Profond clivage gauche/droite sur le CETA
Approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017, le traité international de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada doit encore obtenir l’aval du Parlement canadien avant son entrée en vigueur provisoire, probablement en avril. Il sera ensuite soumis aux votes des parlements nationaux des Etats membres.
Et ce n’est pas l’ultime intervention avant le vote de Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, qui aura convaincu les pourfendeurs du CETA. En permettant la réduction de la bureaucratie et des formalités douanières, “le CETA profitera aux citoyens et aux entreprises européennes”, a-t-elle une nouvelle fois argué. Et rappelant la vigilance de Bruxelles vis-à-vis des tant décriés tribunaux d’arbitrage, dont l’indépendance a été effectivement renforcée face à la pression de la société civile, Mme Malmström l’a assuré : il s’agit “d’un accord progressiste avec un partenaire progressiste” .
Très animée, la séquence de débats entre les eurodéputés a duré trois heures et a été marquée par des attaques fréquentes entre partisans et opposants au CETA. Manfred Weber, chef des conservateurs au Parlement européen, n’a ainsi pas hésité à railler les partis de gauche qui, sur l’accord UE-Canada, allaient voter de concert avec l’extrême droite. Dénonçant des “provocations irrespectueuses”, Gianni Pittella, patron des sociaux-démocrates, a pour sa part assumé la division de son camp, précisant que même les eurodéputés de centre-gauche favorables au texte ne le considèrent pas comme un “modèle” , mais plutôt comme un “début de changement” dans la politique européenne.
Finalement approuvé à une courte majorité (408 voix pour, 254 contre et 33 abstentions), le CETA peut désormais entrer en vigueur de manière provisoire - à l’exception notable des tribunaux d’arbitrage dont l’entrée en vigueur dépend du feu vert de l’ensemble des parlements nationaux européens. En effet, le vote du Parlement européen ne clôt pas un processus démarré il y déjà sept ans. Une nouvelle phase, potentiellement très longue et houleuse d’examen par les Etats membres s’engage désormais.
Justin Trudeau au Parlement européen
Cherchant manifestement à rassurer les opposants au CETA, M. Trudeau a présenté le texte comme “responsable” et “progressiste”, défendant “l’intérêt public”, protégeant “la main d’œuvre” et à même de créer de “bons emplois bien rémunérés”.
Charismatique et imperturbable au moment de décliner ses éléments de langage, le chef du gouvernement canadien a également repris à son compte l’argument principal des partisans du CETA en Europe : si le Canada et l’Europe ne parviennent pas à s’entendre, “quelles économies dans le monde pourront le faire ?” , a-t-il interrogé.
Réforme du marché du carbone : la droite satisfaite, la gauche en colère
Dans l’ombre du CETA, un autre texte a illustré cette semaine le renforcement du clivage gauche/droite au sein du Parlement européen, aggravé depuis le départ du social-démocrate Martin Schulz de la présidence de l’institution, et l’arrivée en remplacement du conservateur Antonio Tajani. Il s’agit de la réforme du marché du carbone européen, dont la faible efficacité ne permet pas d’influer significativement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre en Europe.
En effet, si la réduction du nombre de quotas disponibles, destinée à en accroître le prix et à inciter les industriels à accroître leurs efforts environnementaux, a été bien entérinée, cette dernière ne sera que de 2,2% par an pour la période 2021-2030, alors que le chiffre de 2,4% avait été avancé. En outre, les eurodéputés se sont majoritairement prononcés pour le maintien des quotas gratuits pour certaines filières, dont celle du ciment, pourtant responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre en Europe.
A l’instar de Françoise Grossetête, eurodéputée membre des Républicains, la droite européenne s’est félicitée de cette décision, qui “respecte les accords de Paris sur le climat” et “limite des risques de la fuite de carbone”. Le lobby européen des cimentiers avait en effet fait valoir que sa compétitivité vis-à-vis des entreprises étrangères serait fortement entamée avec une réforme trop importante du marché du carbone. Un argument que contestent en bloc les écologistes et une partie de la gauche, notamment française.
Pour Michèle Rivasi, députée verte, “en se pliant aux diktats d’une industrie qui a pourtant réalisé des bénéfices sans pour autant innover”, le Parlement européen a “fait preuve d’inconséquence”. Même son de cloche de la part d’Edouard Martin, eurodéputé socialiste et ancien syndicaliste à Florange, selon qui l’action des cimentiers est un “cas manifeste de mauvais lobbying” qui, dans ce cas précis, contrevient justement aux accords de Paris sur le climat.
Quelles évolutions pour la zone euro ?
Egalement à l’ordre du jour de la session plénière de février : trois rapports portant sur l’avenir de la zone euro. Le premier destiné à formuler des propositions d’évolution dans le cadre des traités actuels, un second envisageant des changements de traité, et un troisième abordant l’épineuse question des capacités budgétaires - pour l’heure étriquées - de l’Union européenne. Trois contributions du Parlement européen entrant dans le cadre de la réflexion générale autour de la relance de l’Europe, sujet prégnant dans le contexte du Brexit et des prochaines célébrations du 60e anniversaire du traité de Rome, le 25 mars.
Difficile pour l’heure de déterminer quel sera l’impact de ces trois rapports concomitants. D’autant moins que, comme le rappelle Pervenche Berès, eurodéputée socialiste française et coauteure du rapport, l’idée d’un renforcement du budget communautaire remonte à… 1977. Lors d’une rencontre avec les journalistes français, Mme Berès a reconnu que si la perspective d’un budget européen plus important ne choque pas outre mesure en France, ce n’est pas le cas de tous les Etats membres. Des capacités budgétaires supplémentaires permettraient toutefois d’améliorer la “convergence” et la “coopération” au sein de la zone euro et donneraient une occasion d’avancer en matière d’harmonisation de la fiscalité des entreprises, ou encore d’envisager la création d’un salaire minimum européen.
Par Jules Lastennet