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Volatilité des prix agricoles : quelle régulation en Europe et dans le monde ?

Deux ans après la dernière crise alimentaire mondiale, lors de laquelle plusieurs pays en voie de développement ont été le théâtre d’ ”émeutes de la faim”, le monde assiste à nouvelle flambée des prix agricoles. C’est pour prévenir de telles crises, provoquées en partie par la spéculation, que l’Union européenne et le G20 proposeront d’ici l’été 2011 une meilleure régulation des marchés. Toute l’Europe fait le tour des perspectives et des grandes options déjà avancées.Â

Une volatilité accrue des marchés agricoles mondiaux

L’indice mensuel de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) mesure les variations de prix d’un panier de produits incluant céréales, oléagineux, produits laitiers, viande et sucre. Il est monté à 214,7 points en décembre 2010 contre 206 en novembre, au-dessus de son précédent record (213,5 points) en juin 2008.

Selon l’indice de la FAO mesurant les variations de prix des principales denrées alimentaires mondiales, celles-ci auraient atteint un niveau record en décembre 2010.

Pour expliquer cette hausse brutale (mais, selon la FAO, moins inquiétante que celle de 2008 qui déjà avait entraîné des émeutes dans plusieurs pays pauvres, et qui concerne cette fois uniquement les oléagineux, les céréales et le sucre, pas la viande et le lait), deux raisons principales sont avancées : les conditions météorologiques et la spéculation.

D’un côté les sécheresses en Russie et en Argentine, les plus récentes inondations en Australie ont provoqué d’importants ravages sur les céréales (l’Australie est le 4e exportateur de blé, l’Argentine un important producteur de maïs), entraînent automatiquement une élévation des cours mondiaux (plus la quantité disponible est faible, plus les prix montent).

A long terme, l’augmentation de la population mondiale, en particulier dans les pays émergents, pourrait également contribuer à la hausse des prix agricoles. Selon la FAO, la demande mondiale en alimentation pourrait augmenter de 50% d’ici à 2030. En 2050, la terre compterait 9 milliards d’habitants à nourrir.
De l’autre, l’existence d’une “bulle spéculative” sur les matières premières, provoquée par la dérégulation du marché des matières premières entamé en 2000 aux Etats-Unis (Commodity Futures Modernization Act). Celle-ci a permis l’entrée sur les marchés d’acteurs institutionnels non-commerciaux, a priori non concernés par ce domaine (fonds de pensions, banques d’investissements) et dont les investissements à court terme sur les produits agricoles n’ont pour objectif que la rentabilité, comme le notait déjà en septembre le rapporteur à l’alimentation de l’ONU dans un rapport sur les causes de la hausse des prix en 2007-2008.

Les marchés mondiaux étant de plus en plus interconnectés, le moindre choc économique sur la scène internationale se propage aux marchés intérieurs plus rapidement qu’avant. Ce qui explique l’inflation que connaissent actuellement la plupart des pays du monde. Et les émeutes de la faim dans les économies principalement agricoles, où la part consacrée à l’alimentation peut aller jusqu’à 70 % du revenu des ménages. Dans tous les pays enfin, la forte volatilité peut se traduire pour les agriculteurs, qui fondent notamment leur investissement et leur planification sur des prix prévisionnels, par de vastes fluctuations de leurs revenus.

Selon la FAO, un accroissement de la vulnérabilité peut être ainsi provoqué par :

  • “une possible augmentation des épisodes climatiques extrêmes et la dépendance à l’égard de nouvelles régions d’exportation, surtout là où les récoltes dépendent des caprices de la météo ;

  • un plus grand recours au commerce international pour répondre aux besoins alimentaires aux dépens de la constitution de stocks ;

  • une demande croissante de produits alimentaires issus d’autres secteurs, en particulier de l’énergie ;

  • une propagation plus rapide de facteurs macroéconomiques sur les marchés des produits, y compris la volatilité des taux de change et les changements de politiques monétaires tels que le changement de régime de taux d’intérêts” .

Des marchés européens plus stables


Concernant l’Union européenne, deuxième exportateur et premier importateur mondial de produits agricoles, les incertitudes ne sont pas moindres. Dans un rapport publié en décembre 2010 sur les perspectives des marchés et des revenus agricoles d’ici à 2020, la Commission précise que celles-ci dépendent d’un nombre important de facteurs : l’offre et la demande bien sûr, mais également les relations entre l’agriculture et les marchés de l’énergie (agrocarburants par exemple…), la sortie de crise économique, l’ampleur et les conséquences du changement climatique, les réformes politiques dans les domaines agricole et commercial (dans le cadre du cycle de Doha à l’OMC en particulier, mais aussi de la future Politique agricole commune).

Selon les estimations d’Eurostat, le revenu réel agricole par actif aurait augmenté de 12,3% dans l’UE27 en 2010, après une baisse de 10,7% en 2009. Cette augmentation résulte d’une hausse du revenu agricole réel (+9,9%), accompagnée d’une réduction de la main-d’oeuvre agricole (-2,2%).
Malgré ce haut degré d’imprévisibilité, la Commission s’attend toutefois à ce que les marchés (et les prix) des matières premières restent stables à moyen terme et non sujets à l’intervention de l’Union (hormis le marché du lait, plus sensible aux évolutions de la demande).

Le revenu global agricole est supposé augmenter faiblement mais de manière régulière, en particulier dans les douze Etats ayant récemment adhéré à l’UE, où l’augmentation attendue d’ici à 2020 est de 45%, rejoignant alors le niveau de l’Europe des 15 grâce aux aides de la PAC. Le taux d’emploi continuerait quant à lui de diminuer.

Quelle régulation ?

Afin de faire face à la volatilité des prix, l’UE comme le G20 entreprennent de mieux réguler les marchés agricoles.

Côté européen, la Politique agricole commune (PAC) permet déjà de limiter, avec un succès parfois relatif mais non négligeable, les effets indésirables de la fluctuation des cours agricoles.

C’est à l’été prochain que la Commission européenne précisera le cadre de sa réforme, mais déjà les grandes lignes ont été annoncées : tout en poursuivant la politique de soutien au revenu des agriculteurs pour limiter leur variation ainsi que le recours aux instruments de marché traditionnels (par exemple stockage des produits en suroffre), un ensemble d’outils de gestion des risques mis à la disposition des Etats membres (soutien renforcé en faveur des instruments d’assurance et des fonds communs…) doit permettre de gérer plus efficacement les aléas de revenu et la volatilité du marché.

Concernant le secteur particulier du lait, le stockage du produit sous forme de poudre permet de réguler les cours en absorbant les surplus de production. De plus, le paquet législatif proposé en décembre par le commissaire européen à l’agriculture propose de renforcer la position du producteur de produits laitiers au sein de la chaîne d’approvisionnement, à l’aide de contrats écrits entre les producteurs de lait et les laiteries, la possibilité de négocier collectivement les clauses du contrat par l’intermédiaire des organisations de producteurs ou encore des mesures visant à renforcer la transparence du marché.

Mais les 20 principales puissances de la planète s’attellent également à la tâche : l’un des objectifs prioritaires de la présidence française du G20, inaugurée en novembre, est en effet d’organiser la régulation au niveau mondial des matières premières, y compris agricoles pour réduire la volatilité des prix et l’une de ses causes premières, la spéculation.

Cette régulation pourrait passer par une limitation des montants des positions prises par chaque investisseur ; une plus grande transparence des marchés de gré à gré et l’organisation de marchés de transactions ; la reconstitution des stocks au niveau mondial, en prenant exemple sur l’Europe ou la Chine ; enfin l’établissement d’une structure organisant le dialogue entre producteurs et consommateurs et gérant les crises, qui pourrait être une FAO rénovée.

Une réunion avec l’ensemble des ministres de l’Agriculture du G20 est prévue au printemps.


En savoir plus

La volatilité des prix sur les marchés agricoles - FAO
Indices des prix alimentaires Janvier 2011 - FAO

L’UE , un des principaux acteurs des marchés agricoles mondiaux - Commission européenne

La Commission propose de nouvelles mesures pour améliorer la stabilité future du secteur des produits laitiers - Commission européenne

PROSPECTS FOR AGRICULTURAL MARKETS AND INCOME IN THE EU 2010-2020 - December 2010 - Commission européenne

La PAC à l’horizon 2020 : Alimentation, ressources naturelles et territoire - relever les défis de l’avenir - Commission européenne

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