La “feuille de route”
Le document de travail qui constitue la base des négociations pour ce sommet a été transmis aux 27 lundi soir. Signé par les présidents de la Commission José Manuel Barroso, du Conseil européen Herman van Rompuy, de la Banque centrale européenne Mario Draghi et de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, il détaille sur sept pages les prochaines étapes possibles de l’intégration européenne.
Selon ce rapport “des quatre” , la zone euro doit avancer dans les prochaines années vers une union bancaire, une union budgétaire et une politique économique commune.
L’union bancaire
L’union bancaire pourrait être la prochaine étape de cette “véritable union économique et monétaire” souhaitée par les quatre, et voir le jour dès 2013. Celle-ci aurait pour objectif principal de faire contribuer les institutions financières et non plus les Etats, donc les contribuables, à la prévention et la résolution des faillites bancaires.
Elle reposerait notamment sur un superviseur unique investi de pouvoirs de contrôle et d’intervention auprès des banques privées et publiques installées dans l’Union européenne. Cette institution pourrait être la Banque centrale européenne (BCE) pour la zone euro, l’Autorité bancaire européenne (basée à Londres) pour les autres pays de l’Union. Reste à savoir si cette union regrouperait les 17 membres de la zone euro ou les 27 de l’UE.
Les deux autres volets de cette “fédération” bancaire seraient la création d’un programme commun de garanties des dépôts pour les épargnants et d’un fonds de résolution des défaillances bancaires. Pour limiter le recours aux contribuables, ce fonds spécial pourrait être financé par des taxes sur les établissements financiers eux-mêmes.
Union budgétaire vs Eurobonds
Pour tenter de satisfaire l’Allemagne comme la France, la feuille de route évoque à la fois les questions de rigueur budgétaire et les instruments envisageables pour mutualiser la dette à l’échelle européenne.
Concernant les premières, les pays de la zone euro sont invités à fixer des objectifs de déficit annuel. Si un pays ne parvient pas à respecter ses engagements en la matière, il devrait être contraint par les autres à modifier des lignes budgétaires. Cette orientation a déjà été prise par plusieurs pays européens, via la signature du “pacte budgétaire” notamment, mais le document appelle à aller plus loin en augmentant le contrôle des budgets nationaux par Bruxelles. Une telle “union budgétaire” entraînerait la création d’un organisme de contrôle pour gérer les interdépendances des économies de la zone euro, comme un Bureau du Trésor.
L’Allemagne souhaiterait également que le niveau approprié du solde budgétaire et de la dette des Etats membres puisse être décidé en commun, ainsi que l’instauration de plafonds nationaux d’émission de dette et la création d’un poste de ministre européen du Budget, avec un vrai pouvoir de contrôle sur les budgets nationaux.
Du côté de la solidarité financière, certaines mesures de croissance soutenues par Paris font l’objet de consensus, comme la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et la mise en place de projects bonds en 2013. Lors d’une rencontre vendredi à Rome, les dirigeants français, allemand, italien et espagnol, s’étaient entendus sur la mobilisation de 120 milliards d’euros en faveur de la croissance. Concernant la mobilisation des fonds structurels en faveur des pays en difficulté, les pays “donateurs” exigent un renforcement des mesures de contrôle pour être certains que l’aide est utilisée à bon escient.
Quant aux fameux “Eurobonds” , ils pourraient être purement et simplement évacués des négociations lors de ce sommet, tout comme les autres instruments de la dette évoqués dans le rapport des quatre. Pour cause, la chancelière allemande a donné le ton mardi soir devant le Bundestag, affirmant (surtout pour satisfaire des députés réticents à la ratification du MES) que ce partage des responsabilités de la dette n’existerait pas “aussi longtemps [qu’elle vivrait]” . Selon une source officielle, les discussions sur des mécanismes intermédiaires moins risqués, tels les “eurobills” , pourraient cependant reprendre rapidement.
Quelle légitimité démocratique ?
Conscients que cette orientation vers plus d’intégration européenne pourrait ne pas être acceptée par des populations attachées à leur souveraineté nationale, les quatre soutiennent également que la responsabilité budgétaire doit recueillir l’approbation des citoyens (un tel renforcement budgétaire ne pouvant avoir lieu sans une modification des traités) et s’accompagner de la mise en place d’institutions plus légitimes.
Les modalités d’un renforcement du contrôle démocratique sur les décisions européennes doivent encore être débattues. Elle pourrait passer par une plus grande implication des parlements nationaux et du Parlement européen. La CDU allemande a quant à elle déjà fait savoir qu’elle était favorable à l’élection du président de la Commission européenne au suffrage universel direct.
Les pays en difficulté : Grèce, Espagne, Chypre
Enfin les 27 discuteront, lors d’un déjeuner vendredi, des pays ayant demandé l’aide financière européenne pour faire face à la difficulté de rembourser leurs dettes, en particulier l’Espagne, la Grèce et Chypre.
Malgré la demande espagnole pour renflouer ses banques, l’agence de notation Moody’s a abaissé la note de 28 établissements financiers du pays. Les détails du plan d’aide, en particulier son montant qui reste flou, ne devraient pas être connus avant la prochaine réunion de l’Eurogroupe le 9 juillet. Quant à Chypre, l’île a transmis lundi soir sa demande pour une recapitalisation de ses banques en difficulté, à hauteur d’environ 3 milliards d’euros.
Plusieurs Etats prêts pour la taxe sur les transactions financières
Devant l’impossibilité de mettre en œuvre la taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne, seuls quelques Etats pourraient décider de l’instaurer ensemble via la procédure de la “coopération renforcée” . Celle-ci autorise en effet les Etats qui le souhaitent à coopérer ensemble sur un domaine de compétence de l’Union, à condition qu’au moins un tiers d’entre eux (aujourd’hui 9) y participent, que la coopération reste ouverte aux autres membres et que le Conseil de l’UE ait donné son accord à la majorité qualifiée pour lancer cette procédure.
Six pays affichent aujourd’hui leur volonté d’introduire une telle taxe : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, le Portugal et la Slovénie, mais ils seraient en tout 11 selon le commissaire européen à la Fiscalité, Algirdas Šemeta.
Le Conseil européen pourrait donner son accord préalable au lancement de la procédure de coopération renforcée. Les modalités de la taxe (fonctionnement, taux, assiette, allocation des revenus), elles, devront ensuite faire l’objet de négociations entre Etats participants.
En savoir plus
Projet d’ordre du jour annoté du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 [pdf] - Conseil européen