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L’entretien : Jerzy Buzek, bilan à mi-mandat

Il y a un an, alors même que l’on commémorait le 20e anniversaire de la chute du communisme, l’accession d’un député européen de l’Europe de l’Est, Jerzy Buzek, à la présidence du Parlement européen fut saluée comme un événement historique. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que la première partie du mandat de Jerzy Buzek s’est exercée dans des circonstances difficiles pour l’Union européenne : l’avenir du traité de Lisbonne était incertain et la crise économique allait en empirant. Après plus d’un an à la tête du Parlement européen, Jerzy Buzek revient pour Touteleurope sur son bilan à mi-mandat.

La mise en œuvre harmonieuse du traité de Lisbonne, les propositions dans le domaine de la politique énergétique, les négociations sur les perspectives financières pour la période 2014-20 et la stratégie Europe 2020 ont figuré parmi ses principales priorités en tant que président. M. Buzek défend par ailleurs l’action de l’Union européenne et du Parlement face à la crise économique et met en avant le travail accompli sous sa supervision en matière de réglementation des secteurs bancaire et financier.

Dans le domaine de la politique étrangère, M. Buzek se montre intransigeant quant à la nécessité de promouvoir les droits de l’homme dans le cadre des relations commerciales et diplomatiques de l’UE. Il relève aussi et en particulier que la crédibilité de la défense des droits de l’homme à l’extérieur de l’UE requiert de celle-ci qu’elle soit cohérente sur ce chapitre en son sein même.

Enfin, interrogé sur l’avenir de la démocratie européenne, M. Buzek semble favorable à une plus grande « européanisation » des élections européennes grâce à la création de listes transnationales. À mi-chemin de son mandat, M. Buzek se montre satisfait du système actuel de présidence partagée en vertu duquel le choix du président repose sur un accord politique entre les principaux groupes au Parlement européen. Le mandat de deux ans et demi de M. Buzek vient à terme en décembre 2011.

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Touteleurope.eu : De quelles réalisations êtes-vous le plus fier au terme de votre première année de mandat ?

Jerzy Buzek : Mon premier mandat a été principalement consacré à la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Je suis intimement persuadé que ce traité fournira aux citoyens européens un instrument particulièrement efficace pour relever les défis et combattre les menaces auxquels l’Union européenne doit faire face, au nombre desquels un taux de chômage de plus en plus élevé, les questions énergétiques et les mesures de lutte contre le terrorisme. Je me suis efforcé de faire en sorte que le traité de Lisbonne soit effectif pour les citoyens. Une deuxième question à régler était de déterminer comment réagir à la crise économique aussi rapidement que possible pour assurer un retour à la croissance. J’ai également eu d’autres priorités, dont celle de la Communauté européenne de l’énergie pour un approvisionnement en énergie sûr et plus économique, celle des perspectives budgétaires et, évidemment, celle des droits de l’homme, dont on sait l’importance majeure aux yeux du Parlement européen.
Actuellement Président du parlement européen, Jerzy Buzek est eurodéputé depuis 2004. Il fut notamment professeur de science technique puis membre de l’Académie polonaise des sciences et représentant de la Pologne auprès de l’Agence Internationale de l’Energie pour le programme consacré à l’effet de serre. Depuis 1980, il est membre du syndicat “Solidarnosc” (“Solidarité”). De 1997 à 2001, il a été Premier Ministre de Pologne dirigeant la coalition de centre-droit. Durant son mandat, il a notamment contribué à faire entrer son pays dans l’OTAN et à préparer la Pologne pour l’intégration dans l’Union européenne. Lire sa biographie ici.

TLE : Que fait le Parlement européen pour remédier à la crise financière ?

JB : Il était nécessaire de réagir rapidement avec un plan de sauvetage pour certains pays et de faire preuve de solidarité. Dans d’autres pays, des mesures d’austérité devaient être mises en œuvre pour rétablir la stabilité financière. La solidarité entre États membres et une gestion économique responsable sont essentielles dans de telles circonstances.

Nous nous sommes concentrés sur les exigences de fonds propres pour les institutions financières et sur la gouvernance économique en Europe afin d’éviter une répétition de la crise à l’avenir. L’union monétaire ne suffit pas, elle doit aller de pair avec une union économique. Les bonus des banquiers n’étaient pas justifiés et nous avons réglé la question par une législation. Il nous faut aussi une stratégie de sortie de crise, nous ne pouvons nous accommoder de la stagnation. Nous voulons encourager la croissance et créer des emplois pour nos citoyens et cela implique que des réformes structurelles soient adoptées. La stratégie « Europe 2020 », qui établit les conditions de notre compétitivité sur les marchés mondiaux, est un élément important dont nous avons débattu récemment. Cette stratégie sera une bonne chose pour l’avenir.

TLE : Quelles sont les priorités de politique étrangère du Parlement européen ?

JB : La première des priorités était d’organiser le Service européen d’action extérieure (SEAE) et notre diplomatie dans une perspective communautaire. L’UE doit être représentée avec force. La crise économique et le changement climatique sont des enjeux mondiaux, tout comme le terrorisme ou les armes nucléaires. L’UE doit être forte à l’extérieur comme à l’intérieur si nous voulons répondre aux attentes de nos citoyens. Ce service d’action extérieure doit servir la cause de tous les Européens. Il nous aidera à promouvoir une gouvernance mondiale. Je me suis efforcé cette dernière année de changer certaines choses sur ce front. L’Union européenne et les États-Unis représentent, ensemble, 800 millions de citoyens. Si nous mettons ensemble des propositions sur la table du G20 et essayons, en tant que communauté euro-atlantique, d’influencer le reste du monde, nous pouvons obtenir des résultats. Nous devons travailler ensemble dans cette optique si nous voulons influencer la politique mondiale au nom des citoyens. Dans un monde globalisé, la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite, la Russie et le Japon sont tous des acteurs d’importance. La mondialisation est partout. Voilà pourquoi nous devons présenter un front fort et uni dans notre action de politique étrangère.

TLE : L’intérêt des États-Unis pour l’Europe faiblit-il ?

JB : Je pense qu’en tant qu’Européens, nous pourrions prendre beaucoup plus de responsabilités pour nous-mêmes, notre continent, voire d’autres continents. Nous devons faire davantage que dans les années 80 et 90, lorsque le rideau de fer divisait l’Europe et que les Américains étaient dans l’obligation de nous soutenir.

Par exemple, nous avons réglé nous-mêmes l’épineux problème des Balkans occidentaux en proposant aux pays concernés d’adhérer à l’UE. Nous avons aussi un partenariat oriental en vertu duquel des accords de coopération sont noués avec six États de la frontière orientale de l’UE. Pour les Américains, la nécessité d’une présence en Europe est donc moins pressante qu’il y a 20 ou 30 ans ou qu’au sortir de la guerre. Par ailleurs, notre intégration est très profitable pour les Américains, qui ont en face d’eux un solide partenaire de 500 millions de citoyens, la plus grande économie du monde. Le président Obama en est conscient ; du reste, le Parlement et les institutions européennes accueillent demain Hilary Clinton et cette visite témoigne que les Américains partagent nos conceptions.

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TLE : Que fait le Parlement européen pour défendre les droits de l’homme en Chine ?

JB : L’attribution du prix Nobel à Liu Xiaobo est une grande nouvelle. J’étais en Chine en mai dernier et nous avons discuté longuement et très ouvertement de la question des droits de l’homme avec le Premier ministre et le président du Parlement chinois. Les droits de l’homme devraient toujours être mentionnés quand on discute économie et coopération. Une question d’une telle importance ne peut jamais être laissée de côté. Nous sommes convaincus que les choses vont s’améliorer.

Nous sommes en train de jeter un pont entre la Chine et l’Union européenne en tant que telle. Que des relations bilatérales plus ou moins fortes existent déjà avec certains États membres est une bonne chose. De notre côté, nous nous préparons à l’établissement de relations bilatérales avec la Chine. Il est très important de rappeler les droits de l’homme à la Chine.

J’appelle les autorités chinoises à libérer immédiatement et sans condition le prix Nobel, ce geste est absolument nécessaire pour notre coopération.

TLE : Quelles sont vos priorités pour les négociations relatives au budget de l’UE ?

JB : Certaines décisions découlant du traité de Lisbonne, tel le Service d’action extérieure, doivent être financées. Cela dit, nous pouvons réaliser d’importantes économies si les représentations diplomatiques de l’UE s’avèrent plus efficaces que les représentations bilatérales. Il est donc possible d’intégrer le soutien de la politique étrangère dans le budget.

Il est très important d’investir des fonds dans la stratégie « Europe 2020 ». Pour échapper à la stagnation, il nous faut une stratégie de sortie de crise. Une croissance de l’ordre de 4 à 5 % est nécessaire pour une décrue du chômage. Le budget doit être axé sur la construction et la modernisation d’une Europe nouvelle et concurrentielle.

La compétitivité tient en deux volets : d’une part, l’économie du savoir et, d’autre part, les transports car ils libèrent le potentiel des régions européennes. Investir dans l’énergie, l’internet et les TIC est également essentiel. Si nous voulons relancer le marché unique, il nous faut investir dans de nombreux domaines pour être économiquement forts. Nous devons articuler nos investissements le long de deux axes : recherche et innovation et fonds structurels.

TLE : Approuvez-vous les propositions de listes transnationales pour les élections européennes ?

JB : À propos des élections transnationales, je voudrais dire qu’il est indispensable que nos citoyens sachent à quel scrutin ils prennent part. Les partis en lice pour les élections européennes étant ordinairement les partis nationaux, les citoyens ignorent bien souvent qu’ils votent pour un scrutin européen ! Si nos partis avaient aussi un nom européen, il deviendrait évident qu’il s’agit d’élections européennes et non pas nationales. Cela pourrait faire une énorme différence pour ce qui est de la perception de l’Europe comme une entité commune et de l’existence d’un sentiment de responsabilité commune. Je soutiens cette démarche. Nos partis nationaux doivent se rapprocher des partis européens. Ces partis européens doivent se faire mieux connaître de nos concitoyens lors des élections.

TLE : Faut-il changer le principe du partage de la présidence du Parlement européen entre groupes politiques ?

JB : La présidence partagée fonctionne depuis 1979. Il n’est jamais arrivé qu’un seul parti ait une majorité de plus de la moitié des sièges, d’où la nécessité pour un parti de s’entendre avec les autres afin de dégager la majorité qui lui permettra d’accéder à la présidence. Tout est une question d’accords politiques. Les grandes coalitions sont monnaie courante. Il peut arriver qu’un Premier ministre soit d’un parti différent de celui des présidents des chambres basse et haute du parlement. Notre démocratie repose sur des élections libres, suivies d’accords politiques entre les membres élus du parlement. On trouve la même procédure dans de nombreux parlements nationaux. Dans mon pays, la Pologne, 35 % au minimum des commissions sont aux mains de l’opposition. Les accords politiques sont la clé. Cela fonctionne très bien comme cela et je ne vois pas l’intérêt d’y mettre un terme.

TLE : Régler la question des Roms est-il l’affaire de la Roumanie et de la Bulgarie ou de l’UE ?

La question des Roms est sans aucun doute européenne. Nous qui prêchons les droits de l’homme partout dans le monde, tantôt au Caire, tantôt à Pékin ou à Moscou, commençons par balayer devant notre porte.

Nous devons protéger la minorité rom contre tout type de discrimination. Le problème requiert une solution européenne. J’ai justement rencontré aujourd’hui mes collègues, dont Lívia Járóka de Hongrie, unique membre du Parlement européen d’origine rom, et d’autres collègues de la commission du développement régional et de celle des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. Nous aimerions discuter de la manière dont on peut aider la communauté rom via l’utilisation des fonds structurels. Cela fait des siècles que les Roms sont citoyens européens.

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