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Elections au Royaume-Uni : quel Brexit pour quels candidats ?

Le 12 décembre, les Britanniques éliront de nouveaux députés. Un choix qui s’annonce particulièrement déterminant pour l’avenir du Royaume-Uni, à l’intérieur ou hors de l’Union européenne.

Le 12 décembre, les Britanniques vont élire les 650 députés de la Chambre des communes - Crédits : Jessica Taylor / Flickr UK Parliament CC BY-NC 2.0
Le 12 décembre, les Britanniques vont élire les 650 députés de la Chambre des communes - Crédits : Jessica Taylor / Flickr UK Parliament CC BY-NC 2.0

Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2019, le Premier ministre britannique Boris Johnson n’a cessé de rappeler son intention de faire sortir son pays de l’Union européenne au 31 octobre. S’il a réussi à négocier un nouvel accord avec l’Union, le chef du gouvernement a échoué à le faire approuver par le parlement, paralysé par les divisions et sans majorité claire. Dans l’espoir de sortir de l’impasse, Boris Johnson a fait voter, le 29 octobre, la tenue anticipée d’élections générales - les troisièmes depuis 2015. Seul le parti conservateur, dont il est issu, semble pour l’instant soutenir l’accord du Premier ministre. Mais sans majorité, ce dernier pourrait bien devoir se plier à certaines des exigences de ses adversaires.

Car si son parti est crédité de 40 à 46 % des voix selon un sondage YouGov du 27 novembre (soit entre 328 et 385 sièges, sur un total de 650), la majorité absolue pourrait lui échapper de quelques sièges, ravis par le parti travailliste, qui cavale en seconde position avec 187 à 238 députés, le parti national écossais (29 à 54 sièges) ou les Libéraux-démocrates (9 à 20 sièges).

Parti conservateur : “Get Brexit done

Premier ministre sortant et leader des Tories (parti conservateur), Boris Johnson espère regagner une majorité à la Chambre des communes, la chambre basse du parlement. Et ainsi lui faire approuveravant Noël” l’accord de sortie signé avec l’Union européenne mi-octobre. Une condition nécessaire pour “réaliser le Brexit” au 31 janvier 2020, comme le veut son slogan de campagne.

Après quoi Boris Johnson entend négocier, au cours de la période de transition, un accord de libre-échange avec l’UE sans droits de douane ni quotas, sur le modèle du CETA (accord UE-Canada). Le dirigeant britannique souhaite faire de son pays un “Singapour sur Tamise” , un territoire à la fiscalité et aux normes bien plus permissives que dans l’Union.

Mais ce projet reste fragile. Pour éviter de subir le dumping fiscal, social et environnemental de leur ancien partenaire, les Vingt-Sept restent vigilants sur leur future relation commerciale avec le Royaume-Uni.

Sur les affaires intérieures, les Tories promettent un investissement public relativement important, qui tranche avec la rigueur budgétaire traditionnellement pratiquée par le parti. A la clé : jusqu’à 50 000 infirmières et 20 000 policiers supplémentaires, une hausse du salaire minimum et des baisses d’impôts pour les classes moyennes et populaires.

Les conservateurs sont donnés favoris par les sondages et disposent du soutien d’une large base militante pro-Brexit. Pour ne pas avoir à faire alliance avec d’autres formations, ils devront toutefois maintenir une certaine avance sur leurs rivaux.

Retrouver l’unité

Le parti conservateur était déjà divisé lors de la campagne du référendum sur le Brexit en 2016. Trois ans de négociations sur le Brexit n’auront qu’accentué les divisions internes.

Après la démission de la Première ministre Theresa May en mai 2019, le bien moins consensuel Boris Johnson l’a remplacée à Downing Street. Il a ainsi hérité d’un parti tiraillé entre partisans d’un hard Brexit, dont il fait partie, et défenseurs d’une sortie douce de l’UE. Et n’a pas hésité à sacrifier les derniers : plus de vingt députés opposés à son accord de retrait ont été exclus du parti, tandis que d’autres ont décidé de leur plein gré de rejoindre les rangs de l’opposition. A tel point que le parti a définitivement perdu, en septembre, la courte majorité dont lui et son allié nord-irlandais (DUP) disposaient à la chambre.

Outre le Brexit, l’un des enjeux des Tories pour ces élections du 12 décembre est donc, aussi, de réussir à se rassembler.

Parti travailliste : “A people’s vote

Jeremy Corbyn a toujours cultivé le doute sur son euroscepticisme. Longtemps très critique vis-à-vis de l’UE, le leader du parti travailliste a pourtant choisi de soutenir - du bout des lèvres - le maintien du pays dans l’Union lors de la campagne pour le référendum de 2016. Aujourd’hui encore, sa position sur l’avenir de la relation avec l’Union reste floue. Il n’en martèle pas moins un message clair : selon lui, Boris Johnson souhaiterait profiter de la sortie de l’UE pour faire régresser les normes sociales et environnementales.

Défavorable au deal de Theresa May comme à celui de son successeur, Jeremy Corbyn reste toutefois opposé à une sortie de l’Union européenne sans accord. Préférant un maintien dans l’UE à ce no deal, il propose de renégocier un nouveau traité de sortie avec Bruxelles. Celui-ci continuerait à lier le Royaume-Uni à l’UE par une union douanière. Et serait soumis au vote des Britanniques lors d’un second référendum - avec l’annulation du Brexit comme alternative.

Le Labour est donné second dans les sondages. La part de son électorat favorable au Brexit pourrait lui préférer le Brexit Party de Nigel Farage (populiste) ou le parti conservateur, qui prônent une sortie sans ambiguïté. Après s’être effondré aux élections européennes de mai 2019 et avoir été accusé d’antisémitisme, remonter la pente ne sera pas facile.

Virage à gauche

Si Boris Johnson clive au sein de son parti, Jeremy Corbyn n’est pas en reste : député depuis 1983 et président du parti depuis 2015, il peine à rassembler ce dernier. S’il souhaite définitivement tourner la page du New Labour, courant social-libéral initié par l’ancien Premier ministre Tony Blair, ses positions très marquées à gauche peinent à trouver un écho au sein de la frange centriste. Ses priorités ? Renationaliser le rail britannique, une partie de British Telecom, les secteurs de l’eau et de la poste, dont l’Etat s’était désengagé depuis l’ère Thatcher. Tout en tenant un discours offensif à l’égard de l’establishment conservateur et des grosses fortunes, il prévoit un plan d’investissements massifs dans les services publics, la santé et les logements sociaux. Le tout pour un coût estimé à 64 milliards d’euros par an, mettant radicalement fin à l’austérité budgétaire jusque-là défendue par les gouvernements conservateurs.

Lire aussi : Au Royaume-Uni, les partis rivalisent de promesses radicales en vue des élections

Libéraux-démocrates : “Stop Brexit

Traditionnellement europhiles, les Libéraux-démocrates se sont un temps laissé séduire par l’option d’un second référendum pour annuler le Brexit. Aujourd’hui menés par l’Ecossaise Jo Swinson, ils sont revenus à leur position d’origine : maintenir le Royaume-Uni au sein de l’Union européenne sans même recourir à un tel scrutin.

Le parti europhile fait le postulat qu’un tel scénario rapporterait au pays - du moins, lui économiserait - 58 milliards d’euros en cinq ans. Il compte investir ce “Bonus remain” dans les services publics (éducation, santé, enfance), la lutte contre le réchauffement climatique, l’emploi et la formation. Les Lib-dems souhaitent par ailleurs légaliser le cannabis.

Entre le virage à gauche des travaillistes et la campagne souverainiste des conservateurs, les Libéraux-démocrates tentent d’occuper le centre. Mais malgré la polarisation des partis concurrents, ils ne récolteraient que 12 à 16 % des intentions de vote, soit entre 9 et 20 sièges (source : YouGov).

Parti national écossais : “Independence is coming

Les centristes ne sont pas les seuls à vouloir tout annuler : c’est aussi la volonté des indépendantistes du Scottish National Party (SNP). Forte d’une popularité croissante, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon ne manque pas de rappeler que 62 % des citoyens de la nation constitutive s’étaient prononcés contre la sortie de l’Union européenne.

Le SNP ne présentant des candidats que dans les 59 circonscriptions écossaises, il ne peut espérer gouverner seul. Mais après l’échec du référendum de 2014 sur l’indépendance écossaise, il souhaite en organiser un second avant la fin 2020. A défaut, le parti soutient lui aussi un second référendum sur la sortie de l’Union.

Tenant d’une ligne sociale-libérale et anti-austérité, le parti peut envisager une coalition avec le Labour ou les Lib-dems. Forts de 29 à 54 sièges dans les intentions de vote (sondage YouGov), ils pourraient être précieux pour construire une majorité favorable à un second référendum. Mais les travaillistes, tout comme les centristes, s’opposent pour l’instant à un nouveau vote sur l’indépendance de l’Ecosse.

Des petits partis pour faire pencher la balance ?

Si aucun parti n’obtient la majorité absolue à la Chambre des communes, d’autres plus petits pourraient bien, à l’échelle de certaines circonscriptions, faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

Le Brexit Party de Nigel Farage était sorti victorieux des élections européennes de mai 2019 avec 30,74 % des voix. Depuis, cet électorat semble plutôt orienter ses choix vers les conservateurs de Boris Johnson, principaux concurrents du vote “leave” . Devant des sondages très défavorables, le parti souverainiste a accordé son soutien à demi-mot à Boris Johnson, en acceptant de retirer ses candidats dans les circonscriptions déjà acquises aux conservateurs. Il reste cependant présent dans plusieurs circonscriptions convoitées par les Tories, et menace ainsi de diviser le vote “leave” au profit du Labour.

Le parti unioniste d’Irlande du nord (DUP), allié eurosceptique des conservateurs entre 2017 et octobre 2019, pourrait aussi s’avérer être un caillou dans la chaussure de Boris Johnson. Bien qu’il ne soit pas en concurrence avec les conservateurs sur le plan électoral, ce petit parti (10 sièges au parlement) s’oppose farouchement à l’accord du Premier ministre, qu’il accuse de différencier l’Irlande du nord du reste du Royaume-Uni. En cas d’absence de majorité conservatrice, ce désaccord empêcherait Boris Johnson de réitérer l’alliance conclue en 2017 entre Theresa May et le DUP.

Côté “remainers” (partisans du maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union), les Verts et les nationalistes gallois du Plaid Cymru sont tous deux crédités de moins de cinq sièges d’après YouGov. En vertu de leur accord avec les Libéraux-démocrates, ils devront se soutenir mutuellement dans les circonscriptions incertaines, au lieu de présenter des candidats rivaux risquant de diviser le vote europhile.

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