“Misogynie ou camouflet ?”, s’interroge RFI. La question posée par la radio internationale porte sur “l’incident diplomatique qui a eu lieu, mardi 6 avril, à Ankara” lors de la rencontre entre les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne avec le chef de l’Etat turc Recep Tayyip Erdoğan [Courrier International] que la presse entière, Politico inclus, a baptisé “sofagate”. Les trois leaders étaient réunis dans l’objectif de renouer le dialogue sur des bases moins conflictuelles après une année 2020 tendue.
Les Echos rappellent le déroulé des événements : “Durant leur entretien de deux heures avec le président turc, l’Allemande a été placée en retrait, sur un divan, en face du ministre turc des Affaires étrangères, pendant que Charles Michel, le président du Conseil européen, avait, lui, droit à un fauteuil à côté de celui du président turc.” Arrivant dans la pièce où se tenait la rencontre, la présidente de l’exécutif européen a marqué sa désapprobation en se raclant la gorge. La scène, filmée et notamment relayée par le Guardian, témoigne de son malaise. Et a ouvert la porte aux interprétations politiques de la part de la presse et des élus européens.
Le président du Conseil européen critiqué
Tandis que le New York Times considère que cet épisode illustre le “fossé culturel qui sépare la Turquie d’Erdoğan de l’Union européenne en matière de condition de la femme”, “plusieurs eurodéputés y ont vu une nouvelle provocation” turque, observe pour sa part Le Figaro. Parmi eux, Iratxe Garcia Perez, cheffe de file des sociaux-démocrates au Parlement européen. Citée par le journal américain, l’Espagnole a exprimé sa colère sur les réseaux sociaux : “Ils se retirent d’abord de la Convention d’Istanbul [défendant le droit des femmes] et maintenant ils laissent la présidente de la Commission européenne sans siège en visite officielle. Honteux “.
De son côté, Politico fustige l’absence de réaction du président du Conseil européen Charles Michel lors de la rencontre : “Il n’a pas d’excuse. Il n’avait aucune obligation de se plier au jeu des chaises musicales et à se soumettre aux règles d’Erdoğan sans soutenir von der Leyen”. Même son de cloche du côté de l’eurodéputée Sophie in’t Veld, citée par Le Monde : “Pourquoi le président est-il resté silencieux ?”, s’interroge-t-elle. Pour appuyer son tweet, la député européenne y joint “des photos du président turc en compagnie des deux anciens dirigeants de l’UE, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker, traités sur un pied d’égalité [Le Figaro].”
Charles Michel s’est justifié, expliquant que “sur le moment, tout en percevant le caractère regrettable de la situation, nous avons choisi de ne pas l’aggraver par un incident public, et de privilégier en ce début de rencontre la substance de la discussion politique que nous allions entamer, Ursula et moi, avec nos hôtes”. Une déclaration incluant donc la présidente de la Commission européenne, “sauf que, à voir la vidéo, il est évident que la concertation entre les deux dirigeants européens n’a jamais existé”, juge Le Monde.
Contradictions européennes
Malgré ces tentatives d’apaisement, l’incident a pris une toute autre ampleur au lendemain de la rencontre. Mercredi 7 avril, les hauts fonctionnaires de la Commission européenne ont en effet réagi à l’épisode subi par la présidente de l’institution. “Le rang protocolaire de la présidente est exactement le même que celui du président du Conseil européen”, a déclaré le porte-parole de la Commission européenne Eric Mamer [L’Echo]. Affirmation pourtant contredite par “l’entourage du président du Conseil européen” cité par Courrier International : “Ankara n’a fait qu’appliquer le protocole de manière stricte, puisque […] les traités disposent que le président du Conseil européen assure la représentation extérieure de l’UE au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement ‘généralement aux côtés du président de la Commission européenne’ ”.
Dans les colonnes de Libération, Jean Quatremer rapporte l’analyse d’un diplomate pour qui l’incident, certes symboliquement fort, relèverait plus d’un l’imbroglio protocolaire que d’une volonté politique turque de rabaisser Ursula von der Leyen : “On ne voit pas très bien quel aurait été l’intérêt d’Erdoğan d’humilier la présidente de la Commission alors que, en tant qu’Allemande proche d’Angela Merkel, elle est sa meilleure alliée”. La Turquie a par ailleurs confirmé cette thèse, affirmant que “la disposition des sièges a été réalisée à la demande [des Européens]” [France info].
Libération explique que cet épisode aurait même pu “déboucher sur un incident diplomatique au moment où les Européens tentent de renouer les liens avec ce difficile partenaire”. En effet, selon les informations du journal, le chef du cabinet de la présidente von der Leyen “Bjoern Seibert s’est indigné [dans un mail adressé aux services de la présidence turque] de ‘l’humiliation’ infligée […] à sa cheffe lors de la visite officielle qu’elle a effectuée à Ankara, la veille, et n’hésite pas à affirmer que cela va rendre plus difficile la négociation sur la modernisation de l’accord d’union douanière qui la lie aux Vingt-Sept”. “S’il y a un scandale, il n’a pas eu lieu à Ankara, mais à Bruxelles”, conclut le quotidien français.
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