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“Les partis politiques européens : le chaînon manquant” selon Notre Europe

Les prochaines élections européennes auront lieu en 2014. Pourquoi alors s’intéresser aujourd’hui à la participation des citoyens européens à ce suffrage ? Pour Notre Europe, la réponse est simple : si l’on veut inverser la tendance d’une participation en baisse depuis trente ans, alors que paradoxalement le Parlement européen n’a cessé de gagner du pouvoir au sein des institutions européennes, c’est maintenant qu’il faut agir. Notre Europe publie une note sur ce thème de Sir Julian Priestley, qui fut Secrétaire Général du Parlement Européen de 1997 a 2007.

Les partis politiques ne sont plus vraiment à la mode nulle part. Leurs membres se font rares, ils ont du mal à attirer la jeune génération, leur idéalisme semble terni par leurs manoeuvres constantes et leur souci des apparences, ils sont souillés par leurs efforts pour obtenir des financements et ils semblent se montrer incapables de trouver des solutions aux maux de la société. Les partis démocratiques traditionnels ont perdu du terrain face à des extrémistes proposant des panacées simplistes et face aux associations à campagnes thématiques.

Mais les partis politiques demeurent essentiels dans le processus démocratique. Quand tout va bien, ils aident à articuler, voire à influencer l’opinion publique ; ils fournissent le cadre à une discussion ordonnée ainsi que des solutions aux divergences politiques ; ils sont les agents principaux de la tenue d’élections ouvertes qui constituent les fondements de notre démocratie et de la responsabilité du pouvoir. De temps en temps ils arrivent même à être en phase avec le public et l’aident à voir plus loin. Ils restent les principaux véhicules de l’opinion publique.

Et le succès de l’Europe en tant que projet politique basé sur un système démocratique fonctionnel dans lequel les citoyens seraient profondément engagés implique que les partis politiques agissent à l’échelle continentale. Les auteurs des Traités de Maastricht et de Nice reconnaissent leur rôle central dans l’intégration européenne. Lorsque les déclarations successives des traités furent suivies par un Règlement du Conseil / Parlement européen (PE) en 2003, les partis embryonnaires reçurent des fonds du Budget de l’UE et des dotations, et par là même une certaine autonomie vis-à-vis des groupes parlementaires. Leur travail acquit une dimension nouvelle avec un Règlement du Conseil / PE en 2007 permettant aux partis d’établir des fondations politiques.

Mais vingt ans après le Traité de Maastricht, comme l’étude de Notre Europe de 2009 l’a bien démontré (Études et Recherches n° 71), les partis sont encore loin d’être en mesure d’assumer leur rôle vital de lien entre les institutions politiques de l’UE et l’opinion publique - un rôle qu’ils sont pourtant les seuls à pouvoir tenir - ou encore d’assurer le pilotage de leurs groupes parlementaires respectifs.

Si, par les termes de « parti politique » nous entendons l’organisation démocratique d’adhérents réunis sur base d’affinités politiques, élaborant ensemble des programmes, proposant des candidats pour les différentes fonctions, luttant pour les élections et s’assurant que les représentants élus tiennent bien leurs engagements, alors les “partis politiques européens” ne correspondent pour ainsi dire en rien à cette définition.

Sous l’impulsion de Jacques Delors, qui a créé Notre Europe en 1996, l’association souhaite “penser l’unité européenne” , c’est-à-dire contribuer à une union plus étroite des peuples d’Europe, comme l’explique sa Charte. Elle participe aux débats d’actualité avec le recul de l’analyse et la pertinence des propositions d’action. Elle a également pour objectif de promouvoir l’implication active des citoyens et de la société civile dans le processus de construction communautaire et l’émergence d’un espace public européen.

Ces partis européens sont encore, dans une large mesure, des organismes fermés et non reconnus, servant principalement à faciliter, pour les partis politiques nationaux, la transaction indispensable d’affaires communes. En termes d’opinion publique, ce sont en fait des coquilles vides. L’activité première de ces organisations ne consiste pas à mener des campagnes. Dans une certaine mesure, elles se trouvent encore - du moins d’un point de vue organisationnel - sous l’emprise des groupes parlementaires du Parlement européen. Enfin, le développement de leurs programmes consiste essentiellement en un exercice technique visant à rechercher le plus petit commun dénominateur parmi les différentes positions nationales, ce qui débouche inévitablement sur des propositions faibles et insipides. Mais surtout, les sympathisants ordinaires de partis, les militants et les adhérents des états membres ont peu ou prou de lien avec ces « partis » européens. Ils ne jouent aucun rôle dans leurs prises de décision et n’ont pour ainsi dire aucun sentiment d’appartenance par rapport à eux. Les organismes gouvernants des partis européens sont « confédéraux » par nature ; les décisions importantes sont prises par consensus, même lorsqu’un vote à la majorité est permis ; les activités des partis se limitent à fournir une plateforme européenne à la parade des chefs de partis nationaux, leur octroyant ainsi une occasion supplémentaire de bénéficier d’une publicité nationale dans un contexte international. En ce qui concerne la plupart des problèmes, ce sont les représentants de partis nationaux, souvent des secrétaires internationaux, qui mènent la barque.

Si tous les partis ont effectué quelques avancées en direction d’une réforme interne ils n’ont pas encore réussi à développer leurs pleines capacités politiques. Cela ne veut pas dire que les politiques partisanes ne jouent aucun rôle dans les institutions européennes et dans les prises de décision de l’UE. Au contraire, avec les groupes politiques du Parlement européen, les décisions sont devenues éminemment politisées. Ces groupes constituent l’une des grandes réussites de l’intégration européenne. Quasiment toutes les décisions prises actuellement par l’UE sont le résultat de compromis auxquels les groupes politiques du Parlement ont souscrit, voire dans bien des cas, qu’ils ont eux-mêmes élaborés. Ces groupes sont bien organisés, ils s’octroient le temps et les moyens de développer en priorité des décisions de groupe communes, puis des compromis entre les différents groupes. Certaines actions législatives parmi les plus importantes et les plus complexes ont finalement été menées à bien sur base de compromis élaborés au Parlement européen, plutôt qu’au Conseil des Ministres. Des études récentes (voir par exemple VoteWatch.eu) confirment l’avancée d’une tendance à la cohésion au sein des groupes politiques élargis, avec des pourcentages tournant autour des 90 % qui ne feraient pas rougir dans un contexte national.

Mais cette tendance aux prises de position sur base de choix politiques en lieu et place de l’embrouillamini technique, quoique bienvenue en soi, a lieu dans un flou démocratique qui les rend quasiment invisibles aux yeux de l’opinion publique. Bien sûr chaque membre du Parlement européen a des devoirs envers ses électeurs ; il ou elle devra rendre des comptes (en dépit des énormes obstacles qu’il y a à communiquer efficacement avec les citoyens sur les questions européennes); il ou elle sera en contact continu avec son parti national ou régional. Mais ces efforts se voient sapés par l’absence d’organisations extraparlementaires qui assureraient le relais entre les citoyens et les représentants élus, et qui élaboreraient les politiques et les programmes que les députés s’efforceraient ensuite de mettre en application.

Il est vrai que la situation actuelle donne théoriquement aux députés européens une grande marge de manoeuvre, bien que cette dernière puisse être sévèrement restreinte par le processus de sélection des candidats de partis aux élections européennes, notamment quand la place des partis sur la liste dépend des cadeaux des chefs de partis. Mais à la longue, la faiblesse des partis donnera aux électeurs l’impression que les députés européens ne les représentent pas vraiment et que, par conséquent, les citoyens ne sont pas représentés dans les prises de décision. Le paradoxe d’un Parlement européen aux pouvoirs accrus mais qui ne mobilise plus qu’une faible partie du soutien public a été cruellement mais clairement confirmé lors des élections de 2009.

En savoir plus :

voir la suite de la note [pdf]

voir le site de Notre Europe

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