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Pacte vert européen : le programme écologique de la nouvelle Commission

Ursula von der Leyen lors de la nomination du collège de commissaires le 10 septembre 2019 - Crédits : Mauro Bottaro / Commission européenne
Ursula von der Leyen lors de la nomination du collège de commissaires le 10 septembre 2019 - Crédits : Mauro Bottaro / Commission européenne

La nouvelle Commission européenne, entrée en fonction le 1er décembre, a d’ores et déjà un projet de taille : son programme écologique, comme promis par sa présidente, sera proposé le 11 décembre devant le Parlement européen.

Il revient désormais au vice-président de la Commission et commissaire à l’Action climatique, Frans Timmermans, de mettre en œuvre cette feuille de route. Ursula von der Leyen, qui qualifie l’écologie d’ “obligation morale, humaine et politique urgente” , souhaite en faire une “marque de fabrique” de l’Union Européenne.

Si la présidente y accorde une telle importance, c’est d’abord parce qu’elle a dû composer, pour assurer son élection, avec les forces politiques représentées au Conseil et au Parlement européen : les Etats membres et les eurodéputés. La nomination du social-démocrate Frans Timmermans comme vice-président exécutif de la Commission, une exigence issue des tractations, l’a poussée à “verdir” son programme pour l’Europe. Mais la poussée écologiste des élections européennes de mai 2019 a aussi amené la plupart des groupes politiques du Parlement à se montrer plus exigeants sur la question écologique.

Placer l’Union Européenne à la “pointe” de la transition écologique

La mission de Frans Timmermans sera de faire de l’Europe un continent pionnier dans plusieurs domaines. Ce “Pacte vert” (Green deal, en anglais) prévoit d’inscrire dans le droit différentes mesures, parmi lesquelles une taxe carbone aux frontières. Mais aussi d’étendre le système d’échanges de quotas d’émissions aux secteurs du transport routier, maritime, aérien - de manière plus stricte qu’actuellement - et de la construction.

Sur le long terme, il vise la neutralité des émissions de carbone à l’horizon 2050. Une loi climatique devrait être présentée en ce sens d’ici mars 2020. Pour atteindre cet objectif, un plan de reforestation devrait être proposé afin d’améliorer la captation du CO2 sur le continent.

La Commission souhaite également revoir les objectifs que s’est fixé l’Union européenne en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Actuellement, les Vingt-Huit doivent les réduire de 40 % à l’horizon 2030, par rapport aux niveaux de 1990. Le Green deal prévoit de faire passer ce chiffre à 50 %.

Le vote non-contraignant du Parlement européen en mars 2019, envisageant une réduction de 55% des émissions pour cette date, devrait également être appliqué “de façon responsable” .

Afin de convaincre les pays les plus réticents, le programme environnemental de la nouvelle Commission devrait prévoir un accompagnement budgétaire sous la forme d’un Fonds pour la transition juste. Il devrait également proposer un “plan d’investissement pour une Europe durable” de mille milliards d’euros sur dix ans.

La Banque européenne d’investissement devrait quant à elle porter à 50% la part de ses investissements dédiés au climat d’ici à 2025. L’institution financière a déjà annoncé l’arrêt des financements aux énergies fossiles dès 2022.

La Commission envisage par ailleurs de proposer de nouveaux objectifs pour protéger la biodiversité, des objectifs environnementaux pour l’industrie agro-alimentaire et la PAC, ainsi que des plans santé et pollution. Elle présentera une série d’engagements visant à changer les modes de consommation, favoriser l’économie circulaire et développer les énergies vertes.

Sur le plan industriel, Ursula von der Leyen entend décarboner les secteurs énergivores (textile et construction principalement), et lutter contre l’utilisation massive de microplastiques. Enfin, un plan de soutien sera mis en place pour déplacer jusqu’à 75 % du transport routier vers d’autres moyens moins polluants, comme le rail ou le transport fluvial.

Un soutien mitigé

Ce “Green deal” a toutefois, jusqu’à maintenant, été accueilli de manière mitigée, tant par la société civile que par la classe politique européenne.

Si le directeur du Réseau Action Climat - Europe, Wendel Trio, voit en la nomination de Frans Timmermans une preuve “que von der Leyen reconnaît la nécessité d’une action climatique” et “une réelle opportunité d’augmenter l’action climatique dans tous les secteurs de l’économie” , le directeur européen de l’ONG Amis de la Terre Jagoda Munić regrette quant à lui que “presque aucun des commissaires proposés n’ait de passif fort [dans la protection climatique et le développement durable]” .

Au niveau politique, les groupes parlementaires européens à l’origine de ce “virage vert” ne sont pas plus unanimes. L’ambition environnementale de la nouvelle Commission a reçu le soutien des sociaux-démocrates (S&D). Ceux-ci ont félicité “le rôle moteur attribué à Frans Timmermans [qui] renforcera la coordination, la cohérence et l’efficacité horizontales, pour une transition juste vers une société durable” .

Des personnalités du groupe Renew Europe (libéraux) ont également salué l’attribution de cette mission à un vice-président exécutif de la Commission. Parmi elles, Pascal Canfin, président de la commission Environnement du Parlement, reconnaît que “la transition écologique est traitée de manière prioritaire et transversale sous la responsabilité du 1er vice-président” Frans Timmermans. Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, lui, souhaite à son compatriote “tout le succès possible dans son nouveau rôle” .

Mais les groupes écologistes et de gauche radicale sont plus sceptiques. Si la députée européenne britannique écologiste Molly Scott Cato croit en la capacité de la Commission de “mettre le Pacte vert européen au cœur de son travail pour les cinq prochaines années” , la gauche radicale (GUE/NGL), en la personne de Martin Schirdewan, qualifie ses propositions de “marketing” .

Les cadres du groupe des Verts/ALE, eux aussi, émettent des doutes. “Le principe ‘one in, one out’ [qui consistera à supprimer une législation dès lors qu’une nouvelle sera adoptée] pourrait notamment miner la protection des consommateurs et de l’environnement” , estime ainsi Philippe Lamberts, le coprésident du groupe écologiste. “Nous veillerons à ce que ces belles paroles se traduisent par des actions concrètes” , ajoute son homologue Ska Keller, craignant que le poste de Frans Timmermans ne concentre trop de responsabilités pour une seule personne.

La mise en œuvre n’est pas acquise

La politique environnementale et l’action climatique touchent des domaines aussi variés que l’agriculture, la santé ou le transport. Une transversalité qui pourrait compliquer la tâche de la Commission européenne. Même si son titre de vice-président exécutif lui permettra de jouir d’une position de superviseur auprès des autres commissaires, Frans Timmermans devra composer avec des profils variés.

Il devrait pouvoir compter sur le soutien du commissaire lituanien en charge de l’Environnement, des océans et de la pêche, dont le parti siège au sein du groupe écologiste. D’autres portefeuilles liés à la politique environnementale sont cependant détenus par de potentiels réfractaires à une transition trop ambitieuse. Ainsi celui de l’Agriculture, confiée au Polonais Janusz Wojciechowski, issu de la droite souverainiste européenne (ECR). Ou du Commerce, pour lequel la nomination de l’Irlandais Phil Hogan (PPE) avait été vue par les eurodéputés écologistes français comme “une proposition exécrable” .

Et les débats ne font que commencer : si la présidente de la Commission doit présenter ce texte aux eurodéputés le 11 décembre, les directives et règlements qui le composent feront ensuite l’objet de négociations entre le Parlement européen et les Etats membres.

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