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Le 9 novembre 1989, qui était au pouvoir en Europe ?

Dans la soirée du 9 novembre 1989, le “Mur de la honte” est tombé. La fin de cette frontière physique qui, depuis 1961, séparait Berlin, l’Allemagne et l’Europe entre ouest libéral et est socialiste, marque un bouleversement géopolitique majeur en Europe. Elle force les différents chefs d’Etat et de gouvernement du vieux continent à réagir en conséquence. Mais qui étaient-ils ?

Crédits : Yuryi Abramochkin | Engelbert Reineke | Rainer Mittelstädt / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0
Crédits : Yuryi Abramochkin | Engelbert Reineke | Rainer Mittelstädt / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Mikhaïl Gorbatchev

Crédits : Yuryi Abramochkin / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Dirigeant de l’URSS dès 1985, Mikhaïl Gorbatchev, surnommé Gorby, s’est imposé comme un réformateur, par opposition à ses prédécesseurs. Il mène une politique de décentralisation et d’ouverture économique, la perestroïka, et amorce progressivement une libéralisation culturelle et politique (glasnost). En 1989, il abandonne la doctrine Brejnev en refusant de soutenir militairement les Etats satellites de l’URSS en Europe de l’Est. Ce désengagement ouvre la voie au démantèlement du bloc de l’Est, et, à terme, à la fin de la guerre froide.

Toutefois, sa politique réformatrice et les bouleversements qu’elle a impliqué lui échappent. Sous la pression du nouveau président russe, Boris Eltsine, Mikhaïl Gorbatchev démissionne et déclare le démantèlement de l’Union soviétique, le 26 décembre 1991.

Egon Krenz

Crédits : Rainer Mittelstädt / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Cet éphémère chef d’Etat de la RDA a construit sa carrière politique à la tête du mouvement de la jeunesse communiste est-allemande. Dans les pas de son prédécesseur Erich Honecker, dont il est le bras droit dès 1984, il intègre le gouvernement au portefeuille de la sécurité. Après la démission de ce dernier en octobre 1989, il est nommé au poste de secrétaire général du Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED).

Au pouvoir, il tente de s’affirmer en réformateur, en décrétant la réouverture de la frontière avec la Tchécoslovaquie (créant un exode massif). Il maintient cependant une emprise ferme sur le pouvoir, ordonne des répressions politiques et refuse d’autoriser la création de syndicats indépendants sur le modèle du Solidarność polonais. Impopulaire et faisant face à une crise économique qu’il ne saura résoudre, il assiste, impuissant, à la chute du Mur le 9 novembre 1989.

Avant Egon Krenz…

… c’est Erich Honecker qui dirige la RDA de 1976 à 1989. Ses années au pouvoir sont marquées par une détente des relations avec la RFA, mais aussi par une forte répression politique. Il est poussé à la démission en octobre 1989, refusant de suivre la ligne réformiste tenue par M. Gorbatchev en URSS, et engrangée en Hongrie et en Pologne.

Miklós Németh

Crédits : Urbán Tamás / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Economiste et Premier ministre hongrois dès 1988, Miklós Németh marque son pays par une politique d’ouverture s’éloignant des autres démocraties populaires de l’Est de l’Europe. Il est nommé à ce poste dans un contexte de crise économique et d’affaiblissement de l’aile conservatrice du Parti socialiste hongrois.

En 1989, sa décision d’ouvrir la frontière entre son pays et l’Autriche, pays neutre, n’engendre pas de réaction soviétique. Feu vert tacite à la mobilité des citoyens d’Europe de l’Est, cette ouverture crée un appel d’air pour les Allemands de l’Est, qui rejoignent massivement la RFA en passant par ces deux pays. Miklós Németh fait partie des premiers dirigeants est-européens à organiser des élections libres et rétablir certaines libertés constitutionnelles, ce qui est vu comme la première étape du désagrègement du bloc de l’Est, avant même la chute du Mur. Le 23 octobre 1989, il fait amender la Constitution et proclame la Troisième République de Hongrie.

Nicolae Ceaușescu

Crédits : Jack Kightlinger / Wikimedia Commons

A la tête de la Roumanie depuis 1965, Nicolae Ceaușescu durcit dès les années 1970 le régime en instaurant un culte de la personnalité et un roman national, accompagnés d’une forte répression par la Securitate, la police politique. Il est l’un des derniers tenants de l’othodoxie soviétique dans les années 1980, et refuse le tournant libéral opéré avec la perestroïka. L’endettement du pays et les pénuries alimentaires entrainent plusieurs défections parmi les cadres du régime, qui dénoncent depuis l’étranger la politique du dictateur. Ces critiques affaiblissent l’autorité de Ceaușescu, qui réagit en intensifiant la répression.

La chute du Mur, comme les différentes transitions vers la démocratie dans le reste des pays de l’Est, portent un coup fatal au dictateur en provoquant le soulèvement de la population et la Révolution roumaine en décembre 1989.

Todor Jivkov

Crédits : Romanian National Archives

Premier secrétaire du parti communiste bulgare dès 1954, puis président de la Bulgarie à partir de 1962, Todor Jivkov dirige la Bulgarie d’une main de fer pendant plus de 35 ans. Il applique à la lettre les politiques de l’URSS dans le domaine économique (il met en place une version bulgare de la perestroïka à la fin des années 1980) et diplomatique (soutien à l’invasion de l’URSS en Afghanistan). Sur le plan politique, il maintient toutefois une répression forte des dissidents. A partir de 1984, il entame une politique d’assimilation forcée des minorités ethniques turques et musulmanes en général, et continue jusqu’en 1989 de faire interdire et réprimer les groupes contestataires.

Le 10 novembre 1989, au lendemain de la chute du Mur, il est poussé à la démission par les cadres réformateurs de son parti, qui le menacent d’exécution.

Wojciech Witold Jaruzelski

Crédits : Wikimedia Commons

Premier ministre de la République populaire de Pologne dès 1981, puis chef d’Etat de la Pologne en 1985, Wojciech Jaruzelski a mené une carrière de militaire. Il gravit les échelons de l’Etat en occupant notamment les postes de chef d’Etat-major et de ministre de la Défense.

Le général arrive à la tête du gouvernement en 1981, après la création du syndicat indépendant Solidarnosć par Lech Walesa, qui deviendra la principale force d’opposition au régime socialiste. Il tente dans un premier temps de contenir les contestations en décrétant l’Etat de siège. Devant l’échec de ses réformes, la popularité croissante du syndicat et l’absence de soutien de l’URSS, il accepte en 1989 une réforme politique donnant notamment lieu à la tenue d’élections et à la création d’un parlement, où le syndicat Solidarnosć l’emporte face au parti communiste. Wojciech Jaruzelski nomme alors son opposant Tadeusz Mazowiecki à la tête du gouvernement, et est remplacé par Lech Wałęsa à la tête du pays en 1990.

Lech Wałęsa, figure du réformisme en Pologne

Lech Wałęsa est un électricien polonais, devenu la figure emblématique de la contestation du régime communiste. Sa carrière politique débute avec la création du syndicat Solidarność, premier syndicat autonome au sein du régime soviétique, qu’il fonde à la suite des grèves de 1980. Emprisonné puis libéré en 1982, il reçoit le prix Nobel de la paix en 1983 et devient l’un des interlocuteurs principaux du gouvernement polonais.

Gustáv Husák

Crédits : Wolfgang Thieme / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Placé à la tête du parti communiste tchécoslovaque au lendemain de la répression du Printemps de Prague en 1969, puis président de Tchécoslovaquie à partir de 1975, Gustáv Husák se positionne comme compromis entre les réformateurs du Printemps de Prague et les orthodoxes de Moscou. Il mène une politique d’ “élève modèle” aux yeux de l’URSS, contrôle et réprime de près tout potentiel mouvement dissident, voulant éviter à tout prix un nouveau Printemps de Prague.

Pragmatique, il accompagne la perestroïka au sein de son pays et, face à l’ouverture progressive des régimes voisins, fait place à une nouvelle génération de dirigeants. La chute du Mur entraînant des réactions de joie et la formation de mouvements en faveur d’une transition démocratique, il choisit de ne pas réprimer les manifestants de la Révolution de velours (qui doit son nom à l’absence de violences entre les manifestants et les forces de l’ordre). Ces derniers appellent à sa démission, qui a lieu en décembre 1989 avec la nomination du premier gouvernement non-communiste depuis quarante ans.

Margaret Thatcher

Crédits : Wikimedia Commons

Première ministre britannique de 1979 à 1990, Margaret Thatcher marque pendant une décennie la politique européenne par son anticommunisme farouche et son rapprochement avec les Etats-Unis. Au lendemain de la chute du Mur, elle déclare : “c’est un grand jour pour la liberté” .

Elle se montre toutefois bien plus réservée sur la perspective d’une réunification allemande, craignant une trop forte domination sur le reste de l’Europe, voir même des velléités de conquête de l’Allemagne qui voudrait retrouver ses frontières d’avant-guerre. Des craintes qu’elle partage alors avec le président français de l’époque, François Mitterand. Elle a ainsi essayé de freiner, voire d’empêcher cette réunification.

La réunification inquiétait réellement M. Thatcher” , qui “ne pouvait pas accepter davantage d’intégration européenne” , selon Hubert Védrine, à l’époque conseiller diplomatique du président Mitterand.

Helmut Kohl

Crédits : Engelbert Reineke / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Député régional puis ministre-président du Land de Rhénanie-Palatinat, Helmut Kohl est un homme politique ouest-allemand engagé au sein de la CDU (chrétiens-démocrates). Il accède à la présidence de son parti en 1971, est élu au Bundestag en 1976 comme président de l’opposition, et accède à la tête du gouvernement de la RFA en 1982.

En coalition avec les Libéraux du FDP, il poursuit la politique d’apaisement vis-à-vis de l’Est, tout en affirmant ses profondes convictions anti-communistes. Helmut Kohl apporte son soutien à la réforme du bloc soviétique entreprise par Mikhaïl Gorbatchev, dans laquelle il voit un premier pas vers la réunification allemande. A la chute du Mur, il appelle d’ailleurs de ses vœux une telle réunification en présentant un feuille de route de dix points pour intégrer la RDA, au bord du démantèlement, à la RFA. Agissant rapidement et sans se laisser ralentir par le scepticisme de la France ou de l’URSS, il obtient la signature d’un traité d’unification et la disparition de l’Allemagne de l’Est le 3 octobre 1990.

Reconduit dans ses fonctions après l’effondrement de l’URSS, il paie cependant le prix politique de la récession et de la hausse du chômage qui suivent la réunification, et quitte le pouvoir en 1998.

Aux Affaires étrangères de la RFA, Hans-Dietrich Genscher

Ministre libéral des Affaires étrangères à partir de 1974 sous Helmut Schmidt (coalition SPD-libéraux) puis sous Helmut Kohl (coalition CDU-libéraux), Hans-Dietrich Genscher cherche à pacifier les relations avec le bloc de l’Est.

En 1989, il accorde le statut de réfugiés à de nombreux citoyens est-allemands ayant fui la RDA et stationnés à Prague, effectuant ainsi un premier pas vers la réforme de la libre-circulation, qui précipitera la chute du Mur un mois plus tard.

François Mitterrand

Crédits : Wikimedia Commons

En 1989, François Mitterrand entame son second mandat à la présidence de la République française. Il occupe alors également la présidence tournante du Conseil de la CEE, en politisation croissante depuis l’Acte Unique et quelques années avant le Traité de Maastricht.

La chute du bloc de l’Est se profilant, il cherche à tout prix à accompagner cette dislocation de manière pacifique, diplomatique et sans conséquences pour l’Europe de l’Ouest. Partisan de la liberté des peuples d’Europe de l’est, il applaudit l’ouverture de la frontière austro-hongroise et se déclare prêt à une réunification allemande une semaine avant la chute du Mur.

Lorsque le chancelier allemand Helmut Kohl se lance dans le processus de réunification, François Mitterand craint une contre-réaction du bloc de l’Est qui pourrait venir miner les efforts de réforme de Mikhaïl Gorbatchev. Pris entre Margaret Thatcher, eurosceptique et hostile à la réunification allemande, et Helmut Kohl, il souhaite placer le couple franco-allemand au centre de la construction européenne et plaide en faveur de l’union économique et monétaire.

Et dans le reste du continent…

Deux pays socialistes ayant déclaré leur indépendance du bloc de l’Est continuent en 1989 de dominer les Balkans. En Yougoslavie, Ante Marković est Premier ministre fédéral depuis mars 1989, et amorce une libéralisation économique du pays, ainsi que l’organisation d’élections libres. En Albanie, Ramiz Alia dirige le pays qu’il refuse de réformer.

En Espagne, sortie de la dictature franquiste et ayant intégré le bloc de l’Ouest, le social-démocrate Felipe González dirige le gouvernement. De même dans deux autres pays d’Europe du Sud ayant renoué avec la démocratie depuis 1974 : au Portugal, une cohabitation est en place entre le Premier ministre de centre-droit Aníbal Cavaco Silva et le président socialiste Mário Soares, tandis qu’en Grèce, l’absence de majorité porte au pouvoir deux gouvernements indépendants successivement dirigés par Ioánnis Grívas et Xenophón Zolótas.

Dans le reste de l’Europe, le démocrate-chrétien italien Giulio Andreotti effectue son dernier mandat à la tête d’une coalition large avec les socialistes et les libéraux. Les démocrates-chrétiens sont également au pouvoir en Belgique avec Wilfried Martens, aux Pays-Bas avec Ruud Lubbers, et au Luxembourg avec le futur président de la Commission européenne, Jacques Santer.
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