ancien prêtre Ivan Grubišić affirme : “ici, si vous n’êtes pas catholique, vous n’êtes pas Croate. Nous attendons encore notre révolution française” .

A en croire les statistiques, la présence du catholicisme en Croatie est incontestable. Le dernier recensement, réalisé en 2011, indique que plus de 86% des Croates sont catholiques, contre 64% en France, selon un sondage IFOP de 2010. Et la place de la religion a aussi une influence dans la politique. L’actualité croate le démontre : en 2013, les Croates ont dit “non” au mariage pour tous et la Cour constitutionnelle de Zagreb a interdit l’éducation sexuelle à l’école. Deux victoires évidentes pour le front des conservateurs, mais surtout pour l’Eglise. Cette dernière s’était exprimée clairement “contre” le mariage gay et les programmes scolaires du gouvernement. Deux actualités qui en disent long sur les liens entre religion et politique dans ce pays compte près de quatre millions d’habitants.

Un référendum contre le mariage pour tous

Fin avril 2013, la France adoptait la loi sur le mariage pour tous. Quelques semaines plus tard, la Croatie prenait la direction opposée. C’est en effet suite à la réforme française que le collectif croate “U ime obitelji” (“Au nom de la famille”) décide de mettre en place un référendum préventif pour limiter le mariage aux couples hétérosexuels. “L’Eglise a organisé et promu cette initiative” , commente Ivan Grubišić, connu dans le pays pour ses propos très critiques envers la hiérarchie ecclésiastique croate. “C’est grâce à ce soutien que le collectif a pu recueillir 700 000 signatures et organiser le référendum” . Après la phase de collecte des signatures, le collectif dépose sa demande de référendum autour d’une seule question : souhaitez-vous que le mariage soit défini dans la constitution croate comme “l’union entre un homme et une femme” ?

Le 1er décembre 2013, malgré l’opposition des associations pour la protection des droits de l’homme et des minorités et un gouvernement socialiste contrarié, 65% des votants décident l’interdiction du mariage gay (le taux de participation a dépassé de peu les 40%). “Il est vrai que notre constitution interdit maintenant le mariage homosexuel. Mais il est vrai aussi qu’une loi croate garantit aux couples du même sexe des droits très proches à ceux des couples hétérosexuels” , précise le président croate, Ivo Josipović. A l’époque de la Yougoslavie, l’homosexualité était considéré comme un crime. Aujourd’hui, le président croate assure que le climat est beaucoup plus détendu. Depuis la dissolution de la Yougoslavie, les choses ont avancé en matière de tolérance de l’homosexualité. Cependant, beaucoup reste à faire : selon un sondage organisé en 2013 par la Fondation Friedrich Ebert Stiftung, 33% des jeunes Croates (14-27 ans) considèrent l’homosexualité comme une maladie.

La question de l’alphabet cyrillique et les rapports avec le Vatican

Après le succès de la campagne contre le mariage homosexuel, certains milieux de la droite nationaliste ont collecté des signatures pour la convocation d’un deuxième référendum. Cette fois, les Croates seraient appelé à introduire une loi pour l’interdiction de tout usage officiel de l’alphabet cyrillique, pourtant prévu par la loi dans les régions où la minorité serbe est présente. Le gouvernement de Zagreb a déjà manifesté son opposition à ce référendum, mais l’Eglise y serait plutôt favorable. Selon Ivan Grubišić, “l’Eglise croate est à la fois réactionnaire et nationaliste” . En effet, il n’est pas rare d’entendre un évêque s’exprimer en faveur de cette mobilisation. C’est le cas par exemple de l’archevêque de Gospić-Senj, Mile Bogović, ou de l’archevêque de Sibenik, Ante Ivas.

Cette proximité de l’église aux milieux nationalistes et conservateurs contraste avec les tentatives de Pape François de redorer l’image de l’église catholique. “Les Croates apprécient le nouveau Pape” , assure Ivan Grubišić, “mais pas la hiérarchie ecclésiastique : je sais que les étudiants en théologie n’ont pas de respect pour lui” . Le Vatican a été le premier pays à reconnaître la Croatie, suite à sa déclaration d’indépendance en 1991 et, encore aujourd’hui, l’Etat croate verse au Saint-Siège plus de 20 millions d’euros par an. Les relations entre les deux pays sont très bonnes, mais si l’Eglise croate ne se met pas à la page, elle pourrait bientôt paraître plus conservatrice que le Vatican.

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