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Auditions des commissaires : Pierre Moscovici sous le parapluie d’un pacte de non-agression ?

Le 2 octobre, Pierre Moscovici se présentera devant le Parlement européen pour défendre sa candidature au poste de commissaire aux Affaires économiques et monétaires, à la Fiscalité et à l’Union douanière. Son audition fait partie de celles les plus risquées en vue de la validation du collège choisi par Jean-Claude Juncker. En cause, son bilan en tant que ministre de l’Economie et des Finances (2012-2014). Si les eurodéputés ne lui feront pas de cadeau, il pourrait bénéficier d’une alliance tacite de non-agression entre les deux grands partis.

Pierre Moscovici

Après Sciences Po et l’ENA, le Grand O. du Parlement

Jeudi prochain, au moment d’entrer dans la salle du Parlement européen au sein de laquelle il sera auditionné par les eurodéputés, il est probable qu’une bouffée de nostalgie s’empare de Pierre Moscovici. Choisi par François Hollande pour devenir le prochain commissaire européen français. Choisi par Jean-Claude Juncker pour le portefeuille économique qu’il souhaitait. Il reste encore une étape non négligeable à passer pour Pierre Moscovici avant d’entamer cette nouvelle séquence, prestigieuse : un grand oral.

Passé par Sciences Po puis l’ENA, ce genre d’examen, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances connait. En attestent ses diplômes, il y a toujours survécu. Celui qui s’impose à lui le 2 octobre est d’un genre singulier. Et il parait que le jury est dur en affaires. Il s’agit de la commission ECON (comprendre Affaires économiques) du Parlement européen. Que cette dernière soit présidée par le social-démocrate italien Roberto Gualtieri sera évidemment un avantage. Qu’il puisse compter sur le soutien de Pervenche Berès, eurodéputée chevronnée et extrêmement respectée, également membre de cette commission, en sera un autre. Pour le reste, Pierre Moscovici devra se montrer convaincant.

Pierre Moscovici n’a pas réduit le déficit budgétaire français

De fait, il ne pourra pas réellement s’appuyer sur son passage à Bercy pour consolider sa candidature. Le retour des socialistes français au pouvoir n’est pour le moment pas un franc succès et la situation économique du pays se trouve plutôt plus dégradée en 2014 qu’en 2012. Plus précisément, dans ses fonctions, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances de Jean-Marc Ayrault a échoué à réduire le déficit budgétaire de la France. Un bilan assez pauvre plaidant automatiquement en la défaveur de M. Moscovici. A cet égard, la droite française et européenne, et en particulier le gouvernement allemand, se montrent particulièrement circonspects à son endroit. Selon eux, il est dangereux de lui confier la charge de faire respecter le Pacte de stabilité et de croissance alors qu’il l’a lui-même enfreint pendant deux ans.

Musclé, son grand oral le sera donc certainement. En prévision de ce combat, décrit par son prédécesseur, Michel Barnier, comme l’un des épisodes les plus éprouvants de sa vie politique, Pierre Moscovici a multiplié les rencontres préalables avec les parlementaires européens. En filigrane, il leur a assuré sa volonté de faire respecter la discipline budgétaire, y compris face à son propre pays. Sage stratégie. Surtout compte tenu de son récent passif vis-à-vis du Parlement européen : il a annulé quatre rendez-vous avec les eurodéputés lorsqu’il était ministre. Un manque d’humilité qui avait fait grincer.

Toutefois, un véto du Parlement européen à l’encontre de Pierre Moscovici demeure peu probable. Sa profession de foi, couplée à son parcours européen devraient lui assurer l’admission. Elu eurodéputé à deux reprises, de 1994 à 1997, puis de 2004 à 2007, M. Moscovici a également été secrétaire d’Etat aux Affaires européennes lors de l’intégralité du gouvernement de Lionel Jospin, de 1997 à 2002. Une longévité record à ce poste souvent utilisé comme variable d’ajustement lors des remaniements. En outre, l’europhilie de Pierre Moscovici, partisan de l’Union bancaire et de nombreux autres projets relatifs à l’approfondissement de la construction européenne, ne saurait être mise en doute.

Equilibre de la terreur

En réalité, le probable futur commissaire européen aux Affaires économiques ne sera en danger que si les auditions tournent au vinaigre pour un ou plusieurs commissaires-candidats du Parti populaire européen. Un équilibre (de la terreur) s’est en effet imposé au sein du Parlement européen pour ces grands oraux. Trois personnalités, toutes de droite, proposées par leurs gouvernements respectifs posent problème. Il s’agit du Hongrois Tibor Navracsics, proposé à la Citoyenneté alors qu’il est proche de l’autoritaire Viktor Orban et exécutant de réformes limitant le poids du pouvoir judiciaire ; de l’Espagnol Miguel Arias Cañete, nommé à l’Energie et au Climat en dépit de ses intérêts dans l’industrie pétrolière, et du Britannique Jonathan Hill, considéré comme acquis à la cause de la City de Londres et nommé à la Stabilité financière. Si le Parlement européen, à l’initiative des socialistes et démocrates, venait à rejeter l’un de ses trois hommes, le PPE serait dès lors fortement tenté de se répliquer. Une vengeance qui pourrait s’abattre sur Pierre Moscovici.

Ce scénario relève pour l’heure de la politique-fiction. M. Navracsics est présenté comme un moindre mal face aux autres personnalités susceptibles d’être nommées par Viktor Orban. M. Cañete pourrait simplement être poussé vers un autre portefeuille où il n’y aurait pas de conflit d’intérêts. Et M. Hill semble protégé par sa nationalité : dire une nouvelle fois non à David Cameron après l’épisode de la nomination de Jean-Claude Juncker parait difficile. De plus, pour le Belge Philippe Lamberts, eurodéputé écologiste, l’idée d’un “pacte de non-agression” est tout à fait plausible. Une idée confirmée par le député européen UMP Alain Lamassoure : “si nous sommes trahis par les socialistes, nous aurons la peau d’un des leurs, et ce sera Pierre Moscovici” .

De quoi sérieusement neutraliser, pour ne pas dire aseptiser, le processus démocratique. Et de quoi tranquilliser Pierre Moscovici et les autres commissaires, apparemment protégés par un accord qui n’est pas sans rappeler des pratiques d’un autre temps.

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