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L’Allemagne fête ses vingt ans

Il y a 20 ans, l’Allemagne se réunifiait à la plus grande surprise des observateurs internationaux, notamment sous l’impulsion du peuple allemand lui-même, lassé de voir son pays coupé en deux. A cette occasion, Toute l’Europe revient sur cet évènement historique par une chronologie détaillée des principales étapes de la réunification de l’Ouest et de l’Est.

Une réunification improbable

En 1989, les mentalités de l’époque conçoivent difficilement la probabilité d’une unification des deux régimes allemands, la RDA et la RFA. Cet état d’esprit prend la forme par exemple de déclarations considérées aujourd’hui comme ubuesques. Erick Honecker (premier secrétaire du parti socialiste est-allemand) promettait ainsi que “le mur de Berlin durera encore cent ans” en Janvier 1989 tandis que l’ancien dirigeant social-démocrate (SPD) Gérard Schröder affirmait le 11 Juin 1989 que ” les chances d’une réunification sont inexistantes” .

Ces phrases qui paraissent surréalistes aujourd’hui prennent cependant tout leur sens une fois remises dans une perspective historique. En 1988, la RDA était considérée comme une puissance industrielle importante, et le stationnement des troupes du pacte de Varsovie autour de Berlin rendait toute velléité d’indépendance inimaginable. Si le potentiel industriel est-allemand était effectivement important, ce sont les finances de la RDA reposant sur des chiffres falsifiés qui furent un des détonateurs de la chute du régime.

Cette fragilité économique, combinée avec une accélération exponentielle de facteurs déstabilisants, conduit aux évènements du 9 novembre 1989 : le symbole de la division de l’Europe tombait, entraînant des conséquences en rafales pour l’Allemagne et tout le bloc de l’Est. Voyons étape par étape l’étonnant dénouement de la réunification allemande.

Levée de rideau de fer

Suite à la volonté du gouvernement hongrois de lever le rideau de fer le long de la frontière autrichienne le 2 mai 1989, celle-ci se matérialise le 27 juin lorsque Alois Morck (Ministre des affaires étrangères autrichiennes) et son homologue Gyula Horn coupent symboliquement les fils de Barbelé le long de la frontière hongro-autrichienne. Cette ouverture sera rendue légale le 10 septembre suivant pour les deux gouvernements.

Cette légalisation a largement été la conséquence du pique-nique pan européen dit de “Chorpon” organisé par le prince Otto de Hasbourg. Cette fête champêtre, destinée à exploiter le poids des allemands de l’Est immigrés en Hongrie et Tchécoslovaquie, donna prétexte à 600 citoyens de la RDA de forcer la frontière vers l’Autriche.

Cet évènement accentue la pression en RDA, ou des manifestations importantes ont lieu notamment à Leipzig connues sous le nom de “manifestations du Lundi” . La nomination le 18 octobre 1989 d’Ergon Krenz à la tête de la RDA, remplaçant le tristement célèbre Erick Honecker ne suffit pas à calmer les aspirations des foules. Celui- ci démissionnera à son tour la veille de la chute du mur, le 8 novembre 1989.

Le gouvernement est-allemand va droit dans le mur

Sous pression des gouvernements tchèque et hongrois qui subissent un flux important de citoyen est-allemands et qui enjoignent le gouvernement est-allemand à lâcher du lest, le porte-parole du Gouvernement de la RDA, Günter Schabowski, annonce lors d’une conférence de presse historique que les citoyens est-allemands peuvent sortir des frontières sans présenter aucune justification.

L’information fait le tour des médias allemands de l’ouest et de l’est réunis, provoquant l’accélération du moteur de l’histoire. Une foule s’est effectivement massivement formée le long du mur de Berlin forçant les soldats à ouvrir les postes frontières le 9 novembre 1989. Berlin, la ville du 20e siècle peut maintenant être une ville unie.

“Die Wende” , processus politique difficile et incontrôlable

Ce terme renvoie à l’accélération rapide des évènements qui ont contribué à la réunification de l’Allemagne, du 9 novembre 1989 au 3 Octobre 1990. Il décrit le virage que les principaux acteurs ont dû assumer pour permettre la réunification allemande.

Affaiblie par la situation économique et le flot de migrants continu passant à l’Ouest, et ne pouvant compter sur le président de l’URSS lui-même affaibli, la RDA ne pourra résister à l’unification inéluctable tant désirée par “le père de la réunification” Helmut Khôl et son ministre des affaires étrangères Genscher.

Deux dynamiques parallèles réunissent les deux Allemagnes

La première étape de la réunification se trouve initiée par Modrow, nouveau leader de la RDA et adepte de la Glasnost soviétique (contrairement à la politique de résistance de Honecker). Le rapprochement des deux Allemagnes se poursuit à grande vitesse avec la présentation du “plan en dix points” d’Helmut Khôl. Celui-ci est suivi petit à petit par la RDA qui accepte le pluralisme politique dans ses institutions.

Le 7 décembre 1989 se constitue donc pour la première fois une coalition avec la participation remarquée de Lothar de Maizière, nouveau dirigeant de la CDU est allemand. Celui-ci contribuera aux discussions entre les groupes d’opposition (Eglises et mouvements civiques) au sein d’une table ronde qui durera jusqu’en mars 1990. Plusieurs voies sont envisagées pour le futur de la RDA (troisième voie socialiste, régime neutre). Si de nombreuses incertitudes demeurent sur la position de la France et de l’Angleterre, Helmut Khôl ne veut qu’envisager la réunification, tandis que Mikaël Gorbatchev déclare à Modrow qu’il ne s’opposera pas à la réunification allemande. Cette déclaration constitue un premier tournant sérieux pour une unification allemande devenue subitement inéluctable.

Une deuxième dynamique, propre aux relations internationales trouve son aboutissement dans l’accord 4+2, destiné à clore définitivement la seconde mondiale. De nombreux points n’avaient pas été réglés du fait de la nature de la division de l’Allemagne non prévus par la conférence de Londres et de Yalta et gelés par le début de la guerre froide. La conférence ouverte en mai 1990 s’est finie plus tôt que prévue, avec la signature du Traité de Moscou le 12 septembre 1990, et fait de l’Allemagne un Etat comme les autres, disposant de sa propre souveraineté. Ce traité réglait définitivement les aspects extérieurs de l’unification allemande, avec la fixation de la frontière germano-polonaise sur la ligne Oder-Neisse. Selon Isabelle Farçat (L’Allemagne de la conférence de Potsdam à l’unification, 1992), “le 12 septembre 1990 marquait ainsi véritablement la fin de la Seconde Guerre mondiale” . Les anciens alliés n’auront plus aucun droit sur l’Allemagne et Berlin à partir du 3 Octobre 1990, date définitive de la réunification.

Parallèlement, la seconde phase du processus politique intérieur débute avec les premières élections libres qui se déroulent à parti du 18 mars 1990. Avec une participation impressionnante de la part du peuple est allemand, les élections donnent lieu à une victoire de “l’Alliance” composée de la CDU et d’indépendants favorable à une réunification rapide de l’Allemagne. Le 12 avril 1990, Lothar de Maizière se retrouve à la tête de la chambre du Peuple, tandis que la représentation de la coalition gouvernementale est incarnée par sa porte- parole, Angela Merkel. Lors de son discours d’investiture le 19 avril 1990, l’intellectuel chrétien se prononce en faveur d’une unification des deux Allemagnes se reposant sur l’article 23 de loi fondamentale ouest-allemande., qui stipule la validé d’un élargissement par adhésion. Conforté par la CEE, qui lors de son conseil européen à Dublin le 28 avril 1990 déclare “positif” l’idée d’une réunification allemande, les évènements se précipitent en RDA.

Du nouveau à l’Est, de la satisfaction à l’Ouest

Lors des élections municipales, une nouvelle génération d’hommes politiques issus de la société civile apparaît. Elle favorise l’accord entre les deux gouvernements allemands aboutissant au premier acte législatif de la réunification allemande : l’accord sur l’union économique et monétaire signé le 18 mai 1990 et entré en vigueur le 1er juillet 1990 impose le Deutschemark à tous les Allemands. Condition sine qua non de son absorption dans une Allemagne unique, la RDA se réorganise également administrativement en rétablissant les cinq länder de l’Est le 22 Juillet 1990, conformément aux obligations imposées par la loi fondamentale de la RFA.

Déjà quasiment intégrées à l’Allemagne, les deux entités de plus en plus abstraites signent le traité d’unification le 31 Aout 1990, ratifié largement par les deux chambres, la Bubdestag et la chambre du peuple. Dans la nuit du 22 au 23 août 1990, la Volkskammer décida la déclaration de l’adhésion avec effet le 3 octobre 1990. Les modalités de la réunification furent fixées par le traité d’unification (Einigungsvertrag) signé à Berlin le 31 août 1990 et ratifié le 20 septembre par la Volkskammer et par le Bundestag. Le 3 Octobre 1990 sacralise l’unification allemande, et demeure à ce jour la fête nationale du pays.

20 ans après, l’Allemagne s’interroge sur sa réunification

Si l’incroyable dénouement de la réunification allemande possède une forte connotation positive, au niveau du symbole et de l’Histoire, une partie de l’Allemagne détient une appréciation alternative de cette période de l’histoire allemande. Incarnées par l’östalgie et par la nouvelle contestation de gauche, les conséquences sociales de la réunification font que de nombreux allemands portent un regard mitigé sur celle-ci. En effet, aux yeux des observateurs ce sentiment apparaît assez légitime puisque le coût de la réunification a été plus dur que prévu. Il y a eu en effet un appauvrissement certain des länder de l’Est dû aux conditions économiques imposées sur leur structure économique relevant d’un modèle économique planifié.

Cependant, la réunification allemande a donné un incroyable souffle à la relance de l’Europe. Lors de leurs nombreuses rencontres, Helmut khôl n’affirmait-il pas à François Mitterrand que “la réunification allemande et la construction européenne étaient les deux faces d’une même médaille” ?

En savoir plus :

1985-1991 : la relance européenne

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