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EU-Talk n° 25 avec Vivien Pertusot, responsable d’Ifri Bruxelles, sur le Brexit

A l’occasion du début de campagne du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni, Vivien Pertusot, responsable d’Ifri Bruxelles, a répondu à vos questions lors d’un live chat le vendredi 15 avril 2016. Enjeux, analyses, problématiques …

Référendum Royaume-Uni

Après avoir travaillé à l’OTAN et à la Carnegie Europe, Vivien Pertusot est actuellement responsable du bureau bruxellois de l’Institut français des relations internationales (Ifri) où il mène des recherches sur les questions d’avenir de l’Union européenne, sur les relations entre le Royaume-Uni et l’UE et sur les questions de coopération de défense. Il a dirigé l’ouvrage “The European Union in the Fog : Building Bridges between National Perspectives on the European Union” (en libre accès) et est l’auteur du récent article “Brexit : les risques du référendum” (téléchargement en libre accès).

Live Blog EU-Talk avec Vivien Pertusot, sur le Brexit
13h52 Toute l’Europe :
Bonjour, le chat commencera dans quelques minutes !

14h05 Vivien Pertusot
Bonjour, ravi d’être avec vous aujourd’hui. Je suis prêt répondre à toutes vos questions.

14h07 Commentaire de la part de Masha
Bonjour Monsieur Pertusot, La sortie du Royaume-Uni de l’UE est-elle si catastrophique ? Après tout ils ne sont pas membres de la zone euro et depuis les années 70s, le gouvernement anglais semble plus vouloir exploiter que construire l’Europe (cf : “I want my money back, questions des migrants aujourd’hui, politique pro USA…)

14h09 Vivien Pertusot :
Bonjour Masha, il est difficile de dire avec certitude qu’une sortie du Royaume-Uni serait une catastrophe, mais on ne peut pas dire qu’elle serait sans conséquence. Je m’explique.
D’un côté, le Royaume-Uni ne fait pas partie de beaucoup de politiques comme vous le soulignez et on peut même penser qu’il sera de plus en plus éloigné du noyau dur, qui est très clairement la zone euro.
D’un autre côté, le Royaume-Uni est un acteur important sur plusieurs dossiers, à commencer par les questions d’énergie et d’environnement, sans parler du commerce international.

14h11 Commentaire de la part de leacorbint
Le Royaume-Uni étant historiquement l’un des pays le plus eurosceptique, pensez-vous que la sortie du Royaume-Uni permette à l’Europe de progresser plus rapidement par la suite ?

14h12 Vivien Pertusot :
Plus généralement, le Royaume-Uni (que je vais raccourcir en R-U) fait partie des rares pays européens à forcer les autres à regarder au-delà du continent européen. C’est peu transparent dans les politiques, mais cela se voit au quotidien dans les débats.
Il y a trois grandes écoles pour répondre à votre question.
La première considère qu’une sortie du R-U pourrait avoir un effet domino et entraîner l’effritement, voire la désintégration à terme, de l’UE. On évoque, sans réelle preuve à l’appui, que les Tchèques ou les Danois, voire les Néerlandais (pays fondateur), pourraient suivre le pas des Britanniques.
La seconde considère que le R-U est le cheval de Troie de l’intégration. Un ‘Brexit’ pourrait alors permettre d’aller de l’avant libérer d’un Etat membre absolument opposé à toute forme d’intégration politique majeure. Cette école prend de plus en plus racine. On y retrouve beaucoup de fédéralistes, mais également d’autres qui considèrent que l’UE ne peut pas se permettre l’immobilisme en cas de ‘Brexit’.
La dernière école considère que cela ne changerait pas grand-chose et que l’UE continuerait à avancer avec ou sans le R-U et que toute de manière vu les priorités, un ‘Brexit’ est secondaire par rapport à la crise économique que traverse l’UE.

14h17 Commentaire de la part de michal53
Si le Royaume-Uni quitte l’UE, d’autres pays auront-ils la même idée ? Cela peut-il être le point de départ d’un éclatement de l’Europe ?

14h19 Vivien Pertusot :
Petit retour sur l’effet domino. Le R-U est souvent considéré comme le mouton noir, enclin à s’opposer à de grandes politiques (ex : l’euro ou Schengen). Mais, dans de nombreux cas, le R-U permet à d’autres Etats-membres de se cacher derrière lui. Ils n’oseraient peut-être pas s’opposer à la majorité sans l’appui britannique.
Par ailleurs, ils estiment qu’une UE sans le R-U serait irrémédiablement dominée par l’Allemagne et la France, ce qui n’enchante pas tous les Etats-membres.
Néanmoins, le risque d’effet domino est limité, car aucun débat national n’est aussi vindicatif sur l’UE que le débat britannique.

14h21 Commentaire de la part de lucas.choure
Comment les institutions européennes se préparent-elles à un éventuel Brexit ?

14h21 Commentaire de la part de fouquet
Quelle est le rôle de la Task force spécial Brexit de la Commission européenne dirigée par Jonathan Faull ?

14h22 Vivien Pertusot :
Les institutions européennes ont une attitude désormais réservée par rapport à la campagne.
Dans un premier temps, la Commission européenne, sous la houlette de Jonathan Faull, et le Conseil européen ont été très actifs pour trouver des arrangements afin de contenter les demandes britanniques sans trahir l’équilibre général européen.
Cela s’est vu notamment par l’activisme de Donald Tusk, le président du Conseil européen, pour trouver un accord au Conseil du mois de février. Rappelons ses déplacements à Paris pour rencontrer François Hollande et à Prague pour rencontrer Bohuslav Sobotka, le Premier ministre tchèque.
Désormais, les institutions ne veulent pas être perçues comme partisanes, car cela pourrait faire le miel des partisans d’une sortie. En outre, la Commission européenne reporte toute initiative qui pourrait être exploitée dans le débat britannique, telle que l’évaluation du cadre financier pluriannuel de l’UE à mi-parcours.

14h26 Commentaire de la part de vduselet
L’un des arguments avancés par les pro-Brexit est le budget que le Royaume-Uni consacre à l’Union européenne : sera-t-il plus riche s’il la quitte ?

14h26 Vivien Pertusot :
Officiellement, les institutions n’envisagent pas un ‘Brexit’, mais on peut imaginer que certains juristes planchent sur différents scénarios.
C’est une bonne question. Le lancement aujourd’hui de la campagne a donné lieu à quelques commentaires de la campagne Vote Leave indiquant qu’un ‘Brexit’ permettrait d’allouer davantage de ressources au National Health Service (NHS).
C’est difficile à dire en réalité. L’argent de la contribution britannique serait certes géré de manière nationale, mais beaucoup se sont habitués à certains soutiens européens, notamment dans les régions. Les priorités pourraient varier avec une utilisation strictement nationale, mais peut-être pas autant que les partisans du Brexit l’imaginent.

14h29 Commentaire de la part de cervino
Le Royaume-Uni est l’une des grandes puissances diplomatiques mondiales et l’un des seuls pays de l’UE à entretenir une armée conséquente. L’Union européenne peut-elle craindre pour sa sécurité en cas de Brexit ?

14h30 Vivien Pertusot :
Le sujet sécurité/défense et ‘Brexit’ est l’un des moins traités jusqu’à présent.
Rappelons tout d’abord que le R-U est peu enthousiaste à l’égard de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Cela se voit notamment au sein de l’Agence européenne de défense où les Britanniques bloquent depuis plusieurs années toute évolution du budget (30,5 millions d’euros).
Pour le R-U, la sécurité de l’Europe passe par l’OTAN.
En outre, le R-U n’est pas un grand contributeur dans les missions de PSDC. Il a été à l’initiative sur quelques opérations, dont celle actuellement déployée en Ukraine. Globalement, le R-U utilise la PSDC quand cela sert ses intérêts.
A priori, un ‘Brexit’ n’endommagera pas la sécurité de l’UE, car le R-U ferait encore partie de l’OTAN et n’est de toute manière aujourd’hui pas allant sur la PSDC.

14h34 Commentaire de la part de Achille
Quelle est la position des américains traditionnellement pro GB dans l’UE ?

14h35 Vivien Pertusot :
Si le paysage politique américain est polarisé sur beaucoup de sujets, il l’est bien peu sur le ‘Brexit’. Personne ne le souhaite. Pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les Etats-Unis perdraient leur point d’entrée dans l’UE. Il faudrait nouer une relation privilégiée et de long terme avec un autre Etat membre, ce qui n’est pas si évident.
Ensuite, les Américains estiment qu’un ‘Brexit’ affaiblira l’UE, partenaire important pour les Etats-Unis. Ce serait un signal négatif à une époque où la multipolarité est reine et les alliances traditionnelles importantes.
Enfin, les Américains préviennent les Britanniques que la relation spéciale qui existe entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni pourraient perdre en intérêt.

14h38 Commentaire de la part de Michèle84
Les négociations sur le TAFTA seront-elles rendues caduques par une décision de Brexit ?

14h38 Vivien Pertusot :
C’est pour toutes ces raisons que plusieurs leaders américains ont pris ou vont prendre la parole, à commencer par Barack Obama.
L’impact d’un éventuel ‘Brexit’ sur les négociations sur le TTIP est difficile à qualifier.
Les négociations piétinent déjà aujourd’hui au point d’ailleurs que bien peu de partisans du maintien les mentionnent encore comme un argument en faveur de l’UE.
Toutefois, on peut penser qu’un ‘Brexit’ monopoliserait tellement d’attention politique que le TTIP serait relégué au second rang. A moins que justement, l’UE veuille avancer plus vite pour montrer qu’elle peut rebondir.

14h41 Commentaire de la part de GGiroutu
Quel est le rôle de la France ? Des rencontres diplomatiques bilatérales entre le Royaume-Uni et d’autres dirigeants européens sont-elles prévues d’ici le 23 juin ?

14h42 Vivien Pertusot :
N’oublions non plus que s’il y a ‘Brexit’, la sortie effective du R-U aurait lieu en 2019, que les négociations du TTIP, si elles ne sont pas conclus d’ici la fin de l’année traîneront jusqu’en 2018 (cycle des élections américaines, suivies des élections françaises et allemandes en 2017), ce qui rend tout cadre d’analyse clair difficile à établir.
Officiellement, le gouvernement français ne souhaite pas un ‘Brexit’. Mais, la France sait qu’elle bénéficie d’une image toute particulière de l’autre côté de la Manche et donc ne cherche pas être trop présente dans la campagne référendaire.
En outre, une sortie du R-U n’affecterait pas fondamentalement les relations bilatérales, qui ne s’appuient pas sur de bonnes relations au sein de l’UE, comme c’est le cas avec l’Allemagne.
On peut toutefois envisager quelques messages envoyés aux Britanniques : c’est ce qu’Emmanuel Macron a d’ailleurs fait hier lors de sa visite à Londres. Mais globalement, tout le monde devrait rester assez silencieux au sein du gouvernement.

14h46 Commentaire de la part de Mr75
En cas de Brexit, l’accord concernant les migrants de Calais sera-t-il rendu caduque ?

14h47 Vivien Pertusot :
A priori, non. C’est un accord bilatéral qui n’a rien à voir avec l’UE. Surtout, ce n’est dans l’intérêt ni des Britanniques ni des Français d’abolir les accords du Touquet.
Cela n’empêchera pas certains partisans du maintien de brandir cette menace pendant la campagne. David Cameron l’a d’ailleurs déjà fait.

14h48 Commentaire de la part de naomichalla
David Cameron sera-t-il désavoué en cas de victoire des pro-Brexit ? Joue-t-il son avenir politique ?

14h49 Vivien Pertusot :
Il affirme publiquement qu’il restera au pouvoir quoiqu’il arrive. Mais, plus on approchera du scrutin, plus les destins du R-U au sein de l’UE et celui du Premier deviendront liés. Cela s’explique par plusieurs raisons.
Tout d’abord, David Cameron porte l’idée du référendum depuis trop longtemps pour ne pas être fortement amoché politiquement s’il le perd.
Ensuite, d’aucuns feront le lien entre le référendum et le destin de Cameron. On l’a déjà vu lors de l’affaire des Panama Papers, où sa crédibilité en tant que Premier ministre a été liée à celle en tant que leader de la campagne pour le maintien.
Enfin, parce que tout le monde sait que Boris Johnson, en tête, ne laissera pas passer l’opportunité s’il y un ‘Brexit’. La pression politico-médiatique sera très forte.

14h51 Commentaire de la part de quid51
Le résultat du référendum pourrait-il avoir un impact sur les indépendantistes en Ecosse ?

14h53 Vivien Pertusot :
Oui, c’est sûr. Nicola Sturgeon, la Première ministre écossaise, a déjà annoncé qu’un ‘Brexit’ (accompagné d’un vote majoritaire pour le maintien en Ecosse) provoquera un second référendum pour l’indépendance.

14h54 Commentaire de la part de massinissa
Bruxelles n’a t-elle pas la possibilité de contourner le Brexit en cas de vote favorable des britanniques ? L’UE disparaitrait dans la mesure où les britanniques la quittent et que d’autres pays les suivent

14h55 Vivien Pertusot :
Toutefois, il n’est pas certain que les indépendantistes sortiraient vainqueurs. Imaginez la petite Ecosse, complètement isolée du reste du bloc de l’UE, alors même que son premier partenaire commercial est de très, très loin l’Angleterre. Economiquement, ce serait très coûteux sur le court et moyen terme.
S’il y a un vote pour la sortie, le gouvernement britannique n’aura d’autre choix que de demander le lancement de la procédure de sortie auprès de l’UE. Les institutions ne pourront rien faire à ce niveau, d’autant plus que la demande britannique serait formulée auprès du Conseil européen, c’est-à-dire auprès des Etats membres. Le rôle de la Commission serait alors de trouver comment mettre en oeuvre ce ‘Brexit’. Elle ne peut ni l’ignorer, ni le contourner.

14h58 Commentaire de la part de Boulou leuropéen
Bonjour, si le RU se prononce finalement contre le Brexit, l’UE ne risque pas d’être encore plus paralysée ?

14h59 Vivien Pertusot :
La question du maintien du R-U dans l’UE est très pertinente et largement ignorée.
A court terme, un maintien signifie que l’UE devra mettre en oeuvre tous les ajustements conclus lors de l’accord trouvé au mois de février. Cela va prendre du temps et potentiellement générer des frictions à divers niveaux.
A plus long terme, c’est davantage une question quasi métaphysique : comment conserver un Etat membre qui ne fera jamais partie de la zone Euro qui est, et deviendra encore plus, le coeur de l’UE ?
Cette question n’est pas tranchée et hautement complexe.

15h04 Commentaire de la part de Messieurs-les-anglais
monsieur Pertusot bonjour. Existe-t-il un plan B pour sauver l’UE de la débandade en cas de Brexit ? Des dirigeants européens ont-ils prévu des initiatives pour reprendre la main ?

15h05 Vivien Pertusot :
Encore une fois, officiellement, personne ne veut d’un ‘Brexit’. Mais, le calendrier est ainsi fait que certaines initiatives pourraient s’inscrire dans une UE post-Brexit.
C’est par exemple le cas des propositions franco-allemandes à venir sur l’avenir de la zone Euro. On en connaît les contours, mais pas le détail et il n’est pas certain qu’elles soient aussi fortes qu’on pourrait l’envisager.

15h07 Commentaire de la part de Laurence
Quel événement d’ici le 23 juin pourrait aider D. Cameron dans sa campagne ?

15h07 Vivien Pertusot :
Il y a également la mise en oeuvre du rapport dit des 5 présidents de juin 2015 sur les avancées au sein de la zone Euro. Mais, il reste à voir comment tous les Etats membres voudront avancer dans la direction d’une intégration renforcée, qui n’est pas souhaitée par beaucoup aujourd’hui.
C’est une bonne question Laurence, car en fait, on se pose plus souvent la question dans l’autre sens.
Je commence par votre question avant d’envisager l’autre sens.
Eh bien, peu d’événements pourraient venir aider David Cameron. Le débat britannique est tellement eurosceptique que toute action de l’UE ou tout événement ayant de près ou de loin un lien avec l’Europe semble être source de problèmes pour les partisans du maintien.
Dans l’autre sens, en revanche, les surprises stratégiques peuvent être nombreuses. Une résurgence de la crise grecque pourrait être exploitée pour montrer à quel point l’UE est dysfonctionnelle et faible économiquement. L’arrivée massive de réfugiés par les côtes italiennes pourrait également être exploitée par les partisans de la sortie. Bien sûr, il y a également toutes les inconnues imprévues du type des Panama Papers. Bref, il y a plus de risques dans ce sens-là que dans l’autre.
Je vous remercie toutes et tous pour vos questions fort intéressantes. Je crains malheureusement ne pas pouvoir répondre à tout le monde. Je ne peux donc que vous encourager à consulter l’article que je viens de publier sur le ‘Brexit’ dans Politique étrangère ; et soyez certains que je vais suivre le dossier de très près dans les prochains mois, espérant ainsi assouvir votre curiosité.

15h15 Vivien Pertusot :
Merci encore et à bientôt !

15h18 Toute l’Europe :
Merci à Vivien Pertusot et à tous nos internautes !


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