“Cette fois, l’arrêt est sans appel”, constate Le Soir. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) “a tranché ce lundi [5 juin] : la législation dite ‘muselière’ en Pologne, vue comme un outil de répression des magistrats, n’est pas conforme au droit européen” [Le Soir]. Par cet arrêt, la Cour de Luxembourg “a donné raison sur toute la ligne à la Commission européenne”, qui l’avait saisie au sujet cette réforme [RFI]. “C’est un jour important pour la restauration d’une justice indépendante en Pologne”, a commenté le commissaire européen à la Justice Didier Reynders, cité par Le Figaro.
Introduite en 2019 et mise en œuvre à partir de février 2020, la réforme a provoqué “un bras de fer entre Varsovie et Bruxelles” [La Croix]. En cause notamment, la possibilité donnée à la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise “d’autoriser des poursuites pénales à l’encontre [des juges] ou leur arrestation” [RFI]. En outre, elle “a modifié les règles qui régissent les relations entre les tribunaux, empêchant les juges de mettre en doute l’impartialité des autres et de contrôler la légalité de leurs nominations” [Euronews]. Aussi, “un tiers des magistrats de la Cour suprême administrative sont des ‘néojuges’, dont la nomination est entachée d’irrégularités aux yeux de la justice européenne, et qui sont, pour certains, soupçonnés d’être des affidés du [parti Droit et justice]” (PiS), formation nationaliste au pouvoir depuis 2015 [Libération]. La réforme est “une attaque en règle à l’encontre de l’indépendance de la justice”, résume Le Soir.
Etat de droit
Mais le désaccord sur le fonctionnement de la Cour suprême “n’est qu’un des nombreux différends entre le gouvernement de droite de Varsovie et les institutions de l’UE” [France 24]. En 2021 notamment, “dans un affront inédit, le Tribunal constitutionnel polonais […] remettait en cause la primauté du droit européen, socle de la construction communautaire” [Le Soir].
Face à la réforme de la justice, “de nombreux magistrats, soucieux de préserver leur indépendance, ont choisi d’entrer en résistance en vertu d’arrêts de la CJUE, au nom de la primauté du droit européen” [Le Soir]. “Défendant le droit de citoyens à un tribunal qui répond aux exigences de droit de l’UE, [ils] avaient raison”, estime le juge polonais Piotr Gąciarek, interrogé par le quotidien belge.
Par sa décision, la Cour de justice “remet […] les points sur les i” [La Libre], rappelant dans son verdict que “la valeur de l’état de droit relève de l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun”, cite Le Soir. Aucun Etat membre ne peut “s’affranchir en se fondant sur des dispositions ou une jurisprudence interne, y compris d’ordre constitutionnel“ ‘ des “obligations juridiquement contraignantes” du droit européen, affirment par ailleurs les juges de la CJUE [Le Monde]. “En clair, le droit européen prime sur les droits nationaux”, synthétise le quotidien.
“Prévisible”, le verdict “n’est pas moins significatif”, poursuit La Libre. Car la loi polonaise “sur le pouvoir judiciaire devra être adaptée en conséquence”, a affirmé Didier Reynders après l’annonce de la Cour [Le Figaro].
Plusieurs années de bras de fer
Le pouvoir polonais pourrait ne pas l’entendre de cette oreille : “depuis 2015 et l’arrivée au pouvoir du parti conservateur nationaliste Droit et justice (PiS), l’UE tente de ramener Varsovie à des pratiques plus vertueuses en matière d’état de droit, tout particulièrement sur les sujets de justice” [Le Monde]. La Commission européenne a plusieurs fois fait appel à la justice européenne pour faire face à la Pologne, notamment en 2021 avec “une condamnation (provisoire) des autorités polonaises au versement d’astreintes (un million d’euros par jour)” [Le Soir]. “Le montant de ces amendes a dépassé à ce jour 550 millions d’euros”, indique La Croix.
Mais “Varsovie a défendu [la chambre disciplinaire de la Cour suprême] comme un instrument nécessaire pour purger l’influence de l’ère communiste et réprimer la corruption” [Euronews]. La Pologne a ainsi “toujours refusé de payer ces amendes mais Bruxelles en a prélevé une partie sur les fonds destinés” au pays [Le Figaro]. Et bien que l’arrêt du 5 juin lève la sanction financière, “la Pologne doit toujours régler les sommes dues” [La Croix]. Le ministre polonais de la Justice Zbigniew Ziobro considère que la décision a été rendue par un “tribunal corrompu” [Libération]. “La principale Cour de l’UE est corrompue, impliquée dans des affaires politiques avec les politiciens […] du Parti populaire européen, où dominent les hommes politiques allemands, et ses verdicts sont écrits lors de parties de chasse et de banquets abondamment arrosés d’alcool”, a-t-il déclaré, selon l’agence de presse polonaise PAP [Le Monde]. Une réaction qui “laisse plutôt penser à une nouvelle escalade”, selon La Libre.
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