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Thomas Schreiber : “Viktor Orbán prend sa revanche”

Les Hongrois étaient nombreux à manifester le 2 janvier à Budapest, contre la Constitution entrée en vigueur la veille, qui accroît considérablement les pouvoirs du Premier ministre Viktor Orbán et de son parti, et restreint de nombreuses libertés. Toute l’Europe a interrogé le journaliste Thomas Schreiber sur les conséquences d’une telle dérive autoritaire.

Touteleurope.eu : Les nouvelles mesures constitutionnelles décidées par le Premier ministre hongrois suscitent l’inquiétude de la population et de la communauté internationale. La Hongrie est-elle en passe de devenir une dictature européenne ?

Thomas Schreiber : La Hongrie n’est pas une dictature, mais s’éloigne du modèle de démocratie à l’occidentale : l’opposition a de moins en moins la possibilité de pratiquer l’alternance. La nouvelle Constitution limite le rôle de la cour constitutionnelle et piétine l’indépendance de la justice. Le pluralisme des médias est menacé déjà depuis un an : on voudrait liquider la presse d’opposition par des moyens économiques. Cela dit, le régime ne tient pas suffisamment compte du rôle croissant joué par Internet, qui est largement utilisé par l’opposition.

Touteleurope.eu : Pouvait-on s’attendre à une telle dérive autoritariste ?

T.S. : Le Premier ministre Viktor Orbán prend une revanche préparée sur les élections de 2002 et de 2006, qu’il a perdues après avoir été au pouvoir pendant 4 ans. Grâce à la majorité écrasante qu’il a obtenue en 2010, il peut pratiquement empêcher l’opposition de reprendre le pouvoir par des moyens démocratiques. Par conséquent, l’assemblée ne devient qu’une chambre d’enregistrement, et les proches d’Orbán sont partout nommés aux postes de décision importants. Ce qui se passe en Hongrie rappelle un peu ce qui se passe en Russie : tout comme Poutine, M. Orbán souhaite garder le pouvoir le plus longtemps possible.

Par ailleurs, le parti maintient une ambiguïté avec l’extrême-droite. On peut sur ce point faire un parallèle avec le régime d’entre-deux-guerres, lorsque l’opposition parlementaire et médiatique existait mais n’avait aucun pouvoir face à l’Amiral Horthy. L’extrême-droite a gagné un certain nombre de sièges aux élections de 1939, et les relations avec le pouvoir en place avaient la même ambiguïté. Le nationalisme, et la nostalgie de la grande Hongrie après le traité de Versailles, est d’ailleurs toujours exploité par M. Orbán.

Touteleurope.eu : Quelles sont les capacités de mobilisation et d’action de la population hongroise ?

T.S. : La société hongroise est de plus en plus dépolitisée, ce qui n’a pas empêché le succès inattendu de la manifestation pacifique du 2 janvier, qui n’était pas animée par un parti ou un mouvement, mais par la société civile, au sein de laquelle on trouve aussi bien des socialistes, des libéraux, des conservateurs, des patriotes, des écologistes… L’opposition est désorganisée, mais pourrait jouer des tours très désagréables au pouvoir en place.

Touteleurope.eu : Quelles seraient les conséquences d’un maintien de la nouvelle constitution pour les relations entre la Hongrie et l’UE ?

T.S. : Il faut souligner l’image très positive de la Hongrie en raison de ce qui s’est passé en 1956, lorsque les Hongrois se sont insurgés contre les Soviétiques, et la transition pacifique de 1989. La Hongrie était décrite par tous les pays occidentaux comme un pays modèle, en tête de la démocratisation et de la lutte contre le totalitarisme. Aujourd’hui, elle devient complètement rejetée par la communauté internationale. Et la Hongrie officielle réagit de manière excessive aux critiques, car M. Orbán, entêté, reste persuadé qu’il a raison contre le monde entier. Et cela n’arrange évidemment pas la situation d’une Union européenne en pleine crise économique.

Touteleurope.eu : Quels sont aujourd’hui les moyens dont dispose l’Union européenne pour faire reculer M. Orbán ?

T.S. : Le 14 janvier, la Commission européenne devrait décider des mesures à prendre à l’encontre de la Hongrie, et le 18 janvier ce devrait être au tour du FMI. Cependant, l’Union européenne n’a pas oublié l’échec de son action contre-productive visant la participation de l’extrême-droite autrichienne au gouvernement de Vienne en 2000.

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