En nommant un Belge et une Britannique aux postes clés créés par le Traité de Lisbonne, les 27 ont réussi à donner un poids équivalent aux différentes aires géographiques de l’Union. Avec un président de la Commission issu d’un pays du Sud (le Portugais José Manuel Barroso), un président du Parlement européen de l’Est (le Polonais Jerzy Buzek), une “Ministre des Affaires étrangères” du Nord (la Britannique Catherine Ashton) et un “Président” … du centre, et accessoirement d’un pays fondateur (le Belge Herman Van Rompuy), le jeu de cartes semble avoir été correctement distribué. Cependant, on peut se demander si ce critère, finalement assez arbitraire, a un sens quand il s’agit de nommer les “visages” de l’Europe, ceux qui devront nous représenter au monde et vis à vis de l’ensemble des citoyens européens.
Un président pas rompu à la tâche
Premier ministre de Belgique depuis décembre 2008, il est perçu depuis comme un modérateur et un gestionnaire qui a fait ses preuves. Il sera le premier président fixe du Conseil européen, pour un mandat de 2 ans et demi à compter du 1er décembre 2009. L’Allemagne et la France en particulier ont soutenu sa nomination.
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Reste à comprendre pourquoi les dirigeants européens, réunis jeudi 19 novembre à Bruxelles à l’occasion d’un Conseil extraordinaire, ont choisi des personnalités a priori peu rompues à la tâche.
Si le Premier ministre belge Herman Van Rompuy est loué pour ses talents de négociateur dans la crise politique qui a secoué le royaume l’an dernier, son curriculum ne présente aucun signe particulier d’engagement européen. Bien sûr, sa fonction de chef de gouvernement d’un pays fondateur de la Communauté lui donne des gages, et son talent de conciliateur ne peut que lui servir dans sa fonction d’arbitrage permanent entre les 27. Mais on aurait imaginé, à une telle place, un homme un peu plus connu des cercles européens.
Le candidat mis en avant par la France et l’Allemagne aura certainement, dès lors, un rôle de modérateur plus que de leader. Les inquiets d’une éventuelle supranationalité européenne n’ont pour le moment pas trop de souci à se faire.
Un ministre des affaires étrangères atone
Peu connue du grand public même en Grande Bretagne, cette membre du Parti travailliste qui avait été nommé Commissaire européenne au Commerce en 2008 pour remplacer Peter Mandelson, a crée la surprise en étant nommée à la tête de la diplomatie européenne en tant que premier Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Désignée le 19 novembre 2009, elle a un mandat de 5 ans.Retrouver son profil ici
La nomination de Mme Ashton, acceptée par le premier ministre britannique Gordon Brown quelques heures avant la tenue du Conseil (ce qui a permis de débloquer la situation), reflète également la nécessité du consensus à 27 : Britannique, elle représente l’un des pays les plus puissants de l’Union ; travailliste, elle satisfait l’Alliance progressiste des socialistes et des démocrates (APSD), dont le président Martin Schulz avait abandonné l’idée de s’opposer à la nomination de José Manuel Barroso en septembre ; enfin, elle répond à la campagne médiatique développée ces derniers jours en faveur d’une femme à l’un des postes clés de l’UE.
Le Royaume Uni a su profiter de cette situation pour récolter un poste à haut niveau pour leur pays. Lors de sa conférence de presse, Nicolas Sarkozy justifie le choix d’une britannique à ce poste, par la volonté de rattacher les britanniques à l’Europe avant l’élection probable de David Cameron en 2010. Il n’est pourtant pas sûr que ce cadeau à la Grande Bretagne se solde par un comportement plus communautaire de l’autre côté de la manche.
Il semblerait que l’Union soit une nouvelle fois victime du syndrome du plus petit dénominateur commun et que les Etats n’aient pas encore fait le saut vers ce qu’ils ont vendu comme l’ère de l’ “après Lisbonne” , à savoir, une Union plus démocratique, plus transparente dans son fonctionnement et surtout plus ambitieuse pour son avenir.
Prochain épisode du feuilleton européen : la nomination des commissaires européens, qui devront être auditionnés et approuvés par le Parlement à partir de la mi-janvier 2010. La nouvelle équipe “Barroso II” devrait dès lors prendre ses fonctions le 1er février.
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