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La crise européenne, et après ?

Après avoir analysé les causes de la “crise” européenne dans un précédent numéro du Débat, le philosophe Paul Thibaud livre, dans cette nouvelle livraison de la revue, ses recommandations pour relancer le projet européen sur de nouvelles bases et invite trois contradicteurs à réagir à ses propos.

Les propositions de Paul Thibaud

L’ancien directeur de la revue Esprit en appelle à rompre avec la méthode fonctionnaliste où prédomine la dimension économique. Il se dit favorable à un projet véritablement politique qui s’appuierait sur les nations, jugeant hypothétique l’instauration d’une Europe fédérale.

La vision de Paul Thibaud se traduit en matière économique par le concept de “concurrence équitable”: des droits de douane pourraient être instaurés pour “protéger” les préférences sociales des Etats. Sur le plan politique, l’Europe devrait se construire sur la “confiance entre les nations” , “ce qui exclut en particulier une affirmation sans limite de la supériorité du droit européen” . Au lieu de rechercher une impossible “unité de pouvoir” , elle devrait s’appuyer sur “un réseau de pouvoirs nationaux” . Les communautés politiques nationales s’exprimeraient à travers leurs parlements et non dans le cadre d’un Parlement européen peu légitime pour “illustrer une européanité pure qui n’a guère d’existence” .

Pour Paul Thibaud, l’Europe a surtout besoin d’être définie. Cela suppose une interrogation sur son passé mais également une réflexion sur son avenir, qui passe par la définition d’une“doctrine [européenne] de la mondialisation” .

Les réactions

Le politologue Paul Magnette, directeur de l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles, remarque que les propositions de Paul Thibaud s’inscrivent dans la lignée de la “thèse du rattrapage politique” développée en France depuis Maastricht : après une première phase de la construction européenne fondée sur l’économique et le judiciaire, il y aurait chez les citoyens “un désir de ressaisissement politique” . Selon Paul Magnette, l’Europe est “une nouvelle manière de faire de la politique entre Etats souverains” . Mais comme elle est essentiellement basée sur le compromis, elle fait “peur” aux citoyens français “formés dans le moule simplificateur de la politique binaire et dans le mythe du pouvoir infaillible” .

Philippe Moreau Defarges, chercheur à l’Institut Français des Relations Internationales, estime également que “le marché unique, loin d’être une question technocratique, est un formidable vecteur d’unification politique” . La doctrine européenne de la mondialisation que Paul Thibaud appelle de ses vœux existe bel et bien (soutien aux partenariats régionaux, “initiatives en faveur d’une mondialisation maîtrisée, régulée, soucieuse de solidarité”) et doit maintenant se matérialiser dans les faits.

Des trois discutants, l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine est celui qui partage le plus le diagnostic de Paul Thibaud. La “fuite en avant institutionnelle et géographique” de l’Union est pour Hubert Védrine à l’origine d’un “divorce entre élites intégrationnistes et populations” auquel on ne pourrait remédier qu’en clarifiant le projet européen.

Dans son texte de conclusion, Paul Thibaud note que les réponses de ses contradicteurs illustrent une “difficulté essentielle du débat européen, à savoir la réticence à s’éloigner de ce qui est acquis et institué” . Il propose une nouvelle fois la rupture avec les schémas établis : “pour sortir de la crise, il faudrait qu’une (ou plusieurs) des grandes nations qui ont porté l’Europe sache vouloir et proposer une réorientation radicale” .

A noter au sommaire de ce numéro un article de Krzysztof Pomian également consacré à l’avenir de l’Union européenne.

Le Débat n°140, Gallimard, 2006

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