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La semaine décisive de Mariano Rajoy

Mariano Rajoy s’apprête à vivre une semaine décisive pour son avenir politique. Le Premier ministre espagnol rencontre aujourd’hui la chancelière allemande Angela Merkel, en prévision du Conseil européen sur le budget des 7 et 8 février prochains. Durant cette rencontre, le chef du gouvernement espagnol, accompagné du ministre de l’Economie, Luis de Guindos, et du ministre de l’Industrie, José Manuel Soria, essayeront de convaincre Angela Merkel que la relance de l’économie européenne est la seule solution pour sortir la zone euro d’une crise dans laquelle celle-ci est enfoncée depuis maintenant quatre ans.

M. Rajoy, tout comme l’Italien Mario Monti, essaye d’empêcher d’éventuelles coupes drastiques dans le budget de l’Union, et notamment dans la PAC et la politique de cohésion. Des coupes sont désirées par l’Allemagne et surtout par le Premier ministre britannique David Cameron.

Allemagne-Espagne, des positions difficiles à concilier

Durant le sommet UE-Amérique Latine, M. Rajoy avait déjà interpellé la chancelière allemande, lui demandant de mettre en œuvre des politiques économiques expansionnistes en Allemagne afin de tirer la croissance de l’ensemble du continent vers le haut, ce à quoi la chancelière lui a répondu que ses actions avaient déjà été mises en place et que l’Espagne devait aussi compter sur ses partenaires extérieurs à la zone euro, dont de nombreux pays d’Amérique latine. La chancelière s’était également montrée très inquiète des chiffres du chômage en Espagne, notamment en ce qui concerne les jeunes, dont plus de la moitié sont actuellement sans emploi. Pourtant, Mme Merkel ne paraît pas prête à revenir sur sa décision de diminuer de 20 milliards d’euros la dotation annuelle versée à l’Espagne par l’UE, qui a pourtant besoin de fonds européens pour mettre en place plusieurs plans de relance de l’activité économique. Durant cette réunion, M. Rajoy tentera également de renforcer les accords bilatéraux entre les deux pays, notamment en ce qui concerne l’emploi, la mobilité étudiante et professionnelle, et la production d’énergie.

Mais l’affaire Barcenas a tout récemment largement égratigné la figure et la force politique de Mariano Rajoy. Ne bénéficiant plus du soutien de la population, le Premier ministre espagnol devrait éprouver de nombreuses difficultés à faire accepter la moindre concession à la chancelière allemande, et plus généralement à l’ensemble de ses homologues européens. Car même si à ce jour rien n’a encore été prouvé dans cette affaire supposée de corruption, l’image du gouvernement et de son chef n’en est pas moins considérablement ternie, et fait naitre de nombreux doutes sur la légitimité politique et éthique du Premier ministre espagnol pour les autres chefs d’Etat et de gouvernement européens. Enrique Guerrero, eurodéputé socialiste, a notamment affirmé que cette énième affaire de corruption affaiblit la position de l’Espagne car les décisions qui se prennent en Europe, et notamment au Conseil européen, doivent pour être acceptées par la population se baser sur la confiance du pays envers son chef.

Un sommet qui tombe mal pour le chef du gouvernement espagnol

Dans ce contexte difficile, la rencontre organisée avec la chancelière allemande à Berlin passe largement au second plan. La conférence de presse, prévue lundi, constitue en effet la première occasion pour le Premier ministre espagnol de répondre aux questions des journalistes depuis la publication des carnets de Luis Barcenas dans El Pais. En effet, depuis plusieurs jours, les révélations du journal El Mundo, reprises jeudi 31 janvier par le quotidien El Pais, ont fait l’effet d’une bombe médiatique sans précédent. En livrant au quotidien les comptes du parti entre 1990 et 2008, l’ancien trésorier du Parti Populaire (PP) Luis Barcenas a jeté un énorme pavé dans la mare. Mariano Rajoy, alors cadre du parti, aurait touché près de 25 200 euros de dotations annuelles entre 1997 et 2008, dans le cadre de financements occultes opérés par des entreprises de construction. Malgré le fait que ces transactions soient légales, le financement des partis par des intérêts privés étant à l’époque autorisé, la dissimulation de ces financements ainsi que les rémunérations des cadres du parti ont choqué de nombreux Espagnols.

La mise en place d’un comité extraordinaire exécutif au sein du PP, couplé au lancement d’un audit extérieur la semaine dernière n’a pas suffi. La coïncidence troublante entre ces financements et l’obtention de contrats publics par certaines entreprises du BTP au début des années 2000 est rapidement devenu l’argument n°1 de l’opposition socialiste, qui a demandé hier la démission de Mariano Rajoy et la tenue de nouvelles élections. Alfredo Pérez Rubalcaba a ainsi affirmé que le Premier ministre devait “abandonner la présidence du gouvernement car il ne peut pas faire face à la situation très grave que traverse l’Espagne” . La population, et notamment le mouvement des “Indignados”, né au plus fort de la crise en 2010, demande également la démission du chef du gouvernement. Une pétition lancée sur le site Internet change.org a déjà recueilli près de 800 000 signatures. Des centaines de manifestants ont occupé l’entrée du siège du PP, littéralement prise d’assaut depuis plusieurs jours.

Ayant perdu la confiance de ses concitoyens, ainsi que celle de certains dirigeants européens, Mariano Rajoy aura de nombreuses difficultés à rester au premier plan des discussions au sommet lors du Conseil européen des 7 et 8 février prochains. Dans ce contexte, les négociations avec la chancelière allemande s’annoncent également très mal pour le chef du gouvernement espagnol, qui n’a pas pour l’instant réussi à endiguer la crise qui frappe son pays depuis maintenant quatre ans.

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