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Investissement : quelle réponse de la BEI à la crise économique ?

Heurtant de plein fouet les PME du continent, la crise du Covid-19 a provoqué une baisse de l’investissement à l’heure où les transitions numérique et écologique réclament justement des moyens supplémentaires. La Banque européenne d’investissement a mis en place plusieurs instruments au service de la relance des entreprises du continent, et de l’investissement durable.

La Banque européenne d'investissement, en première ligne dans le soutien européen aux PME face à la crise, n'abandonne pas pour autant ses objectifs environnementaux - Crédits : Andreas Keller / Flickr Forgemind ArchiMedia CC BY 2.0
La Banque européenne d’investissement, en première ligne dans le soutien européen aux PME face à la crise, n’abandonne pas pour autant ses objectifs environnementaux - Crédits : Andreas Keller / Flickr Forgemind ArchiMedia CC BY 2.0

Trois mois de mise à l’arrêt partielle de l’activité, et 7,4 % de récession attendus en 2020 : la crise du Covid-19 a marqué un choc d’ampleur historique pour l’économie européenne. Douze ans après la crise financière de 2008, les Etats membres ont à nouveau mis la main à la poche pour soutenir les finances du continent, à travers différents dispositifs. Au niveau européen, plusieurs mesures ont également été prises pour limiter la contraction de l’économie, comme un nouveau programme de rachat de dettes par la BCE ou un plan de relance à long terme de 750 milliards d’euros proposé par la Commission européenne, encore débattu.

Dans le soutien aux entreprises, durement touchées par le ralentissement de l’activité, la Banque européenne d’investissement (BEI) a également activé plusieurs instruments. Cette institution, spécialisé dans les prêts (et garanties sur prêts) au secteur privé ou public cherche à soutenir l’investissement stratégique en faveur des objectifs européens, notamment climatiques. Depuis le mois de mars, elle est massivement venue en aide aux PME, rappelle Ambroise Fayolle, vice-président de la Banque européenne d’investissement, interrogé par Toute l’Europe.

Une crise de l’investissement

Ce soutien aux entreprises est essentiel pour assurer la relance économique de l’Europe : les entreprises du continent ont dû faire face à une perte d’activité. “La crise a eu pour conséquence une importante perte de revenus pour les entreprises, à un moment où par ailleurs leur niveau d’endettement augmente. Cela devrait se traduire par une baisse de l’investissement. A ce stade, on estime qu’il pourrait chuter d’un tiers. C’est une situation qui est très préoccupante” , s’inquiète Ambroise Fayolle.

En 2008 déjà, la baisse de l’investissement avait été plus forte en Europe qu’ailleurs, ce qui avait ralenti la reprise. Ainsi, après plusieurs années de plans de relance nationaux élaborés en ordre dispersé, le plan Juncker avait permis de coordonner la reprise de l’investissement sur le continent. Avec, au cœur du dispositif, la BEI : depuis 2015, le plan a permis de réunir plus de 460 milliards d’euros destinés aux investissements à risque à travers le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI).

Douze ans plus tard, l’Europe est donc encore une fois menacée d’un ralentissement qui pourrait lui être fatal face à la concurrence mondiale : “à quelques exceptions près, le niveau de digitalisation de nos économies en Europe est plus faible que ce que l’on peut voir par exemple aux Etats-Unis” , rappelle le vice-président de la BEI. “C’est quelque chose que l’on observe déjà depuis plusieurs années, qui n’est pas révélé par la crise du Covid” , explique-t-il.

La situation est donc critique : “les entreprises ont à la fois moins de possibilités d’investir pour préparer l’avenir, et il y a en même temps de vrais besoins, que ce soit dans le domaine numérique, de la santé ou de l’environnement” . “L’Europe doit montrer qu’elle est là” , et assurer à nouveau une relance par l’investissement, estime Ambroise Fayolle. “Et elle le montre : moi qui ai vécu la crise précédente, je trouve que la réaction européenne est très rapide dans l’aide aux PME” . Et cette fois-ci à nouveau, “la BEI est un élément important du plan européen d’aide aux entreprises, notamment en matière d’investissements” , constate-t-il.

Soutien aux PME

En temps normal, “nos actionnaires, les Etats membres de l’UE, nous donnent quatre priorités : les PME, le climat, l’innovation et les infrastructures” , explique le cadre de l’institution financière. Mais dans le contexte de la crise, les orientations de la BEI sont réajustées. “Il est clair que le soutien aux PME revêt une importance particulière pour le groupe BEI” et pour l’économie européenne, poursuit Ambroise Fayolle : 99,89 % des entreprises de l’UE-27 font partie de cette catégorie d’établissements de moins de 250 salariés. Ainsi, “à court terme, la priorité a été de soutenir les PME” , explique-t-il.

Trois étapes ont ainsi été définies dans l’action de la BEI :

  • Le premier dispositif, mis en place dès le 16 mars, doit mobiliser jusqu’à 28 milliards d’euros pour combler le manque de liquidités des PME. Afin d’agir rapidement et à court terme, l’institution financière s’est appuyée sur des instruments existants : “on s’est dit qu’on allait soit accélérer des instruments que l’on avait déjà, soit utiliser nos réserves pour faire plus que prévu dans certains programmes” . Elle a également pu compter sur des fonds mis à disposition par la Commission européenne à sa filiale, le Fonds européen d’investissement (FEI), spécialisé notamment dans le financement des start-up. Ainsi, “des appels d’offre ont déjà été lancés pour des programmes en faveur des PME, ou pour financer des institutions financières (fonds d’investissement, sociétés de gestion…) prêtant aux PME” .
  • Le second dispositif est un Fonds de garantie paneuropéen, intégré au plan de soutien approuvé par l’Eurogroupe le 9 avril dernier. “On parle de 25 milliards d’euros de garantie sur prêts qui sera accordée par les Etats membres de l’UE” , explique Ambroise Fayolle. Les Etats, qui ont financé ce fonds, se portent donc garants de prêts contractés par les entreprises, pour les inciter à emprunter et investir. Le fonds vise à soutenir l’économie réelle et les PME en rassurant les acteurs financiers pour qu’ils continuent à jouer leur rôle de financeur des entreprises. Au total, il “doit permettre de garantir un montant de 200 milliards d’euros de prêts, à destination des PME pour l’essentiel, et des ETI (…). C’est donc un montant très important : il représente à peu près 1,5 % du PIB de l’UE” .
  • Le troisième volet d’action concerne les propositions de la Commission européenne, encore sujettes à des négociations auxquelles participe la BEI : il s’agit notamment “du renforcement d’InvestEU, le nouvel instrument de la Commission européenne pour le prochain exercice budgétaire [qui prend la succession du plan Juncker], d’un instrument de soutien à la solvabilité proposé par la Commission, ainsi que du plan de relance annoncé par la présidente de la Commission de 750 milliards, dont 250 sont sous forme de prêts” . “La BEI a vocation à faire partie de ces outils, en tant qu’institution experte du monde des PME (…) : notre expérience dans ce domaine est très pertinente aujourd’hui” , note Ambroise Fayolle.

Ces actions visent donc à redynamiser l’activité et l’investissement du continent dans son ensemble. Mais l’action de la BEI cherche avant tout à répondre aux besoins : “parmi toutes nos récentes actions, certaines mesures d’urgence ont été prises notamment pour accélérer le soutien aux aires géographiques qui ont particulièrement souffert de la crise. La Lombardie, par exemple, en fait partie : nous avons une action très forte dans les territoires italiens qui ont particulièrement souffert, pour aider les PME et les institutions qui les financent” . Elle cible également les territoires en difficulté hors d’Europe : “nous avons revu cette année nos orientations, pour (…) prêter davantage dans les régions les plus menacées parce que les plus fragiles, notamment en Afrique” , détaille Ambroise Fayolle.

En temps de crise comme en temps normal, la BEI travaille main dans la main avec les acteurs locaux : “Nous avons traditionnellement une relation forte avec les collectivités, les départements et les régions. En Aquitaine ou en Occitanie par exemple, le groupe BEI finance des projets d’efficacité énergétique, de soutien au secteur du tourisme, des projets de garantie au financement des PME…” , explique Ambroise Fayolle. Récemment, le président du Conseil régional de Bretagne a appelé à la mise en place d’un fonds de soutien aux entreprises régionales, avec l’aide de la BEI.

En plus des collectivités territoriales, la BEI travaille en concertation avec le réseau de banques publiques nationales. En France, elle œuvre aux côtés de la Caisse des dépôts et de BpiFrance, qui agissent auprès des collectivités territoriales et des entreprises : “on leur apporte du soutien en faisant du partage de risque, des opérations de cofinancement… Cela nous permet d’être encore plus forts dans notre soutien aux PME, qui est aujourd’hui la priorité du moment” .

Investir pour l’innovation et le climat

Malgré la priorité donnée au soutien à court terme aux PME, requis par la crise, la BEI conserve sa vocation principale : “financer l’innovation pour demain” . Elle apporte ainsi un “soutien au secteur de la santé, en particulier à la recherche médicale et au vaccin” , explique son vice-président : le 11 juin dernier, elle a accordé un financement de 100 millions d’euros à la société allemande BioNTech, à la pointe en Europe dans la recherche d’un vaccin contre le Covid-19.

L’autre orientation majeure de l’institution demeure cependant la lutte contre le réchauffement climatique : “Sur le long terme, notre objectif reste de transformer la BEI en banque du climat (…). Aider à la transformation et atteindre les objectifs climatiques de l’Europe est l’ADN de la BEI demain” . La BEI a en effet acté fin 2019 plusieurs décisions d’ampleur : l’arrêt des financements aux projets d’énergies fossiles fin 2021, aligner son action sur les objectifs de l’Accord de Paris, ou encore consacrer 50 % de ses investissements à la lutte contre le réchauffement climatique en 2025.

Est-il possible de combiner l’urgence économique pour l’investissement, l’activité et l’emploi, avec des objectifs écologiques de plus long terme ? Ces derniers resteront en tout cas impératifs, assure Ambroise Fayolle : “aucune voix ne les remet en cause ou ne s’y oppose au niveau européen” . “On le voit d’ailleurs dans le débat actuel” , rappelle-t-il : “lorsque les leaders européens s’expriment, ils rappellent toujours l’importance pour l’Europe de respecter ses objectifs climatiques” . Les deux priorités “ne sont pas exclusives” , pour le vice-président. La transition écologique est “un élément important pour la croissance de l’Europe, à moyen et long terme : si nous voulons tenir ces objectifs, il va falloir faire beaucoup d’investissements en faveur de l’efficacité énergétique (…) ou pour l’innovation. La BEI a par exemple été très active ces derniers mois dans les projets de batteries, ou pour le développement de nouvelles mobilités, avec l’hydrogène” .

Des domaines d’investissement tout aussi porteurs pour la compétitivité européenne, et créateurs d’emploi. “Il faut être aussi déterminé à agir très rapidement en faveur des PME, qu’à faire de la BEI la banque du climat, à terme” , conclut-il.

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