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Présidence tchèque de l’UE : un bilan contesté

La présidence tchèque de l’Union aura laissé une étrange impression à l’Europe : inaugurée par une exposition provocante et conduite au départ par une équipe eurosceptique, elle reste pour beaucoup marquée par sa faiblesse et son manque d’initiative sur les dossiers importants. Pour autant, la République tchèque défend le bilan de six mois de présidence, en faisant valoir le nombre de dossiers finalement conclus malgré un contexte difficile (crise économique, crise du gaz, opération militaire à Gaza, nouvelle administration américaine).

Une présidence chaotique…

Avant même de prendre les rênes de l’Union européenne le 1er janvier 2009, les objectifs de la Présidence tchèque étaient ambigus : “sucrer l’Europe” , tel était le message à double sens du spot politique lancé dès le mois de septembre, qui signifie tout aussi bien “adoucir” que “dissoudre” en tchèque. Un message qui ne faisait en tout cas que confirmer les paroles du président de la République Vaclav Klaus, eurosceptique notoire, qui expliquait au début des années 90 que son pays allait se dissoudre dans l’Europe comme un sucre dans une tasse de café.

Bien qu’il soit resté en retrait de la présidence de l’Union européenne, ce dernier ne s’est pourtant pas empêché d’afficher ouvertement, et souvent de manière provocante, son euroscepticisme. Refusant d’apposer sa signature au bas du traité de Lisbonne malgré le vote du Parlement, ou de hisser le drapeau européen sur le château de Prague, il a exigé (en vain) que les garanties accordées à l’Irlande pour l’organisation d’un second referendum sur le Traité de Lisbonne soient soumises à une ratification parlementaire dans son pays. Lors d’un discours devant le Parlement européen, Vaclav Klaus a également comparé les institutions européennes à celles de l’Union soviétique. Le Président a enfin déclaré, à la veille des élections européennes, que celles-ci n’étaient pas nécessaires.

Après d’âpres négociations, c’est finalement le Premier ministre Mirek Topolanek, issu du même parti eurosceptique ODS, qui fut chargé de la présidence de l’Union jusqu’à sa chute en mars 2009. Il fut remplacé par le technocrate indépendant Jan Fischer.

L’inauguration de la présidence suscita également une vive polémique avec l’exposition “Entropa” . Commandée par la République tchèque à l’artiste David Cerny, la gigantesque sculpture installée au milieu de l’atrium du Conseil de l’Union européenne représentait, sous forme de stéréotypes, les 27 Etats membres : un saucisson pour la Slovaquie, une banderole “grève” pour la France ou encore des toilettes à la turque pour la Bulgarie, cette dernière ayant même réclamé le retrait de cette partie de la sculpture. Achevée par un autre scandale (les noms des supposés auteurs des 27 modules ont été inventés par David Cerny), l’œuvre a en tout cas participé à diminuer la crédibilité de la présidence tchèque dès le départ.

Enfin, le symbole affiché lors de la cérémonie de passation de la présidence n’en est pas moins caricatural : pour faire “prendre des forces” aux Suédois, un fût de bière tchèque leur a été offert. Une référence au record du monde de consommation annuelle de bière par habitant du pays, ou au bilan un peu amer de la présidence ?

…qui a permis d’avancer

Pourtant, la République tchèque met en avant les avancées européennes auxquelles elle a contribué, notamment dans le domaine économique, social, énergétique ou diplomatique. Ainsi fait-elle valoir par exemple que le nombre de dossiers conclus (aujourd’hui plus de 50) au cours de sa présidence est supérieur à celui de la Présidence slovène.

À travers le slogan “L’Europe sans barrières” et un programme résumé sous le sigle “3 E” (Economie, Energie, Europe et le monde), la présidence tchèque s’est attachée à éliminer les obstacles existants entre les Etats membres de l’Union européenne, en particulier en ce qui concerne le marché intérieur (la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux), à libéraliser le marché de l’énergie et à ouvrir l’Europe sur l’extérieur.

C’est cependant dans sa gestion de la crise économique et financière que la présidence a, pour beaucoup, manqué d’initiative. Lors du Conseil européen extraordinaire du 20 mars (demandé par la France et l’Allemagne), les Etats membres se sont entendus sur un plan de relance de 5 milliards d’euros, un montant souvent jugé insuffisant. La Présidence s’était plus fait entendre auparavant, en dénonçant les tentations protectionnistes de certains Etats membres tels que la France et l’Allemagne.

Le Conseil européen de juin, présidé par Jan Fischer, a cependant permis d’aboutir à un accord sur la supervision financière, après avoir adopté un règlement améliorant la transparence des agences de notation, accordé, malgré des négociations difficiles, une baisse permanente de la TVA pour certains secteurs (restauration, soins à domicile et autres services), et renforcé les exigences de fonds propres pour les banques. Enfin, l’idée d’une “Europe sans barrières” semble avoir progressée, les Etats membres s’accordant désormais sur le soutien à la libéralisation du commerce international, l’augmentation du financement des exportations et la lutte contre le protectionnisme.

Ce dernier Conseil de la présidence tchèque a également abouti à un accord qui a permis de débloquer le processus de ratification du traité de Lisbonne, en ouvrant la voie à l’organisation d’un nouveau référendum en Irlande.

Dans sa gestion de la crise du Gaz russo-ukrainienne, elle aussi parfois décriée pour n’avoir apporté qu’une solution temporaire, la République tchèque est tout de même parvenue a éviter une pénurie énergétique en plein hiver. Au début de l’année 2009, la Russie a interrompu les livraisons de gaz à l’Europe, en accusant l’Ukraine de détourner du gaz. Après l’envoi d’observateurs sur la frontière ukrainienne et la réunion d’un Conseil extraordinaire les ministres de l’énergie de l’Union européenne, la Russie a finalement réouvert ses vannes le 19 janvier.

Les Etats membres et la Commission européenne ont ensuite travaillé sur les pistes permettant de renforcer la sécurité énergétique européenne, tandis que la Présidence tchèque obtenait un accord sur l’une de ses trois grandes priorités : la libéralisation du marché énergétique. Pour améliorer la concurrence et diminuer le prix de l’énergie, le paquet de deux directives et trois règlements qui fut adopté oblige notamment les compagnies de gaz et d’électricité à dissocier les activités du transport et de la production.

Concernant l’action extérieure de l’Union, la République tchèque a tout de suite été confrontée à l’offensive israélienne dans la bande de Gaza (qui a débuté le 4 janvier) et a tenté, malgré les déclarations du ministre des Affaires étrangères tchèque Karel Schwarzenberg sur une intervention “défensive plus qu’offensive” d’Israël, de convaincre les parties du conflit sur la nécessité d’un cessez-le-feu et la création des corridors humanitaires pour permettre l’accès de l’aide humanitaire à Gaza.

C’est également sous Présidence tchèque qu’a été lancé, le 7 mai, le “partenariat oriental”. Celui-ci a pour objectif le renforcement des relations à la fois bilatérales et multilatérales entre l’UE et les six pays à l’Est de ses frontières (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine) autour de quatre volets : gouvernance démocratique ; intégration économique et convergence avec les politiques sectorielles de l’UE ; sécurité énergétique ; développement des contacts entre les personnes à travers les frontières.

Enfin, la République tchèque souligne les avancées opérées dans le domaine de la santé (gestion de l’épidémie de grippe H1N1, recommandation dans le domaine des maladies rares…), de la culture (financement de 15 millions pour le programme Media Mundus…), des télécoms (baisse des tarifs des appels, SMS et téléchargements…) ou du transport (Ciel unique européen…)

Sources

Bilan provisoire de la Présidence tchèque de l´Union européenne - Ambassade de la République tchèque à Paris
David Černý : l’artiste aux 27 visages - eToile
Froid sibérien sur le sommet UE-Russie - Touteleurope.fr
République tchèque : la chute de Topolanek inquiète les Européens - Touteleurope.fr
Conseil européen : les 27 se serrent les coudes face à la crise - Touteleurope.fr
Coup de projecteur sur la gestion de crise par la troïka européenne - Touteleurope.fr
Sommet informel : les 27 s’accordent face à la crise - Touteleurope.fr
Vaclav Klaus : “Il n’est pas acceptable que les propriétaires des clés de l’intégration européenne imposent leurs points de vue” - Touteleurope.fr
Les députés tchèques approuvent le traité de Lisbonne - Touteleurope.fr
Prague convoque un sommet informel des 27 le 1er mars - Touteleurope.fr
Pavel Fischer : “La grande priorité est de réussir à travailler à 27” - Touteleurope.fr
L’Europe salue le cessez-le-feu israélien - Touteleurope.fr
Coup d’envoi de la Présidence tchèque de l’Union européenne - Touteleurope.fr
Elections en Iran : l’Union européenne prête à faire pression - Touteleurope.fr
José Manuel Barroso candidat à sa succession - Touteleurope.fr

En savoir plus

Site Internet de la Présidence tchèque de l’Union européenne

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