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Vu d’Europe : En Italie, rencontre avec un candidat du “Mouvement cinq étoiles”

Pour la première fois, le Mouvement cinq étoiles (M5S), créé par le comédien italien Beppe Grillo, participe aux élections européennes. D’après les derniers sondages, ce “non-parti” devrait remporter environ 25% des votes et envoyer au Parlement européen une vingtaine de ses candidats. A la différence des autres formation politiques, le mouvement de Grillo n’est pas formé par des hommes et des femmes politiques expérimentés. Ce sont donc des citoyens lambdas qui s’apprêtent à siéger à Strasbourg. Rencontre avec Marco Zullo, 36 ans, candidat aux européennes pour le Mouvement 5 étoiles.

Marco Zullo, candidat Mouvement 5 étoiles à Gemona del Friuli (Italie)
Marco Zullo


Toute l’Europe (TLE) : Monsieur Zullo, parlez-nous de vous, qu’est-ce que vous faites dans la vie ?

Marco Zullo (M.Z.) : Je suis ingénieur. J’habite à Trieste mais je travaille à Pordenone, dans une entreprise franco-allemande, la Hager. C’est une multinationale qui fabrique du matériel électrique. A vrai dire, je n’y travaille que depuis un an et demi et je suis encore en apprentissage. D’ailleurs, mes supérieurs ne sont pas très enthousiastes de ma candidature aux européennes : ils craignent que je parte à Strasbourg !
TLE : Sur votre site Internet, on lit que vous êtes “végan” . Outre ne pas manger de la viande ou du poisson, vous ne touchez pas aux oeufs et aux produits laitiers.
M.Z. : Tout à fait. Je suis végan depuis un an et demi. J’ai fait ce choix après avoir participé à un atelier sur l’alimentation, organisé par l’association de développement durable pour laquelle je suis bénévole. A cet atelier participaient des éleveurs qui nous ont décrit ce que c’est l’élevage industrielle, en batterie… Ensuite, le choix d’arrêter avec la viande n’a pas été très difficile. D’autant plus que ma femme aussi est végane.
TLE : Comment êtes-vous entré en contact avec le Mouvement cinq étoiles ?
M.Z. : J’ai découvert le mouvement en 2005, à l’âge de 23 ans, quand j’étais à l’université. Alors j’avais beaucoup de temps libre : je lisais la presse, je regardais les journaux télévisés… mais j’avais toujours l’impression que les sujets étaient traités en surface. C’est donc sur Internet que j’ai découvert les spectacles de Beppe Grillo, et plus tard son blog. Ensuite, quand les premières rencontres ont commencé, je me suis lancé. Sa façon alternative de voir la réalité m’a plu…
TLE : Avez-vous déjà rencontré Beppe Grillo ?
M.Z. : Oui, plusieurs fois. J’ai même son numéro de portable, mais je ne l’ai appelé que deux ou trois fois pour des questions logistiques. Je n’ai pas un rapport direct avec lui. Il y a d’autres membres du mouvement qui le sollicitent souvent, mais moi je suis quelqu’un qui n’aime pas déranger.
TLE : L’année dernière, lors des élections régionales en Italie, vous étiez déjà candidat pour le M5S [sans être élu]. A en croire votre publication sur votre site Internet, pour votre campagne électorale vous avez dépensé 19,17 euros. Comment c’est possible ?
M.Z. : Aux régionales de 2013, nous avons dépensé vraiment très peu en tant que candidats : quelques centaines d’euros divisés parmi les 10-15 candidats. Le mouvement, dans son ensemble, a quand même dépensé un peu plus pour la campagne.
TLE : Aujourd’hui, quel budget avez-vous en vue des Européennes de dimanche ?
M.Z. : Pour ces élections, nous avons droit à dépenser un maximum de 5 000 euros. Mais Il faut d’abord que nous récoltions cet argent : nous n’avons pas un parti, derrière nous, qui nous finance. Personnellement, j’ai déjà collecté quelque 1600 euros, et je devrais arriver à 3000 euros environ.
TLE : Quel résultat attendez-vous de ces élections européennes ?
M.Z. : Au niveau national, nous pensons remporter environ 25% des voix, donc plus de vingt eurodéputés. Dans cette circonscription, on devrait avoir 3-4 élus. Si je serai parmi eux, cela dépendra des préférences indiquées par les électeurs au moment du scrutin.
TLE : Venons-en au programme, quelle Union européenne voulez-vous ?
M.Z. : Nous souhaitons une “reconstruction” de l’UE, un retour à l’idée initiale de “communauté” . Aujourd’hui, l’UE est concentrée plus sur la finance que sur les citoyens. Nous ne sommes pas anti-européens : nous soutenons le projet des Etats-Unis d’Europe, c’est simplement l’Europe d’aujourd’hui qui nous ne plait pas.
TLE : Vous proposez un référendum pour la sortie de l’Italie de la zone euro…
M.Z. : Oui, parce que l’Europe doit changer d’attitude : la monnaie unique doit servir à aider l’économie, à promouvoir un développement juste, pas à faire de la spéculation. Aujourd’hui, l’euro crée des cages dans lesquelles les Etats membres sont bloqués : les paramètres économiques, le pacte budgétaire… tout ça ne fait que contraindre les Etats à couper leurs dépenses. Les règles naissent peut-être d’une bonne intention, mais les conséquences sont néfastes.
TLE : En Italie, la constitution ne prévoit pas de référendum sur les accords internationaux. Quel utilité aurait ce vote ?
M.Z. : Le référendum serait un signal fort et un moment important de participation populaire, même s’il ne s’agirait que d’un scrutin informatif et non contraignant. Et si le “non” à l’euro gagnait, le gouvernement devrait prendre en considération la sortie de la zone euro. C’est un processus qui prend un an ou deux, mais qui est faisable. L’Italie pourrait tranquillement le faire.
TLE : Au parlement de Rome, vous avez fait le choix de ne vous asseoir ni à droite, ni à gauche, mais tout en haut de l’hémicycle. Et à Strasbourg ?
M.Z. : Je ne sais pas, nous n’y avons pas encore pensé. La priorité sera plutôt de former un groupe politique. Peut-être avec les partis pirates européens. Pour choisir nos interlocuteurs, nous allons procéder comme on fait d’habitude : avec un vote en ligne, transparent et populaire.
TLE : A l’étranger on associe souvent le Mouvement 5 étoiles aux formations eurosceptiques. Quelle est votre opinion de ces partis ?
M.Z. : Nous n’en faisons pas partie. La ligue du Nord, le Front National… je n’approuve pas les extrémismes. Ils créent la peur de l’étranger, alors que nos problèmes sont internes. Personnellement, je comprends les gens qui disent “les immigrés nous volent le travail” , je comprends leurs peurs. Mais ce n’est pas sur le dos des immigrés que nous devons mettre la responsabilité de cette crise.
TLE : Quelle est votre position au sujet de l’immigration ?
M.Z. : Le mouvement doit encore définir sa position. Personnellement, je suis convaincu que pour résoudre le problème de l’immigration il faut une approche globale. Il y aura toujours des immigrés en Europe tant qu’il y aura des dictatures, des crises alimentaires et des guerres dans le monde. Cela prendra un temps fou de régler tous les problèmes, mais nous ne pouvons cacher la poussière sous le tapis. C’est comme le choix d’être végan : il faut une solide conviction pour voir les alternatives possibles.
TLE : Aujourd’hui, est-ce que vous referiez le choix de rejoindre le M5S ?
M.Z. : Oui. Je suis convaincu de nos idées et je pense que le M5S est un projet à terme : dès que la politique italienne ira mieux, nous n’aurons plus de raisons d’être là. Je les dis souvent aux jeunes des autres partis : engagez-vous pour changer les choses de l’intérieur, n’acceptez pas cette situation.
TLE : Depuis sa création, plusieurs “dissidents” ont été expulsés du mouvement. Y a-t-il un problème de démocratie interne dans le M5S ?
M.Z. : Non. Il n’est pas facile de participer au mouvement, mais la responsabilité est aux élus. Ils devraient faire davantage d’attention à la base, aux électeurs. Je préfère un élu qui est plus présent sur le territoire, plutôt qu’un autre qui fait pleins d’amendements au Parlement. Il faut éviter que les élus s’éloignent de leurs électeurs.
TLE : Une amende de 250 000 euros est prévue pour les élus qui violent les règles du M5S. Cela ne vous fait pas peur ?
M.Z. : Cette règle a été mal interprétée. Ce n’est pas une amende, c’est le coût qu’un élu du Mouvement 5 étoiles doit payer lorsqu’il décide de ne pas suivre l’avis de la base.
TLE : Cette mesure est inconstitutionnelle en Italie…
M.Z. : J’en suis conscient.
TLE : Vous pourriez être l’un de ces vingt inconnus qui débarqueront à Strasbourg après les élections. A quoi l’Europe doit-elle s’attendre ?
M.Z. : L’Europe doit avoir peur de nous ! Car, nous aurons les mains libres, et nous ne devrons rendre des comptes qu’à la base du mouvement. Personne ne pourra nous corrompre.

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