Cet article fait partie de notre série “Les présidents français et l’Europe”, retraçant le rôle des locataires de l’Elysée dans la construction européenne.
La normalisation des relations européennes
Georges Pompidou, la fin de l’ombre du général de Gaulle
“Achèvement, approfondissement, élargissement”. Par ces trois mots, Georges Pompidou s’emploie à mobiliser l’Europe lors du sommet de La Haye de 1969. Tout juste arrivé à l’Elysée, le nouveau président étonne par son orientation très pro-européenne, rompant quelque peu avec la position du Général de Gaulle. Georges Pompidou se revendique pour autant comme héritier spirituel de ce dernier. Il reprend son rejet de toute logique supranationale mais souhaite mettre l’Europe au cœur de la politique extérieure française. Ainsi, la présidence Pompidou est marquée par une valorisation de la coopération avec les partenaires européens : levée du veto français sur l’adhésion du Royaume-Uni dès 1969, renforcement des mécanismes d’intégration monétaire et économique, embryon d’une coopération en matière de politique extérieure avec la création en 1970 de la coopération politique européenne (CPE), entre les ministres des Affaires étrangères.
De six Etats membres en 1957, la Communauté économique européenne passe à neuf membres en 1973. Outre le Royaume-Uni, dont l’intégration a été acceptée par Georges Pompidou, successeur du général de Gaulle, le Danemark et l’Irlande adhèrent également à la CEE.
L’Europe économique
Le couple Giscard-Schmidt à la manœuvre
En 1974, c’est un Européen convaincu qui arrive à l’Elysée. Valéry Giscard d’Estaing, ancien membre du Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe, proche de Jean Monnet, revendique son attachement au projet européen dès la campagne présidentielle et met avant une relance des institutions communautaires comme argument électoral. Le nouveau président possède certains atouts pour peser sur la scène européenne : il parle des langues étrangères (dont l’anglais et l’allemand) et connaît bien le chancelier allemand Helmut Schmidt, élu 10 jours avant lui. C’est justement la dynamique du couple franco-allemand qui permettra d’importantes avancées durant son mandat. En particulier, en 1974, le sommet de Paris acte la naissance du Conseil européen et l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.
Cette dernière décision est assez mal accueillie en France. Ancien Premier ministre, Jacques Chirac lance “l’appel de Cochin” en septembre 1978 et dénonce “l’abaissement de la France”. Jusqu’en 1981, Valéry Giscard d’Estaing contribue également à une consolidation des structures économiques de la Communauté européenne par la formation du Système monétaire européen (SME), établissant une réelle solidarité monétaire.
Vers une Europe des technocrates ?
Les années 1970 correspondent à une période de ralentissement dans la construction européenne. L’Europe politique n’est pas encore une réalité et l’approfondissement de l’intégration ne concerne que la sphère économique.
Les prémices de l’intégration monétaire
Le serpent monétaire européen est créé en 1972 avec pour objectif de stabiliser le cours des changes des monnaies européennes. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les taux de change sont définis par rapport à une monnaie de référence : le dollar américain. Avec le serpent monétaire, les banques centrales s’engagent à défendre une parité des monnaies européennes comprises dans un couloir de +/- 2,25 % par rapport à un taux de change officiel.
Le Système monétaire européen (SME) débute en 1979 et acte la création de l’ECU, une unité de compte commune déterminée à partir d’un panier des monnaies européennes. Par négociations tous les cinq ans, chaque monnaie se voit attribuer une valeur en ECU. Les taux de change entre monnaies sont ensuite déterminés en fonction de leur valeur en ECU. Ce système de change est dit bilatéral : chaque monnaie européenne est exprimée dans toutes les autres. Cela crée une solidarité entre les pays européens et leurs banques centrales, ces dernières devant défendre une parité commune. Pour respecter les marges de fluctuation, des mécanismes de soutien sont également prévus (facilitation du crédit, aide à court et moyen termes).
La difficile naissance de l’Europe politique
Le problème Thatcher
A partir de 1979, avec l’arrivée au pouvoir au Royaume-Uni de Margaret Thatcher, les relations entre Londres et les Européens se dégradent. Rejetant l’idée d’une intégration politique européenne, ne désirant approfondir que la coopération économique par la création d’un marché unique et, peut-être surtout, plaidant fortement pour une réduction de la contribution britannique au budget communautaire, la “Dame de fer” se sera opposée, à de nombreuses reprises, à ses homologues, dont le président français François Mitterrand.
Les élargissements de 1981 à 1986
1973, 1981 puis 1986 : la Communauté européenne connaît ses premiers élargissements. Si l’intégration du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Irlande a surtout des motivations économiques, l’élargissement devient dès 1981 un instrument politique. L’adhésion de la Grèce est en effet rendue possible par la fin de la dictature militaire, dite “des colonels”. Elle représente un moyen de consolidation de la démocratie pour un Etat en pleine transition politique et dont le Premier ministre Konstantínos Karamanlís est particulièrement soutenu par le président français Giscard d’Estaing. Les mêmes dynamiques se retrouvent pour les élargissements à l’Espagne et au Portugal (1986), les deux pays sortant de périodes autoritaires particulièrement longues (Franco et Salazar).
La montée en puissance des institutions européennes
En dépit d’une faible volonté, de la part des gouvernements des Etats membres de la Communauté économique européenne, de voir les institutions européennes gagner en importance, ces dernières conquièrent peu à peu des compétences. C’est particulièrement le cas du Parlement européen, dont les membres, à partir de 1979, sont désormais élus au suffrage universel direct.