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[Revue de presse] Relance économique européenne : le flou demeure autour du respect de l’Etat de droit

Au lendemain d’un Conseil européen historique qui a conduit à l’adoption du plan de relance économique et du budget pluriannuel de l’Union européenne par les 27 chefs d’Etat et de gouvernement, les avis divergent sur la portée de la condition de respect de l’Etat de droit, nécessaire pour bénéficier des financements européens.

Le président du Conseil européen Charles Michel (à gauche) a négocié avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán (en face) et le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki (à droite) lors du Conseil européen des 17-21 juillet
Le président du Conseil européen Charles Michel (à gauche) a négocié avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán (en face) et le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki (à droite) lors du Conseil européen des 17-21 juillet - Crédits : Conseil de l’UE

“C’est une première”, commente le HuffPost avec l’AFP. Par ces mots, le média ne réagit pas à l’accord d’une ampleur inégalée autour du budget pluriannuel 2021-2027 et du plan de relance approuvé par les Vingt-Sept au sortir d’un Conseil européen marathon. Il souligne en fait un autre trait saillant du compromis trouvé par les dirigeants européens qui “ont décidé de conditionner l’octroi de financements européens au respect des principes démocratiques” . Dans le texte adopté par les 27 dirigeants de l’UE, il est ainsi écrit que, au vu de l’importance que revêt la protection des intérêts financiers de l’Union ainsi que le respect de l’Etat de droit, “un régime de conditionnalité visant à protéger le budget et (le fonds de relance) sera introduit” , rapporte L’Express.

Le Monde nuance néanmoins, constatant que “l’opposition résolue des pays “frugaux” au plan de relance de 750 milliards d’euros a finalement fait passer le combat de l’Etat de droit au second plan” au cours du sommet. Par conséquent, son texte final est “largement amoindri par rapport aux projets initiaux” . “Selon le mécanisme envisagé, toute mesure de suspension ou réduction éventuelle des fonds européens (…) devrait être approuvée par une majorité qualifiée des États membres (…), ce qui est plus difficile à réaliser que ce que préconisait initialement la Commission” , explique le journal. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait en effet élaboré “un instrument pour prendre des mesures à la majorité qualifiée en cas de violations de l’État de droit” , rappelle le HuffPost. Celui-ci permettait simplement aux Etats de “s’opposer à une sanction s’ils parvenaient à réunir une majorité qualifiée contre celle-ci” , détaille La Croix. “Le texte initial prévoyait clairement un régime de sanction déclenché par la Commission européenne sur ce sujet” , explique Le Monde. A l’inverse, “la version finale parle seulement de ‘mesures’ en ‘cas de manquement’. Le dispositif complet devra par ailleurs être détaillé plus tard. Seul élément ayant survécu aux négociations, l’idée que ces mesures soient adoptées à une majorité qualifiée et non à l’unanimité”, poursuit le journal.

Pologne et Hongrie rassurées

Une disposition qui concerne tout particulièrement la Hongrie et la Pologne, régulièrement rappelées à l’ordre par les institutions européennes “pour leurs réformes réduisant l’indépendance des médias ou de la justice” , explique Le Monde. Les deux pays sont également sous le coup de la procédure de l’article 7 du traité sur l’Union européenne “qui donne la possibilité à l’UE de sanctionner un État membre qui ne respecterait pas ses valeurs fondatrices” . Mais les procédures sont pour le moment suspendues, les sanctions devant être adoptées par le Conseil européen à l’unanimité [HuffPost (avec AFP)].

Le Financial Times estime pour sa part que la Pologne et la Hongrie n’ont pas trop à s’inquiéter en l’état. En effet, “le compromis [trouvé par les Vingt-Sept] a (…) donné au Conseil européen un rôle encore indéfini dans le processus, ce qui soulève la perspective que Budapest, Varsovie ou toute autre capitale pourrait essayer de bloquer ou de modérer l’action à la place” . Philippe Lamberts, co-leader des Verts au Parlement européen, partage l’analyse, estimant que “le mécanisme reste trop flou” pour être dissuasif [Euronews].

De fait, les deux dirigeants hongrois et polonais Viktor Orban et Mateusz Morawiecki ont immédiatement célébré ce nouvel accord en le qualifiant de “grande victoire” contre ce que Viktor Orban qualifie de tentatives “de nous éduquer sur notre Etat de droit” . “Nous avons défendu la fierté de nos nations” , a-t-il ajouté dans une conférence de presse conjointe avec son homologue polonais, cité par L’Express.

Opportunité pour l’avenir ?

Plusieurs commentateurs de la politique européenne se veulent néanmoins plus nuancés. Ainsi, Daniel Hegedüs, chercheur au think tank German Marshall Fund écrit dans Politico que “la formulation sur l’État de droit est (délibérément ?) énigmatique et vague - suffisamment pour permettre des interprétations très différentes sur la manière dont la conditionnalité pourrait être mise en œuvre” . Il estime ainsi que “le Conseil européen a ouvert une porte pour décider à la majorité qualifiée au lieu de l’unanimité” . Un changement de mode de vote majeur, qui ouvre le champ des possibles et laisse le chercheur penser que “la conditionnalité pourrait devenir une loi à l’automne, lorsque les institutions européennes se réuniront pour définir les détails de la mise en œuvre du budget septennal” .

Une position partagée par la directrice du think tank Carnegie Europe, Rosa Balfour. Cette dernière explique en effet au Financial Times que “le résultat laisse encore la possibilité de poursuivre un ‘mécanisme incisif’ pour sauvegarder l’État de droit” . Il faudra pour cela “une Commission européenne solide et des Etats membres - ou au moins quelques-uns avec du poids - pour s’assurer qu’il est appliqué dans la pratique” , précise-t-elle au quotidien financier.

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