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Retour sur la genèse de la Constitution européenne

Au nom des peuples - © Cerf, 2006Paul Magnette, professeur de sciences politiques et directeur de l’Institut d’études européennes à l’Université Libre de Bruxelles, prend prétexte de l’échec du projet de Constitution pour engager une réflexion sur le sens et la nature du projet européen.

Au cours de l’intégration européenne, les Etats ont toujours veillé à préserver leur propre rôle et leurs propres intérêts. Pour Paul Magnette,“le poids de cette logique explique que [la] ‘constitution’ se soit toujours éloignée des canons de la clarté et de la simplicité constitutionnelles” , et notamment de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique, avec laquelle il dresse un long et éclairant parallèle.

La Convention s’était fixé pour objectif de dépasser la stricte défense d’intérêts nationaux et de privilégier la délibération. Pour le politologue, elle a finalement plus souvent été dominée par la logique de la négociation et le jeu des Etats que véritablement guidée par la recherche de l’intérêt général. Paul Magnette écrit ainsi que “rien ne permet de démontrer que les autres composantes, Parlement européen, Commission et parlementaires nationaux issus de l’opposition, ont pu peser sur l’issue des négociations ; rien n’indique non plus que le contexte institutionnel propre à la Convention a infléchi les résultat.”

Dans un tel contexte, la Convention a été conduite, selon Paul Magnette, à ménager des compromis qui, s’ils ont aidé à atteindre le consensus en dépit de la persistance de désaccords fondamentaux, “ont aussi l’inconvénient de perpétuer le débat fondateur sur la nature de l’Union et sur sa finalité politique” . Ainsi, si le Parlement ressort grand vainqueur des travaux de la Convention, et s’il a “bel et bien vocation à incarner la volonté commune de l’Union et à s’affirmer comme sa principale source de légitimité” , le traité constitutionnel ne clôt pas le débat sur la nature politique du projet européen, qui pourrait aussi bien incliner vers un schéma fédéral-parlementaire qu’intergouvernemental-présidentiel.

Le véritable propos de Paul Magnette consiste, dans cet “entre-deux incertain” , à interroger le sens de la démocratie européenne, que nos cadres mentaux nous empêchent de concevoir comme une nouvelle forme politique, autre chose qu’une communauté d’Etats ou qu’un Etat européen en devenir. L’Union européenne s’appuie bien sur un ensemble de principes démocratiques : répudiation de l’hégémonie, communauté de démocraties, cosmopolitisme et citoyenneté européenne, mais ceux-ci ne suffisent pas à rendre compte de la nature politique de l’Union, ni à dépasser le “déficit démocratique” qu’on lui impute.

Interrogeant l’avenir de la démocratie européenne, et notamment la piste d’une communauté post-nationale telle que l’a décrite le philosophe allemand Jürgen Habermas, Paul Magnette envisage enfin les moyens de susciter une “socialisation civique” européenne et de créer un espace civique émancipé du giron national et des références à l’Etat.

Paul Magnette, Au nom des peuples : le malentendu constitutionnel européen, Cerf, 2006

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