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Italie : le début d’une révolution politique ?

Depuis l’arrivée de Mario Monti à la tête du gouvernement italien le 16 novembre 2011, le paysage politique du pays est en pleine mutation. Particulièrement depuis quelques semaines, de nombreux scandales agitent les partis. La Ligue du Nord est discréditée du fait de détournements de fonds publics mettant en cause son fondateur Umberto Bossi, et son fils Renzo. Luigi Lusi, trésorier de la Margherita, petite formation de centre gauche, aurait quant à lui dérobé quelques 12 millions d’euros.

La Ligue du Nord dans la tourmente

Début avril, Umberto Bossi, chef historique de la Ligue du Nord, parti politique populiste et autonomiste autoproclamé “aux mains propres” , et traditionnel allié du parti de Silvio Berlusconi, le Peuple de la Liberté (PDL), a été contraint de quitter la direction du parti pour en devenir président - un poste honorifique. Cette démission a été immédiatement suivie de celle de Renzo Bossi, conseiller régional de Lombardie, région dont Milan est la capitale. Les responsables de la Ligue sont accusés de “détournements de fonds” , d’escroquerie aux dépens de l’Etat” , et de “recyclage” .

Umberto et Renzo Bossi, ainsi que Rosi Mauro, vice-présidente du Sénat italien, auraient puisé dans les caisses du parti pour financer des dépenses privées. A titre personnel, le fils du chef de la Ligue du Nord, rémunéré 12 000 euros par mois, se serait servi du parti comme d’un “distributeur automatique” . L’enquête est partie d’investissements surprenants de la Ligue en Tanzanie et à Chypre pour des sommes supérieures à 5 millions d’euros. Le parti se serait peut-être également livré à un blanchiment d’argent provenant de la mafia calabraise. Les parquets de Milan, Naples et Reggio de Calabre procèdent actuellement aux investigations.

Pour la Stampa, la démission d’Umberto Bossi ne représente rien de moins que la “fin d’une ère” dans la politique italienne. D’après le quotidien italien, “ce n’est pas un hasard si l’adieu d’Umberto Bossi est arrivé 5 mois à peine après celui de Silvio Berlusconi (…), comme certains veufs inconsolables, l’un ne pouvait pas survivre à la fin de l’autre. Leur sortie de scène change brusquement, et probablement pour toujours, le profil de la droite italienne et le paysage politique national tout entier” .

Le financement public des partis politiques en question

Le financement des partis politiques s’apparente à une polémique sans fin en Italie. En 1993, les Italiens s’étaient massivement prononcés pour la suppression pure et simple du financement public. Mais cette décision référendaire n’avait pas été suivie d’actes durables. Depuis 1994, le budget de l’Etat prend en charge le remboursement des frais électoraux à hauteur de 500 millions d’euros, versés sur cinq ans à l’ensemble des partis, en fonction du nombre de suffrages obtenus. Toutefois, aucun contrôle véritable n’est opéré sur l’usage fait de cet argent public et aucun rapport des dépenses réelles des partis n’est établi.

Face au scandale des malversations de la Ligue du Nord et de la Margherita, les principales formations politiques italiennes ont tenté, à l’appel du président de la république Giorgio Napolitano, de calmer l’exaspération grandissante du pays. Refusant le contrôle de la Cour des comptes, les partis se sont accordés sur la constitution d’un tribunal composé de trois magistrats indépendants pour veiller à la régularité et la transparence des budgets. Cependant, il n’est pas certain que cette décision “a minima” suffise à apaiser la colère des Italiens.

Plus précisément, les bilans des partis seraient vérifiés par ce tribunal et toute irrégularité ferait l’objet d’une amende trois fois supérieure à son montant. De plus, les spéculations sur le diamant, l’or ou les devises étrangères - auxquelles la Ligue du Nord se serait livrée - seraient bannies. Enfin, les donations de particuliers devront être rendues publiques lorsqu’elles dépasseront 5000 euros. A l’heure actuelle, une contribution privée de moins de 100 000 euros procure un avantage fiscal de 19 000 euros déductible des impôts.

Le début de grandes manœuvres politiques ?

Dans ce contexte, un bouleversement de la scène politique italienne est à prévoir. En premier lieu, Roberto Maroni cherche à s’emparer de la direction de la Ligue du Nord après en avoir critiqué le fonctionnement et la dérive népotique. M. Maroni avait participé à la fondation du parti en 1984 et avait occupé les postes de ministre de l’Intérieur entre 1994 et 1995 puis entre 2008 et 2011, et de ministre des Affaires sociales entre 2002 et 2006, sous les gouvernements de Silvio Berlusconi. Roberto Maroni souhaite “faire place nette” et semble être la seule personnalité apte à restaurer la crédibilité de la Ligue alors que les élections municipales auront lieu les 6 et 7 mai prochains.

Silvio Berlusconi lui-même, pourtant encore au cœur de l’affaire des parties fines “bunga bunga” et, plus récemment, de versements auprès de la mafia pour assurer sa protection, a également réagi en annonçant une initiative de “vaste portée” . Angelino Alfano, numéro 2 du Peuple de la Liberté, a présenté le projet comme “la plus grande nouveauté que la politique italienne ait connue depuis l’entrée du Cavaliere en politique en 1994” .

D’autre part, le centre italien prépare sa recomposition. Pier Ferdinando Casini, leader de l’Union du centre et hors du giron de Silvio Berlusconi depuis 2008, a annoncé la dissolution de son parti. Cherchant à ” rassembler toutes les forces modérées, catholiques, libérales, réformistes et laïques” , M. Casini a été rejoint par 29 parlementaires du PDL et par Gianfranco Fini, président de la Chambre des députés et également ancien membre du Peuple de la Liberté.

Quant à Mario Monti, l’actuel président du Conseil reste pour le moment à l’écart des remous partisans, s’affichant plus que jamais hors des tractations politiques. Ayant survécu à son impopulaire réforme du travail, son gouvernement technique, qui va de la gauche à la droite, semble fonctionner - également grâce à la figure arbitrale du président Napolitano. D’aucuns pourront y voir une nouvelle façon de faire de la politique.

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