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Conseil européen : les mesures de cure économique en débat

Tour d’horizon des grands sujets à l’agenda du Conseil qui réunira jeudi 17 juin les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept : la gouvernance économique, la nouvelle stratégie pour l’emploi et la croissance Europe 2020, la régulation financière, le G20 et le changement climatique.

Un G20 sous tension

Le traité de Lisbonne prévoit la convocation de deux Conseils européens par semestre, à l’ouverture et la clôture de chaque présidence semestrielle. Mais des réunions supplémentaires, dits “Conseils extraordinaires” , peuvent avoir lieu si les circonstances l’exigent. En outre, la pratique de sommets intermédiaires s’était généralisée (en mars pour les questions économiques, sociales et environnementales dans le contexte de la stratégie de Lisbonne, et en octobre).

Depuis deux ans, suite à l’approche française de la Présidence du Conseil et à cause de la crise, le rythme des réunions des chefs d’Etat et de gouvernement s’est accéléré, à tel point que se rencontrer entre dirigeants européens devient un véritable mode de gouvernance. Le Conseil qui aura lieu demain et vendredi était pourtant prévu de longue date : il s’agit du sommet de clôture de la Présidence espagnole. Un rendez-vous assez lourd d’enjeu puisqu’il doit valider la réponse européenne à la crise, et permettre l’adoption d’une position commune en prévision du prochain G20.

La France et l’Allemagne s’y rendront avec des idées sur la table, qu’elles ont arrêtées ensemble lors de leur réunion de travail lundi soir. De très nombreux sujets sont à l’agenda. Sur les aspects économiques, seront en discussion la consolidation des budgets nationaux, le pacte européen de stabilité et de croissance, ou encore la supervision financière. Les Etats devront aussi adopter la stratégie Europe 2020 pour la croissance et l’emploi.

Le pacte de stabilité : instrument clé de la prévention des crises

C’est la principale priorité de ce Conseil : adopter des mesures pour éviter une seconde crise grecque. Dans cette optique, de nombreux mécanismes ont été imaginés ces derniers mois, qui devraient être entérinés par les Etats : assistance aux Etats en difficulté via le fonds européen de stabilité financière, sanctions dissuasives, mais c’est surtout le volet préventif que l’Union souhaite consolider.

La surveillance passera d’abord par le Pacte de stabilité. Adopté en 1997 en prévision du passage à l’euro, il prévoyait des limites d’un déficit de 3% et une dette publique de 60% du PIB pour chaque Etat membre. Il ne devrait pas être durci au Conseil, mais c’est son application qui devrait être renforcée. Car c’est là que le bas blesse : si la Commission a toujours veillé au grain, il n’est pas rare que, par solidarité intergouvernementale, les Etats aient choisi de fermer les yeux sur les dérives de leurs pairs. Avec la crise, la situation a changé, et ils comptent bien abandonner cette complaisance réciproque. Le pacte devrait également être plus englobant : il devrait comprendre un système d’alerte, qui permettrait à la Commission de discuter en amont avec un Etat en passe d’atteindre les 3% de déficit. Point crucial, ce serait également la dette publique qui pourrait déclencher une procédure contraignante, outre le déficit. Enfin, la Commission souhaiterait apporter au pacte un élément de souplesse en intégrant la capacité de rattrapage des Etats à ses critères. Le Royaume-Uni, par exemple, a le même déficit que la Grèce ; mais la plus grande solidité de son économie rassure sur sa capacité à y faire face.

Parallèlement, le Conseil devrait renforcer les pouvoirs d’Eurostat, l’agence européenne des statistiques, qui contrôle la qualité et la fiabilité des données fournies par les Etats sur leurs comptes.

Dernier volet du dispositif de surveillance, le “semestre budgétaire” , nom technique de la surveillance par la Commission des budgets nationaux, devrait lui aussi être entériné par les Etats membres, alors qu’il y a un mois l’initiative était très largement contestée. Précisons que le mécanisme prévoit aussi l’approbation du budget de chaque Etat par ses pairs, dans ce qu’Olivier Bailly, porte-parole de la Commission, appelle la “gouvernance multilatérale” .

Sanctionner les mauvais élèves : un enjeu délicat

En revanche, il y a peu de chances que la question des sanctions à l’égard des mauvais élèves figure dans les conclusions du Conseil. La question devrait être tout de même être débattue par les Etats membres. Parmi les types de sanctions envisagées, la suspension de l’aide européenne, apportée par les différents fonds - fonds agricole, fonds régionaux, fonds social européen et fonds de cohésion. Seul ce dernier peut être suspendu actuellement. Mais étant donné que tous les Etats ne le touchent pas, et que, quoi qu’il en soit, tous ne le touchent pas à égalité, cette solution manque d’attrait.

Une suspension du vote au Conseil n’est actuellement possible que lorsqu’un Etat membre bafoue les droits de l’Homme (article 7 du TUE). Cette menace avait été brandie à l’encontre de l’Autriche en 2000.


L’autre sanction possible, encouragée par France et Allemagne, est la suppression des droits de vote au Conseil de l’Union pour les Etats enfreignant trop fortement les règles du Pacte de stabilité. Cette proposition allemande, désormais soutenue par la France, n’est pas non plus prévue par les Traités, et serait donc très compliquée à mettre en place.

Une coordination politique des orientations économiques

Une autre discussion politique devrait avoir lieu au Conseil, sur les attitudes des Etats qui se sont engagés sur la voie de l’austérité. De plus en plus nombreux sont les sceptiques, que ce soit au sein de la Commission européenne ou parmi les analystes extérieurs, qui considèrent la multiplication de ces plans en Europe comme potentiellement dangereuse. Un choix nécessaire pour certains Etats, mais attention à l’excès de zèle, préviennent-ils. Le tournant vers l’austérité doit être dosé correctement, et surtout ne doit pas compromettre la relance en se privant des investissements productifs.

Ainsi, au-delà de la sacralisation du chiffre de 3%, la Commission souhaite lancer le débat sur la qualité des coupes budgétaires, et maintient que les budgets se doivent de réserver la part belle aux dépenses en matière de recherche, d’éducation (deux domaines qui, par exemple, ont échappé au très sévère plan d’économies allemand) ou encore de lutte contre la pauvreté. Autant de priorités identifiées comme les moteurs de la croissance par la stratégie Europe 2020 que les Etats doivent également adopter en Conseil. Le “droit de regard” de la Commission sur les budgets nationaux devrait spécialement prendre cela en compte.

Des stratégies contraires sur le G20 et le climat

Le Conseil doit aussi permettre de préparer une position européenne en prévision du G20 qui aura lieu à Toronto les 26 et 27 juin. L’un des sujets à l’agenda, et tient à cœur à l’Europe, sera la taxe bancaire. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont d’ores et déjà envoyé une lettre au Canada, organisateur du sommet mais aussi l’un des principaux réfractaires sur la question, pour l’encourager à revoir sa position. Les banques, soutiennent-ils, ont été aidées par les contribuables, et recommencent maintenant à reconstituer des marges, sans pourtant les répercuter sur les taux d’intérêt. Les Etats devraient donc les exhorter à alimenter à un fond qui serait destiné à prévenir les prochaines crises. Au Conseil, l’Europe devrait réaffirmer sa volonté de s’engager sur cette voie quoi qu’il arrive, dans l’espoir d’inciter ses partenaires du G20 à faire de même.

Une stratégie qui ne sera vraisemblablement pas transposée à la question climatique. Après la Communication présentée par la Commission qui envisageait un passage à un engagement unilatéral de 30% de réduction des gaz à effet de serre, les Etats membres doivent discuter de leur position sur la question. A priori, ils devraient maintenir le chiffre de 20%, sur ce qu’impliquerait un durcissement des engagements pour chaque Etat. En effet, un rapport publié par le Centre d’analyse stratégique français explique par exemple qu’il serait difficile d’en faire plus dans notre pays à l’économie déjà largement “décarbonnée” , notamment par le biais de l’énergie nucléaire.

Outre ces sujets, le Conseil devrait discuter de l’entrée de l’Islande dans l’Union, de la situation en Iran, et des objectifs du millénaire pour le développement.


En savoir plus :

Le Conseil européen - Touteleurope.fr

Note d’information sur le Conseil européen du 17 juin 2010 - Consilium

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