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La perspective européenne s’éloigne pour la Macédoine

La Macédoine votait ce dimanche pour renouveler son Parlement. Des élections anticipées qui se sont tenues dans un contexte difficile entre accusations de corruption et promesses douteuses, avec en toile de fond une adhésion à l’UE qui semble s’éloigner de plus en plus. Un scrutin dont les enjeux étaient pourtant cruciaux pour l’avenir du pays, comme en atteste le taux de participation, le plus haut jamais atteint. Le Premier ministre sortant, Nikola Gruevski sera à la tête de la coalition menée par son parti de la droite nationaliste, le VMRO-DPMNE.

Un contexte de crise sociale, économique et politique

Depuis le mois de janvier, la Macédoine traverse une grave crise politique qui a vu le Parlement boycotté par des députés qui dénoncent les méthodes jugées autoritaires du gouvernement. Pendant quatre mois, 38 parlementaires de l’opposition ont bloqué les travaux de l’Assemblée, protestant contre le gel des comptes bancaires du magnat des médias, Velij Aramkovski, accusé d’évasion fiscale.

Le Premier ministre s’est donc vu dans l’obligation de convoquer de nouvelles élections législatives suite à la dissolution de la Sobramie, chambre unique du Parlement. Elles ont finalement eu lieu dimanche dernier, au terme d’une campagne dominée par les questions intérieures, comme l’explique l’analyste politique Artan Sadiku : “le débat s’est focalisé sur les questions intérieures, économiques et sociales. L’opposition a attiré l’attention sur les dérives autoritaires du gouvernement et la présence de plus en plus forte de la police. On en a vu l’exemple hier encore avec l’arrestation en public d’un des leaders de l’opposition, au vu et au su de tous” .

La Sobramie est la chambre unique du Parlement, et compte 120 membres élus au scrutin proportionnel pour 4 ans. Pour les élections législatives, le pays est divisé en six circonscriptions élisant chacune 20 députés. Le système électoral garantit la représentation des minorités de même que celles des femmes puisque les listes électorales doivent obligatoirement comprendre au moins 30% de candidates.

Défendant son bilan, le gouvernement souhaitait encourager les électeurs à faire le choix de la continuité “pour poursuivre les réformes en évitant les questions de relations extérieures. Son but était de mettre en avant ses accomplissements sur le plan intérieur, alors même que la Commission européenne a indiqué récemment qu’ils sont insuffisants” . En visite à Skopje au début du mois avril, le commissaire à l’Elargissement Stefan Füle n’avait pas hésité à affirmer que la Commission n’avait “pas vu les progrès attendus” , notamment en matière de dialogue politique, de réforme de l’administration judiciaire et de l’administration publique, de combat contre la corruption, ou encore de liberté d’expression.

Un exemple récent rapporté par le politologue tend à confirmer les inquiétudes de l’UE : “le pays devait adopter une législation anti discrimination pour se conformer aux exigences européennes. Or au dernier moment, des dispositions concernant la discrimination envers les minorités, ou en raison de l’orientation sexuelle ont été supprimées. Cela a provoqué beaucoup de critiques de la part des institutions européennes et internationales. Il est donc flagrant que la Macédoine a d’importantes lacunes en ce qui concerne la liberté d’expression et les droits de l’homme” .

L’adhésion à l’UE, grande absente de la campagne

Cela n’aura pas suffi à l’union sociale-démocrate SDSM, principal parti d’opposition, pour l’emporter. Mais le SDSM resserre nettement l’écart avec le parti de Nikola Gruevski, et espère obtenir 45 sièges contre 18 précédemment. Une progression qui s’explique en partie par “la publication de documents Wikileaks peu avant le scrutin, accusant le gouvernement d’employer des méthodes illégales vis-à-vis de ses opposants pour les réduire au silence” , estime A. Sadiku.

Cinq partis sont représentés au Parlement. Les deux principaux sont :

Le VMRO-DPMNE
(Organisation révolutionnaire intérieure de Macédoine-Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne). Parti de droite fondé en 1990 dirigé depuis 2005 par le Premier ministre sortant Nikola Gruevski. Principal parti du gouvernement, il est membre associé du Parti populaire européen.

Le SDSM
(Alliance social-démocrate de Macédoine). Parti de gauche, héritier l’ancienne ligue communiste, dirigé depuis mai 2009 par l’ancien Président de la République (2004-2009), Branko Crvenkovski. C’est le principal parti d’opposition.


Grande absente de la campagne : la perspective d’adhésion à l’Union européenne, question qui structurait pourtant le débat public et politique avant ces législatives. Pour Artan Sadiku, “c’est une question très sensible, la plupart des hommes politiques l’ont donc éludée au cours de la campagne, craignant des conséquences négatives sur leur score. De fait, l’élection aurait pu se transformer en referendum sur l’adhésion, si les partis avaient eu la volonté politique de prendre fermement position sur cette question cruciale. Il s’est agi au contraire d’une campagne partisane très peu axée sur la perspective européenne.”

C’est toujours sous l’angle du conflit avec la Grèce à propos du nom du pays qu’est abordée la question de l’adhésion de la Macédoine à l’Union européenne. Pour le gouvernement, c’est même la source de tous les maux du pays, y compris sur le plan socioéconomique. “Avec un tiers de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté et un chômage qui atteint les 30%, la Macédoine est l’un des pays les plus pauvres des Balkans. Cela s’explique par le manque d’investissements étrangers, et par les conséquences de la crise économique mondiale dont la Macédoine a durement souffert. Mais le gouvernement essaie de relier le retour des investissements avec conflit avec la Grèce” .

D’un point de vue européen, la victoire du pouvoir sortant semble être de mauvais augure alors que le début des négociations ne cesse d’être repoussé. C’est en tout cas le point de vue de l’opposition, qui accuse le gouvernement de détourner le pays du chemin de l’adhésion.


En savoir plus

L’observatoire des élections eu Europe : Macédoine - Fondation Schuman

Les résultats détaillés (en macédonien)

Le Courrier des Balkans : portail de la Macédoine

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