“L’élargissement de l’UE dominera le sommet des dirigeants à Grenade”, titrait ce matin le média irlandais RTÉ. Organisée ce vendredi 6 octobre, la réunion informelle du Conseil européen succède au troisième sommet de la Communauté politique européenne (CPE) de la veille, qui s’est également tenu dans la ville andalouse.
Si les questions migratoires figurent à l’ordre du jour, les dirigeants doivent également discuter “de la manière dont l’Europe va […] accueillir jusqu’à neuf nouveaux pays au cours de la prochaine décennie”, fait savoir RTÉ. En plus de l’Ukraine, la Moldavie, “l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie”, ainsi que la Géorgie et le Kosovo, souhaitent rejoindre l’Union, explique l’Opinion. En décembre, le Conseil doit décider si les négociations d’adhésion seront ouvertes avec l’Ukraine et la Moldavie.
Des débats nourris
L’adhésion de ces nouveaux membres, en particulier l’Ukraine, recueille un vif assentiment des hauts responsables de l’Union. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est dite “en faveur de l’adhésion de l’Ukraine et a plaidé en faveur d’une Union européenne élargie à 30 pays lors de son discours sur l’état de l’Union en septembre”, rappelle Politico.
Enthousiaste, Mme von der Leyen avait même invité les nations à ne “pas attendre” une modification des traités pour élargir l’UE, complète France info. De son côté, le président du Conseil européen Charles Michel veut accueillir l’Ukraine, la Moldavie et les pays des Balkans “d’ici à 2030″, poursuit la radio.
Du côté des Etats membres toutefois, tout le monde n’est pas de cet avis. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, n’est “pas du tout d’accord” avec la date de 2030, rapporte Euractiv. “Il ne s’agit pas de savoir quand les pays seront prêts. Il s’agit de savoir si les pays seront prêts”, a-t-il expliqué lors du sommet de la CPE.
“Il n’est pas judicieux de définir des calendriers fixes ou très déterminés”, a également déclaré mercredi le secrétaire d’Etat portugais aux Affaires européennes, Tiago Antunes. Quant à l’Allemagne et la France, elles “partagent l’ambition de l’échéance de 2030 à condition que les réformes institutionnelles nécessaires soient menées à bien dans l’UE”, rappelle Euractiv.
“Si on procède à un élargissement de l’UE à l’ancienne, le système européen va exploser”, alerte quant à lui l’ancien ministre des Affaires étrangères français, Hubert Védrine, dans La Libre. Une partie de la presse partage ces interrogations : quand RTÉ parle d’une “tâche herculéenne” et que les Dernières Nouvelles d’Alsace écrivent “Grande Europe, grandes divisions”, France info se demande si l’Union ne risque pas “de devenir ingouvernable à plus de 30 membres”.
Le coût de l’adhésion de l’Ukraine
L’adhésion de l’Ukraine représenterait l’un des plus grands défis. Selon une étude du Conseil dévoilée par le Financial Times, celle-ci demanderait “environ 186 milliards d’euros sur sept ans” à l’UE. Quant à l’intégration de l’ensemble des candidats actuels, elle représenterait “256,8 milliards d’euros”, selon le journal, soit une hausse de 21 % du budget de l’Union.
En raison du poids de son agriculture, “l’Ukraine deviendrait la première bénéficiaire de la PAC”, explique l’Opinion. Le pays serait ainsi “éligible à 96,5 milliards d’euros de la politique agricole commune”, d’après le Financial Times.
L’effort budgétaire serait tel que de nombreux pays, aujourd’hui “considérés comme ‘les plus pauvres’ de l’Union […] deviendraient en fait des contributeurs au budget et non plus des bénéficiaires nets”, explique l’Opinion. Avec “ses 40 millions de citoyens, le pays pourrait monopoliser une grande partie des subventions européennes, au détriment des autres Etats membres”, alerte France info.
Interrogé par Politico, l’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker va plus loin : l’Ukraine est “un pays corrompu à tous les niveaux de la société. Malgré ses efforts, elle n’est pas prête à adhérer”, estime-t-il.
Quelle gouvernance pour l’Union ?
Comme le résume France info, “l’arrivée de l’Ukraine dans l’UE est quasiment acquise, mais elle risque aussi de chambouler beaucoup de choses” sur le fonctionnement des institutions.
Interrogée par la radio, Gaëlle Marti, professeure de droit public à l’université Lyon 3, explique que “l’Union risque de devenir ingouvernable à 30 ou plus, en rendant les prises de décisions toujours plus longues, alors que nous vivons dans un monde qui évolue toujours plus rapidement”. En raison de la règle de l’unanimité pour certaines décisions, “on risquerait une paralysie”, analyse l’Opinion, car “plus on a de pays, plus on a de chances d’avoir des blocages”.
Les institutions européennes auraient alors besoin d’une réforme profonde pour pouvoir accepter ces nouveaux pays, tant au niveau du Conseil, que du Parlement et de la Commission, comme le préconise un récent rapport franco-allemand.
Vincent Tupinier
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