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Biographie d’Altiero Spinelli, partisan du fédéralisme européen

Inspirateur, théoricien et constructeur convaincu d’une communauté qu’il conçoit comme l’embryon d’une fédération, l’Italien Altiero Spinelli (1907-1986) a contribué de façon marquante à la réforme des institutions et à la création de l’Union européenne.

Altiero Spinelli
Altiero Spinelli - Crédits : Commission européenne 

Altiero Spinelli naît à Rome en 1907.

Initié aux questions politiques par son père, socialiste convaincu, il adhère très tôt aux Jeunesses Communistes et participe à la lutte clandestine contre le fascisme.

Arrêté en 1927, il est incarcéré pendant 10 ans puis assigné à résidence pendant 6 ans aux confins du territoire italien. C’est dans une petite île de la mer Tyrrhénienne qu’il rédige en 1941, avec Ernesto Rossi, le manifeste fédéraliste de Ventotene.

A la chute de Mussolini, il crée en 1943 le “Movimento federalista Europeo” (Mouvement fédéraliste européen, MFE) dont il devient le secrétaire général jusqu’en 1962. Délégué général de l’Union européenne des fédéralistes (UEF, que le MFE rejoint en 1946) et fondateur de l’Institut des Affaires Internationales à Rome, Altiero Spinelli n’entre que tardivement dans le jeu politique classique.

Après avoir abandonné le MFE dans les années 1960, il devient le conseiller de Pietro Nenni, président du Parti socialiste unifié et vice-président du Conseil à plusieurs reprises. Il entre à la Commission des Communautés européennes en 1970, et prend en charge jusqu’en 1976 les secteurs de la politique industrielle et de la recherche.

Elu sur la liste du Parti communiste italien, il siège à la Chambre italienne de 1976 à 1983, mais également à l’Assemblée parlementaire européenne de 1976 à 1979 puis à son successeur, le Parlement européen, de 1979 jusqu’à sa mort en 1986. 

Sa conception de l’Europe

Membre des congrès de Montreux (1947) et de La Haye (1948), Altiero Spinelli joue un rôle majeur dans la genèse du projet de Communauté européenne de défense (CED) en proposant que son Assemblée commune reçoive un mandat à caractère constituant.

Après le refus de l’Assemblée nationale française de ratifier le projet en 1954, il contribue à la relance du processus de construction européenne, continuant de croire en un possible accord des pays européens sur un projet fédéral.

Dans le discours qu’il prononce en 1957 au Congrès du peuple européen à Turin, Altiero Spinelli questionne avec véhémence la légitimité de l’Etat-nation. En défenseur du fédéralisme, il estime que l’Europe ne peut se réaliser qu’à deux conditions : d’une part, que les Etats renoncent à une partie de leur souveraineté nationale ; d’autre part, que le peuple européen participe à la définition d’une constitution qui fixe les responsabilités et la forme d’une nouvelle union entre les Etats. 

Cependant, c’est au Parlement européen que le combat d’Altiero Spinelli marque l’histoire de la construction européenne.

Le projet Spinelli

Sur l’initiative du “Club du Crocodile”, fondé en 1980 par 8 députés européens dont Altiero Spinelli, le Parlement européen décide de la création d’une nouvelle commission chargée de la réforme institutionnelle de la Communauté. Cette dernière, présidée par Spinelli, aboutit au projet de traité d’Union européenne, adopté le 14 février 1984 par le Parlement européen avec 237 voix contre 31.

Le texte vise à renforcer sensiblement le rôle du Parlement européen : celui-ci serait doté d’un pouvoir budgétaire et législatif, dans certains domaines, et devrait approuver le programme politique de la Commission européenne. Deux nouveautés de grande envergure seraient introduites : le principe de subsidiarité et la conciliation, au sein du processus de décision, des stratégies concurrentes de coopération intergouvernementale et de l’intégration communautaire. 

Bien que le Conseil des Communautés n’y ait pas donné suite, le projet fournira l’une des bases de la relance européenne de la deuxième moitié des années 1980, qui conduira à la création de l’Union européenne avec le traité de Maastricht en 1992.

Propos choisis

Le projet de la Communauté européenne présente la particularité de pouvoir parvenir à l’union, non pas au moyen de la force et de la conquête, mais sur la base du libre consentement des nations. La Communauté constitue ainsi l’une des aventures politiques les plus extraordinaires de l’esprit humain, et il est difficile, sinon impossible d’en comprendre la signification profonde si l’on ne perçoit pas cette caractéristique”.

(1962) in Altiero Spinelli et Jean Monnet de Maria Grazia Melchionni, Les cahiers rouges, Centre de recherches européennes, Lausanne, 1993, p.14.


Pour faire le marché commun européen, il faut une technique et une âme politique : il faut, en un mot comme en mille, un gouvernement européen, doté de tous les instruments nécessaires à un gouvernement pour se faire obéir, et une loi européenne en conformité avec laquelle ce gouvernement agisse”.

in Altiero Spinelli : appunti per una biografia de Paolini Edmondo, Bologne, Il Mulino, 1988, p.119-120.


Œuvrer à la création de la fédération européenne aurait signifié travailler à la création d’un pouvoir réel et fort, mais cette fois-ci, cette construction aurait de par sa nature coïncidé avec la lutte contre les caractéristiques non libérales de l’Etat national ; elle aurait servi à consolider les libertés humaines et à leur donner un élan nouveau” .

in Les grandes figures de la construction européenne, François de Saint-Ouen, p.200.


La ligne de démarcation entre partis progressistes et partis réactionnaires ne suit plus désormais la ligne formelle de la démocratie la meilleure, ou du socialisme le plus avancé, mais la ligne toute nouvelle et substantielle qui sépare ceux qui conçoivent comme fin essentielle de la lutte la vieille ambition de conquête du pouvoir politique national - et qui feront, même involontairement, le jeu des forces réactionnaires […] - et ceux qui verront comme devoir central la création d’un solide Etat international, qui dirigeront vers ce but les forces populaires et, même après avoir conquis le pouvoir national, qui s’en serviront en tout premier lieu comme d’un instrument pour réaliser l’unité internationale”.

in Le Manifeste de Ventotene, Bologne, p.50, Ibid.

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