Six mois après le scandale du Qatargate, l’exécutif bruxellois a présenté jeudi une proposition pour mettre sur pied un nouvel organe éthique. Cette affaire de corruption “qui a rattrapé, en décembre 2022, des membres et des anciens membres du Parlement européen, soupçonnés d’avoir reçu d’importantes sommes d’argent du Maroc et du Qatar, en contrepartie de décisions favorables à ces deux pays” [Le Figaro] a été un vrai “coup de tonnerre pour les institutions de l’Union européenne”, rappelle RFI.
“Promise en 2019 par [la présidente] de la Commission Ursula von der Leyen [avant de] tomber dans les limbes” [Le Figaro], la proposition dévoilée hier de créer un organe éthique “a trouvé un nouvel élan” avec le Qatargate [L’Obs]. Sans cette affaire, “l’ex-ministre de la défense d’Angela Merkel aurait sans doute renoncé, tant le projet suscitait des oppositions au Parlement européen”, rapporte Le Monde.
Le nouvel organe “doit établir des normes minimales et une culture éthique commune pour l’ensemble des [sept] institutions européennes”, explique Ouest-France. En outre, “le Comité européen des régions ainsi que le Comité économique et social européen ont été conviés à rejoindre le club”, tout comme la Banque européenne d’investissement [Le Soir]. “Déclarations de patrimoine et d’intérêts, activités extérieures pendant et après le mandat, cadeaux, invitations et voyages, distinctions honorifiques” ou “rencontres avec des lobbyistes” seront par exemple concernés, liste Le Point. L’instance sera composée “d’un membre de chaque institution, avec une présidence annuelle tournante, et de cinq experts indépendants choisis par les institutions” [L’Opinion].
Socle commun
C’est donc la volonté d’harmoniser les règles des différentes instances de l’Union européenne qui est mise en avant. Celles-ci vont “modifier en conséquence leurs règlements et codes de conduites internes – les éventuelles récalcitrantes devront rendre des comptes à l’organe d’éthique et pourraient, in fine, être traduites devant la Cour de justice” [Le Soir]. Actuellement, “[les institutions] ont […] chacune leur propre règlement– à tous les égards, celui du Parlement européen est le moins contraignant” [Le Monde]. Mais “il ne peut être question d’harmonisation à la baisse : une institution qui avait des règles plus strictes ne pourra les affaiblir sous prétexte d’une norme commune”, précise Le Soir.
“Ce sera le premier dispositif formel de coordination des institutions européennes sur ces sujets d’éthique” [L’Opinion]. Il s’appliquera à près de 1 500 personnes, du président du Conseil européen “Charles Michel aux commissaires en passant par les juges, les parlementaires”, indique Le Soir. Les nouvelles règles “ne s’appliqueront pas aux fonctionnaires européens, dont le statut encadre déjà l’exercice de leur fonction, mais aux ‘responsables politiques’, élus ou nommés par les gouvernements”, explique la commissaire en charge des Valeurs et de la Transparence Věra Jourová, citée par Le Monde. En d’autres termes : les commissaires européens, les eurodéputés, les juges de la Cour de Luxembourg, les membres de la Cour des comptes, le président du Conseil ou encore les ministres du pays qui occupe la présidence tournante du Conseil de l’UE.
Un nouvel organisme éthique a minima ?
La proposition “qui doit être ancrée dans un accord interinstitutionnel” [Les Echos] est “déjà jugée très insuffisante par les experts et les eurodéputés”, rapportent différents médias, dont Ouest-France. C’est “la critique qui fuse, avant même que l’organe ne soit créé”, souligne Le Soir. Car la nécessité d’éviter un nouveau Qatargate fait l’unanimité et tous les acteurs européens “espéraient une structure capable d’investiguer les manquements aux règles” [Contexte].
Or, l’organe éthique “n’aura aucun pouvoir d’investigation, ni de sanction” [Le Monde]. Pour “des raisons relatives à la fragile base juridique qui préside à sa conception, l’organisme n’aura [donc] pas de pouvoir d’enquête” [La Libre]. Autrement dit “l’organisme fixe les règles, mais n’est pas chargé de les faire respecter”, poursuit le journal belge, puisque ce sont les institutions elles-mêmes qui s’en chargeraient. La proposition “était voué[e] à faire des déçus”, résume L’Opinion. “La médiatrice [européenne], Emily O’Reilly, s’est déjà inquiétée de la modestie des moyens : trois employés et 600 000 euros de budget annuel”, une somme jugée trop faible compte tenu de l’enjeu [Les Echos].
La Commission européenne, qui “espér[e], comme le dit Věra Jourová, que le nouvel organe éthique sera en place ‘avant les élections de 2024’ “, a déjà prévu une réunion le 3 juillet sur le sujet [Le Monde]. Or, au Parlement européen “les sociaux-démocrates, les libéraux de Renew et les écologistes ne sont pas prêts à voter la proposition en l’état, au motif que les institutions continueront à se contrôler elles-mêmes” [Le Figaro]. “Le Qatargate montre que l’autorégulation des politiciens et fonctionnaires ne fonctionne pas”, a clamé l’eurodéputé Daniel Freund (Verts), repris par Les Echos.
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