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Christa Schweng : “Il est temps de faire remonter des propositions du terrain et de les transposer au niveau européen”

Reconnecter le citoyen avec le projet européen, c’est l’une des ambitions de Christa Schweng, présidente du Comité économique et social européen, que l’on parle de transition verte et numérique, de formation, de relance économique et sociale, des valeurs de l’UE… Elle rappelle le rôle clé de facilitateur que peut tenir le CESE, qui représente la société civile organisée dans les 27 États membres.

“Investir dans la formation est capital. Chaque citoyen doit obtenir les compétences nécessaires pour suivre les évolutions du marché du travail”, affirme l’Autrichienne Christa Schweng, présidente du CESE. Crédits : Danny Gys/CESE.

Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, a tenu son discours sur l’État de l’Union, mercredi 15 septembre, dans l’hémicycle à Strasbourg. Qu’avez-vous retenu de ses propos et des orientations de travail ?

J’ai trouvé ce discours assez fort, car Ursula von der Leyen a eu l’occasion de présenter les succès de l’UE dont on ne parle jamais : la campagne vaccinale et la distribution des vaccins qui ont permis que 70% des adultes soient aujourd’hui vaccinés. C’est une grande réussite ! Pour autant, la pandémie a aussi montré les faiblesses de l’UE, notamment au début de la crise avec une coordination difficile entre États membres. C’est pourquoi la réflexion qui va s’engager sur la politique de santé est importante, ainsi que la relance qui passera par le numérique et une Union plus verte, comme nous le demandons. J’ai aussi apprécié le discours sur les valeurs, la préservation des droits fondamentaux et la défense de l’État de droit, un point crucial.

L’UE doit-elle se doter de nouvelles compétences dans le domaine de la santé ?

Il faut en discuter, mais pour moi ce n’est pas encore clair : faut-il un changement des Traités ? Je pense que l’on peut atteindre les objectifs avec une Union plus forte par une coordination renforcée. Ce sont aux États membres d’en discuter.

Vous évoquiez le Plan de relance, comment engager la reprise et la reconstruction au sein de l’UE, tout en préservant les intérêts de chacun ? 

A travers le Plan de relance, nous voyons que l’UE a tiré les leçons de la crise. Nous n’avons jamais autant investi dans des secteurs ciblés, comme nous le faisons maintenant, notamment dans la transition verte et le numérique. L’UE investit dans des domaines concrets et c’est le bon moment pour le faire.

Concernant le Pacte vert, l’année 2022 devrait être largement occupée par le travail législatif d’inscription dans le droit européen des objectifs de développement durable (ODD). Comment le CESE compte-t-il accompagner ce travail ? 

La transition verte sera une réussite, si toute la société est engagée. Le CESE représente la société civile organisée et a un rôle clé de facilitateur : pour nous il est très important de mobiliser et d’impliquer toutes les organisations de la société civile à l’accomplissement des ODD, comme d’ailleurs requis par l’ODD n°17. Sans cet engagement il n’y aura pas de vraie transition, car dans ce projet nous ne pouvons laisser personne de côté : les deux objectifs vont ensemble.

Lors du Sommet Social de Porto, les États membres se sont engagés sur l’application du Socle européen des droits sociaux. Comment garantir que le social sera au cœur de la relance et quel axe de travail privilégier ?

Un des points cruciaux est d’investir dans la formation : chaque citoyen doit obtenir les compétences nécessaires pour suivre les évolutions du marché du travail. Les plus fragiles, les plus vulnérables doivent avoir la possibilité de se doter des bonnes compétences dans un monde qui évolue. L’investissement dans la formation est pour moi l’une des mesures essentielles issues du Somment de Porto.

Comment le CESE va-t-il prendre en compte ce sujet social dans son travail ? 

Nous avons déjà beaucoup contribué au débat à travers de nombreuses propositions sur les compétences nécessaires à acquérir - les compétences générales et informelles essentielles pour s’adapter au marché du travail, ainsi que sur l’adaptation de l’éducation et de la formation. Ce sont des priorités que nous partageons avec nos membres et organisations dans les États membres.

Ursula von der Leyen a aussi proposé un plan prioritaire d’accompagnement des jeunes (ALMA*), qui ont particulièrement souffert pendant la crise sanitaire ?

Ce programme doit aider les jeunes, qui sont en marge des circuits classiques, à acquérir de nouvelles compétences et une expérience professionnelle très utile pour trouver un emploi. ALMA leur permettra aussi d’envisager l’Europe comme leur espace de vie, de la découvrir, de la comprendre. S’ils ne savent pas ce qu’est l’Europe et ce que fait l’Europe, comment peuvent-ils contribuer à son futur ? Comment peuvent-ils s’engager ? Et je ne vois pas seulement un intérêt à accompagner les jeunes sortis du marché de l’emploi, je pense aussi à la responsabilité et aux compétences des professeurs qui les encadrent, il faut aussi penser à eux.

*ALMA est un nouveau programme qui proposera aux jeunes sans emploi ou sans formation la possibilité d’une expérience professionnelle temporaire dans un autre État membre que leur pays d’origine.)

Le CESE est très engagé dans le déroulement de la Conférence sur le futur de l’Europe, quels résultats attendez-vous ?

Pour nous c’est une occasion de reconnecter le citoyen avec le projet européen. Mais la réussite de la Conférence passera par des résultats concrets que les citoyens pourront juger et apprécier. Je pense que la mise en place d’un tableau de bord permettrait aux citoyens de voir si leurs demandes ont été suivies par des actions et d’obtenir des explications si ce n’est pas le cas. Cette transparence est une responsabilité des institutions de l’UE envers les citoyens. A mon avis, elle est essentielle pour que la démarche soit crédible.

Vous pensez donc que l’Union européenne doit d’avantage se préoccuper de l’avis des citoyens et être plus transparente ? 

Soyons réalistes, nous sommes une famille de 27 ! Le résultat des discussions à 27 n’est pas toujours facile à expliquer et engendre une certaine opacité, laisse penser qu’il se passe “des choses derrière les portes fermées”. L’UE n’est pas noir ou blanc, elle est faite de beaucoup de nuances, mais transporter ces nuances aux citoyens cela prend du temps. Je crois que la Conférence sur l’Avenir de l’Europe c’est une chance d’expliquer cette complexité, que le citoyen peut comprendre, à condition de répondre à ses problèmes concrets. Il est temps de faire remonter des propositions du terrain et de les transposer au niveau européen.

En ouverture de cette Conférence, David Sassoli, a dit “on ne s’interdit rien, pas même de faire évoluer les Traités”. Êtes-vous sur cette ligne ? 

Je pense que la question principale pour les citoyens est : est-ce que les problèmes que nous avons actuellement peuvent être résolus. Le niveau auquel cela se passe est secondaire, donc toutes les questions d’organisation des institutions sont aujourd’hui secondaires. La question principale est :  Où en nous sommes-nous ? Où allons-nous ? Est-ce que je mange à ma faim, est-ce que j’ai un travail ? Est-ce que je me sens apprécié dans la société ?

Le Plan de relance de 750 milliards d’euros, doit être remboursé grâce à la création de nouvelles ressources propres. Mais les discussions traînent sur la définition de ces nouvelles ressources. Êtes-vous inquiète ?

Vous savez, une discussion rapide entre 27 États membres, ce n’est pas possible ! Surtout quand on parle d’argent ! Je m’attends à de délicates tractations. Pour l’instant nous sommes en train de suivre la mise en œuvre des plans nationaux de relance et résilience et de voir si les objectifs seront atteints : réaliser la relance en assurant la transition verte avec une cohésion économique et sociale. Le CESE préconise l’introduction rapide de nouvelles ressources propres, qui permettront d’instaurer un système de remboursement équitable ou de soutenir certaines politiques importantes, comme la lutte contre le changement climatique. La gestion de ces nouvelles ressources devra être transparente, éviter toute fraude et faire l’objet d’un contrôle démocratique.

Lutter contre la fraude et aussi garantir l’attribution des fonds européens au respect de l’Etat de droit…

… Nous l’avons expressément demandé, nous étions donc très heureux de le voir dans les règles adoptées.

Bientôt la France va prendre la Présidence du Conseil de l’UE. Comment s’organisera le travail avec la délégation française ?

Nous aurons une coopération très étroite avec la Présidence et nous entretenons des relations régulières avec la France et le Conseil économique et environnemental français. Notre CESE est prêt à travailler sur des avis exploratoires à la demande de la Présidence française. Nous avons certainement des points d’intérêt commun, comme l’autonomie stratégique de l’UE ou la régulation du travail sur les plateformes.

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