Comme un symbole. Le 25 octobre dernier, une semaine après le succès de la coalition centriste lors des élections législatives polonaises qu’il menait, Donald Tusk était de retour à Bruxelles. En marge d’un sommet du Parti populaire européen, l’ancien président du Conseil européen a rencontré la présidente de la Commission Ursula von der Leyen avec un objectif en tête : remettre la Pologne “au centre de la scène européenne”, explique-t-il alors.
Le natif de Gdańsk aspire à redevenir Premier ministre neuf ans après avoir quitté ce poste. Son destin s’est ensuite écrit au niveau européen. Durant cet intervalle, son pays s’est à l’inverse éloigné de Bruxelles avec la prise de pouvoir du parti conservateur Droit et justice (PiS). Auréolé d’une victoire aux dernières élections, Donald Tusk souhaite désormais y remédier.
Du syndicalisme à la politique
Après une scolarité classique dans sa ville natale, Donald Tusk s’oriente vers des études d’histoire durant lesquelles il prendra des positions hostiles au régime communiste en place. Il se rapproche notamment du syndicat Solidarność, créé après un mouvement de grévistes sur les chantiers navals de Gdańsk en 1980. L’Association indépendante des étudiants (NZS), fondée la même année par le jeune Donald Tusk, rejoint d’ailleurs le syndicat dirigé par Lech Wałęsa.
Mais rapidement, la situation en Pologne se détériore et l’imposition de la loi martiale par le général Jaruzelski en décembre 1981 le pousse à entrer dans la clandestinité. Durant ces années, il travaille comme vendeur de pain ou encore comme ouvrier spécialisé. Mais c’est également pendant cette période qu’il se forge ses opinions politiques. Dans le mensuel “Revue politique” qu’il lance en 1983, il prône le libéralisme économique et la démocratie libérale.
Après la chute du communisme, ces réflexions vont se concrétiser sur la scène politique. Dès 1990, Donald Tusk participe à la fondation du parti du Congrès libéral-démocrate. Une initiative qui le fait entrer une première fois (1991-1993) à la Diète, la chambre basse du Parlement polonais, l’année suivante. Puis c’est au Sénat qu’il pénètre en 1997.
En 2001, des tensions éclatent dans son parti de l’époque. Il fonde alors la Plateforme civique (PO), dont il assure de nouveau la présidence aujourd’hui. Un nouveau mouvement avec lequel Donald Tusk se présente à l’élection présidentielle en mai 2005 face au parti Droit et justice (PiS) des frères Kaczynski. Arrivé en tête au premier tour avec 36 % des voix, il s’incline finalement lors du second.
C’est à la tête du gouvernement qu’on le retrouve deux ans plus tard. Après les élections anticipées d’octobre 2007, Donald Tusk devient Premier ministre et y reste jusqu’en 2014. La crise économique de 2008 est notamment l’occasion pour le nouveau chef de l’exécutif de faire ses preuves en évitant la récession à son pays.
Une carrière européenne
Depuis son entrée en politique, Donald Tusk a toujours soutenu l’intégration politique et économique de son pays au sein de l’Union européenne. Une position qui tranche avec celle du PiS, au pouvoir depuis 2015.
Cette aspiration va le conduire au poste de président du Conseil européen, où il succède à Herman Van Rompuy, premier titulaire du poste. Sa nomination en août 2014 est accueillie comme un symbole, 10 ans après l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne. Avant lui, Jerzy Buzek - également membre de la plateforme civique - était le seul Polonais à avoir présidé une institution européenne, le Parlement européen de 2009 à 2012. Mais à l’époque, rares sont encore les représentants des pays d’Europe centrale et orientale aux postes clés de l’Union européenne. En 2017, Donald Tusk est même réélu pour un second mandat de deux ans et demi, avant de laisser sa place au Belge Charles Michel.
Mais le Polonais ne quitte pas Bruxelles pour autant et prend ses quartiers quelques rues plus loin. Le 20 novembre 2019, il est élu président du Parti populaire européen (PPE), première force politique du Parlement européen dont est également issue la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Bientôt de retour au pouvoir ?
Donald Tusk ne résiste alors pas longtemps aux sirènes nationales. En 2021, il reprend la tête de la Plateforme civique, sept ans après l’avoir quittée. L’année suivante, il abandonne également ses fonctions à la tête du PPE pour rentrer en Pologne. Avec une échéance dans le viseur : les élections législatives d’octobre 2023.
Après huit années au pouvoir, le PiS a distendu les liens de la Pologne avec l’Union européenne, s’opposant frontalement avec Bruxelles sur de nombreux sujets : l’indépendance de la justice, la primauté du droit européen ou encore les droits des LGBT. Un conflit qui a notamment valu à Varsovie le gel de fonds issus du plan de relance européen.
Mené par le Premier ministre sortant Mateusz Morawiecki, le parti ultraconservateur arrive en tête des élections du 15 octobre 2023 avec 36,6 % des suffrages, contre 31 % pour la Plateforme civique de Donald Tusk. Mais les bons scores de Troisième voie (13,5 %) et de la Gauche (8,6 %) placent l’opposition polonaise en bonne posture pour former une nouvelle coalition gouvernementale.
Si le président polonais Andrzej Duda (également membre du PiS) a chargé son Premier ministre Mateusz Morawiecki de former un nouveau gouvernement le 6 novembre dernier, cette mission semble vouée à l’échec. Donald Tusk, chef de file de l’opposition, pourrait alors entrer en jeu et être chargé, à son tour, de la formation d’un nouveau gouvernement. Il aurait ainsi les mains libres pour tenter de renouer les liens avec l’Union européenne.