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Frédéric Lerais : “Notre rapport est un tableau assez impressionniste de l’évolution du bien être social en Europe”

Fréderic Lerais - DRFrédéric Lerais est membre du Bureau des Conseillers de Politique Européenne (BEPA) de la Commission européenne. Avec Roger Liddle, il est l’auteur du rapport sur la réalité sociale européenne qui sert de support à la consultation de la Commission.
(NB : les propos tenus ici par M. Lerais n’engagent pas son administration)

Quel est l’objectif du rapport sur la réalité sociale que vous avez remis à la Commission européenne ?

L’objectif de ce rapport, c’est d’abord d’accompagner la consultation lancée en février dernier par la Commission pour interroger les citoyens sur les éléments de la réalité sociale, avec une question majeure : quelles sont les questions sociales qui sont importantes aujourd’hui en Europe ?

Cette consultation ne pouvait pas se faire sans un support. Le but de ce document est de dresser un panorama du bien être social dans l’Europe à 27. L’idée derrière ce thème est la suivante : les questions de croissance sont importantes mais, en même temps, un certain nombre de travaux récents mettent l’accent sur l’importance du bien être, qui ne se résume pas simplement au PIB par tête.

Notre ambition, qui reste modeste, est d’essayer de décrire les facteurs derrière le bien être social. On retrouve des choses très variées, comme l’emploi, la santé, les relations de voisinage, les sentiments liés à la criminalité et l’insécurité… Ce rapport est un tableau assez impressionniste de l’évolution du bien être social en Europe et de ses grandes tendances. L’idée est d’inciter les gens à s’emparer de ce débat.

Quelles sont les principales transformations que vous avez observées dans les sociétés européennes ?

La principale tendance de ces 30 ou 40 dernières années, c’est évidemment la mondialisation. Celle-ci induit un sentiment d’insécurité lié au changement de la structure de l’emploi, qui donne le sentiment de fragiliser une partie des travailleurs, notamment les moins qualifiés. C’est un sentiment très répandu, surtout parmi les Français.

Le rapport insiste sur le fait que ces changements ne viennent pas que de l’extérieur. Nous avons identifié quatre tendances internes. La première, c’est l’évolution vers une société de services. Aujourd’hui, deux tiers des emplois à temps plein sont dans les services. Ces emplois exigent des compétences différentes de celles que l’on avait dans l’industrie. Cela change la donne, le type de qualification et les besoins des gens.

Deuxième tendance interne bien connue : le changement démographique. L’Europe connaît un vieillissement de sa population, avec une espérance de vie plus importante qu’autrefois et une très forte baisse de la fécondité. Cela a des implications financières au niveau des dépenses de santé, des retraites. Mais, au-delà des aspects budgétaires, il y a des aspects sociétaux importants. 30 % des personnes de plus de 70 ans vivent seules. La multiplication des familles recomposées fragilise beaucoup la prise en charge des seniors.

Troisième tendance, qu’on oublie parfois : la période de l’après guerre a vu un développement important de la protection sociale, qui a abouti à des résultats fabuleux, si l’on considère l’amélioration des systèmes de santé, la forte baisse de la pauvreté absolue, l’augmentation de l’espérance de vie. Il faut toutefois reconnaître certaines faiblesses à ces systèmes de protection sociale, ou tout du moins les défis qui se posent à eux. Par exemple, le système de retraite et de préretraite conduit à un retrait trop précoce des seniors du marché du travail. Un autre phénomène plus récent, pas tellement visible en France mais très marquant dans d’autres pays européens, est la montée de la pauvreté des enfants.

Dernière tendance : le changement des valeurs de la société, avec un délitement des liens sociaux lié au retrait des religions, au changement de modes de vie, au déclin de l’engagement politique. Cela change la gouvernance des politiques. Aujourd’hui, on est plutôt dans une société d’abondance, avec des consommateurs plus exigeants, de nouveaux défis en matière d’obésité ou de santé mentale… Les maux de l’abondance, en quelque sorte.

Avez-vous identifié des raisons d’espérer une amélioration du bien être européen ?

Oui, il y a des motifs de satisfaction. J’en vois au moins trois. Le premier, c’est que lorsqu’on interroge les Européens sur leur situation personnelle, la réponse est positive. Selon un sondage Eurobaromètre, 87 % des Européens disent “aller bien” .

Ensuite, d’un point de vue plus objectif, il y a quand même des bonnes nouvelles. D’abord la montée de l’espérance de vie. Aux alentours de 1800, l’espérance de vie était de 43 ans pour les hommes, aujourd’hui, elle est de plus de 70 ans. C’est quelque chose ! Il y a d’autres éléments qui me poussent à l’optimisme. Si l’on regarde la part des gens diplômés, on constate qu’il y a eu une formidable démocratisation du savoir.

On distingue des disparités assez fortes au sein des Etats membres de l’UE, notamment en ce qui concerne l’espérance de vie. Au regard de ces disparités, peut-on parler d’un “European way of life” ?

On ne peut pas nier les disparités en Europe. Mais il y a quand même certains mouvements communs. Les pays de l’Est ont connu un choc négatif au moment de la transition avant de revenir à des tendances partagées avec les autres pays. Ce n’est pas parce qu’il y a un décalage dans le temps à un moment donné que les choses ne convergent pas : les défis posés par l’allongement de la vie se posent par exemple à peu près de la même façon partout en Europe.

Par ce rapport, la Commission européenne cherche-t-elle à montrer qu’il existe des défis sociaux communs afin de justifier des interventions futures dans un domaine jusqu’ici réservé aux Etats ?

A l’occasion de cette consultation, on ne veut pas discuter de politique sociale, mais de l’état de la société au sein des pays européens. Cela nous paraît une étape tout à fait indispensable : ce n’est pas la peine de commencer à discuter de répartition des compétences de l’Union européenne si on ne sait pas où on en est.

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