Toute L'Europe – Comprendre l'Europe

Le traité de Lisbonne 1 an après : les gagnants et les perdants

A l’occasion de l’anniversaire du traité de Lisbonne le 1er décembre, trois éminents think tanks bruxellois EPC, l’Institut Egmon et CEPS ont présenté à Paris leur ouvrage collectif : “The Treaty of Lisbon : a second look at the Institutional Innovations”. Invité par Notre Europe, Philipe De Schoutheete, Marco Incerti et Janis Emmanouilidis ont passé en revue les principales innovations du traité tout en dressant un premier bilan de son mise en œuvre depuis un an.

Leur rapport identifie deux gagnants et deux perdants dans le traité de Lisbonne : le Conseil européen et le Parlement européen seraient gagnants alors que la Commission et le Conseil de l’Union européenne se situeraient du côté des perdants.

The Treaty of Lisbon : A Second Look at the Institutional Innovations Cet ouvrage collectif a été publié en septembre 2010 par l’European Policy Centre, l’Institut Egmont et l’Institut Egmont. Consulter l’étude ici.

Doté d’une présidence permanente, le Conseil européen devient une institution à part entière et ses compétences sont mieux définies. Son nouveau statut ne fait que consacrer la réalité politique depuis le traité de Maastricht. Depuis 20 ans le Conseil européen joue déjà un rôle de moteur dans la construction européenne. Le poste de Président du Conseil européen constitue une des innovations majeures du traité. Après des débats animés l’année dernière, les chefs d’Etats ont décidé, sans grande surprise, de nommer un ‘homme de compromis’ qui ne leur fera pas d’ombre. D’après les auteurs de l’étude, les leaders européens auraient ainsi privilégié le côté politique intérieure du rôle plus que celui de politique extérieure, où un personnage tel que Tony Blair aurait pu donner une visibilité accrue à l’Union sur la scène internationale. Ils ont choisi Herman Van Rompuy en tant que “faiseur de compromis” pour renforcer la prise de décision au niveau européen.

Sous l’impulsion de Jacques Delors, qui a créé Notre Europe en 1996, l’association souhaite “penser l’unité européenne” , c’est-à-dire contribuer à une union plus étroite des peuples d’Europe, comme l’explique sa Charte. Elle participe aux débats d’actualité avec le recul de l’analyse et la pertinence des propositions d’action. Elle a également pour objectif de promouvoir l’implication active des citoyens et de la société civile dans le processus de construction communautaire et l’émergence d’un espace public européen.

Pour certains pays tiers, dont les Etats Unis, le traité de Lisbonne donne l’impression d’avoir abouti à “une galaxie de Présidents à l’Union” (Président de la Commission, du Parlement, de la Banque centrale européenne, de l’Eurogroupe…). Cette multiplication des présidents nécessite de bonnes relations et une forte volonté de travailler ensemble. Ceci pourrait constituer une des faiblesses de la nouvelle architecture politique de l’Union. Les institutions ne devront pas pour leur bon fonctionnement reposer sur les rapports interpersonnels, de nature fragiles et changeants.

Toutefois, le renforcement du Conseil européen est un progrès pour l’Europe car le nouveau Président du Conseil européen a, selon M. Van Rompuy, “plus le temps, cette matière première de la politique” . Dans une Union élargie, il n’était plus possible pour un chef d’Etat de connaître les positions de chacun avant le Conseil européen. Le tour rapide des capitales avant les Conseils n’est plus possible à 27. Sans mandat national, le Président du Conseil européen a le temps de bien connaître et de s’investir dans les dossiers politiques européens et peut avoir une vision de moyen à long terme.

Renforcé et plus dynamique qu’auparavant, la deuxième institution gagnante des réformes institutionnelles est le Parlement européen. Selon les think tanks bruxellois, le Parlement actuel est plus ambitieux et a fait le choix de prendre une attitude plus offensive vis-à-vis du Conseil et de la Commission. Sur le dossier Swift ou le SEAE, le Parlement se montre dans une dynamique juridique et politique forte. Guy Verhofstadt et d’autres parlementaires entendent “arracher le pouvoir de l’exécutif européen” en utilisant l’arme budgétaire si nécessaire.

En revanche, face au renforcement du Parlement et du Conseil européen, la Commission connaît une perte relative de pouvoirs. Le traité de Lisbonne ne ferait que consacrer le rôle diminué de la Commission depuis quelques années indiquent les auteurs du rapport. La Commission à 27 est plus faible car certains commissaires bloquaient les progrès sur des dossiers importants et le collège ne parvient plus aussi facilement à trouver des accords. En outre, la Commission de José Manuel Barroso est la première à ne pas voter en son sein sur les textes concernant les grands dossiers. “La Commission a abdiqué face au climat général de nationalisme qui règne parmi les Etats membres” estime M. De Schoutheete, ancien représentant permanent de la Belgique auprès de l’UE.
En ce qui concerne le Conseil des ministres, les avancées diplomatiques du traité de Lisbonne ont été aux dépens des Ministres des Affaires étrangères, leur rôle étant donc plus circonscrit qu’auparavant. Ils ne sont plus systématiquement présents au Conseil européen et ils ne président plus le Conseil des Affaires étrangères. Pour cette raison, les auteurs de l’étude estiment que la présidence tournante pourra prendre de l’ampleur et pourrait être utilisé par certains pays, notamment la Pologne lors de sa présidence en 2011, pour regagner du terrain perdu avec la mise en œuvre du traité de Lisbonne.

D’autres innovations du traité de Lisbonne tels que le rôle renforcé des parlements nationaux ou l’initiative citoyenne prendront plus de temps pour se mettre en place.

Renaud Dehousse, réagissant à la présentation de l’étude, a rappelé qu’il ne faut pas regarder uniquement “la photo, mais aussi le film” . Beaucoup d’évolutions apparaissent après au fur et à mesure des années lorsque les pratiques institutionnelles s’installent et évoluent. Citant l’exemple du domaine de la Justice et affaires intérieures qui est devenu pour la majeure partie communautarisé avec l’abolition du système des piliers dans le traité de Lisbonne, il a suggéré qu’à terme les affaires étrangères pourraient suivre une évolution similaire de leur statut hybride aujourd’hui vers la méthode communautaire.

Enfin, le traité de Lisbonne laisse entrouvert la possibilité d’une innovation institutionnelle majeure : la fusion des rôles du Président du Conseil européen et du Président de la Commission européenne. En effet, si le traité précise que le Président du Conseil européen ne peut exercer un mandat national, le cumul avec un mandat européen n’est pas exclu. Les avis étaient partagés parmi les chercheurs présents sur le bien-fondé d’un tel développement. Certains prévoyaient plutôt une alliance stratégique entre le Parlement et la Commission pour promouvoir l’intérêt européen dans les années à venir.


En savoir plus :

Un an du traité de Lisbonne - Touteleurope.eu

“Nouvelles institutions, nouveau leadership ? La mise en oeuvre du traité de Lisbonne” , Philippe de Schoutheete - Notre Europe

European Policy Centre

L’Institut Egmont

Centre for European Policy Studies

Votre avis compte : avez-vous trouvé ce que vous cherchiez dans cet article ?

À la une sur Touteleurope.eu

Flèche

Participez au débat et laissez un commentaire

Commentaires sur Le traité de Lisbonne 1 an après : les gagnants et les perdants

Lire la charte de modération

Commenter l’article

Votre commentaire est vide

Votre nom est invalide