Ils sont nombreux à frapper à sa porte. Mais quand l’Union européenne pourra-t-elle l’ouvrir ? La question se pose avec insistance car huit pays ont le statut de candidat à l’adhésion. Et d’importantes échéances approchent. En décembre, les Vingt-Sept pourraient notamment décider s’ils ouvrent ou non les négociations d’adhésion à l’Ukraine et à la Moldavie, officiellement candidates à l’UE depuis juin 2022. Mais beaucoup au sein des Etats membres considèrent que pour être en mesure d’accueillir de nouveaux pays, l’Union doit se réformer, sous peine de s’affaiblir voire d’être paralysée.
Une question géopolitique
L’élargissement revêt une forte dimension géopolitique. Le 28 février 2022, quatre jours seulement après avoir été envahie par la Russie, l’Ukraine dépose sa candidature à l’UE, marquant son souhait de s’arrimer durablement à Bruxelles et non à Moscou. Elle est suivie quelques jours plus tard, le 3 mars 2022, par la Moldavie et la Géorgie, également désireuses de se détacher de l’influence russe. Preuve de l’importance du sujet pour les Etats membres, ces derniers ne mettent que quelques mois à accorder le statut de candidat à l’Ukraine et à la Moldavie, le 23 juin 2022. Un délai particulièrement rapide. Quant à la Géorgie, il lui est demandé de fournir des efforts supplémentaires.
Dans les Balkans occidentaux, où six pays – Macédoine du Nord, Serbie, Monténégro, Albanie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo – ont déposé leur candidature à l’UE, l’élargissement est aussi une question éminemment géopolitique. Car là aussi des luttes d’influence se jouent et impliquent encore une fois, entre autres, la Russie. Dans la région, les candidatures sont souvent plus anciennes. La Macédoine du Nord a par exemple obtenu le statut de candidat dès 2005. Certains de ces pays attendent ainsi dans l’antichambre de l’UE depuis des années.
Conscients de cette situation, et ne souhaitant pas que les Balkans occidentaux s’éloignent vers d’autres partenaires, les Vingt-Sept ont multiplié les signes d’ouverture depuis 2022. Le 19 juillet 2022, ils ont entamé les négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie. Les deux pays attendaient cette décision depuis qu’ils avaient obtenu le statut de candidat, il y a respectivement 17 et 8 ans. Le 15 décembre 2022, les Etats membres ont accordé ce même statut à la Bosnie-Herzégovine, qui avait fait acte de candidature en 2016.
Parmi les prétendants à l’intégration européenne, la Turquie est un Etat à part. Le pays est officiellement candidat à l’UE depuis 1999 et les négociations d’adhésion ont débuté en 2005. Mais celles-ci ont été considérées “au point mort” par le Conseil de l’UE en 2019. L’état de droit joue un rôle important dans ce gel des négociations. Recep Tayyip Erdoğan, à la tête de l’Etat turc depuis 2003, s’est notamment construit un pouvoir personnel et de plus en plus autoritaire, contraire aux standards démocratiques de l’UE.
Indispensables réformes ?
Le contexte ne permet pas à l’UE d’attendre et la somme d’apporter des réponses aux Etats candidats. C’est en tout cas que ce qu’estime le président du Conseil européen Charles Michel, qui a considéré fin août que les Vingt-Sept devaient être prêts à accueillir de nouveaux membres d’ici à 2030. “Si nous voulons être crédibles, nous devons parler de calendrier”, a-t-il affirmé. Mais pour lui, comme pour la France et l’Allemagne, l’élargissement demande de réformer l’UE au préalable ou concomitamment. Une position défendue par un rapport d’experts franco-allemands sur le sujet, remis aux ministres des Affaires européennes le 19 septembre dernier.
Intitulé “Naviguer en haute mer : réformer et élargir l’Union européenne”, ce document est le fruit du travail de 12 politologues, sous la direction du Français Olivier Costa et de l’Allemande Daniela Schwarzer. Pour eux, l’UE n’est pas prête à accueillir de nouveaux Etats membres avec son fonctionnement actuel. Ils proposent ainsi des pistes pour l’améliorer. Des préconisations qui, précisent-ils, valent même sans élargissement.
Au menu figure notamment une révision de la règle de l’unanimité au Conseil, qui serait limitée aux questions de politique étrangère, de sécurité et de défense. Car aujourd’hui, un pays peut à lui seul bloquer certaines décisions européennes avec son droit de veto. A l’image de la Hongrie, épinglée pour ses dérives en matière d’état de droit, qui en use régulièrement pour faire pression sur les autres Etats membres. Un risque qui serait démultiplié avec l’arrivée d’autres pays dans l’UE.
Les auteurs du rapport préconisent aussi une révision de la règle de la majorité qualifiée, qui remplacerait l’unanimité, pour donner plus de poids aux petits Etats. Concernant l’état de droit, des procédures simplifiées pour le faire respecter sont proposées. Certains pays comme la Hongrie et la Pologne le mettant à mal depuis des années et les mécanismes engagés à leur égard ont des effets limités. Là encore, le but est de mieux lutter contre de telles dérives et d’éviter que cette situation ne se reproduise avec de futurs Etats membres.
Pour gagner en efficacité, les 12 politologues français et allemands suggèrent une “différenciation”, équivalant à une “Europe à plusieurs vitesses”, avec quatre niveaux d’intégration. Le premier correspondrait aux pays qui participent aux politiques les plus intégrées de l’UE, comme la zone euro ou l’espace Schengen. Le second à l’ensemble des Etats membres. Le troisième aux pays qui ne participent qu’au marché unique sans appartenir à l’UE. Enfin, d’autres coopérations pourraient s’exercer dans le cadre de la Communauté politique européenne. Lancée en octobre 2022, celle-ci rassemble 47 pays de l’Europe géographique.
Des échéances clés
L’élargissement et ses conditions devraient occuper pour partie les discussions des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, qui se réuniront vendredi 6 octobre pour un Conseil européen informel à Grenade, en Espagne. Les débats promettent de ne pas manquer de relief, les positions des pays de l’UE étant loin d’être unanimes.
Si la France et l’Allemagne considèrent que l’élargissement doit aller de pair avec la réforme, les pays du Nord et d’Europe centrale et orientale se sont souvent montrés plus souples vis-à-vis de l’extension géographique de l’UE. Ils pourraient donc défendre une accession des Etats candidats plus rapide et moins liée à des changements structurels.
Annoncé pour fin octobre ou début novembre, le rapport annuel de la Commission européenne sur l’élargissement est très attendu. L’exécutif devrait notamment faire savoir s’il recommande l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Ukraine et à la Moldavie. C’est sur cette base que les Vingt-Sept pourraient décider de les entamer, lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre prochains à Bruxelles.
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Tte l’Europe devrait informer ses lecteurs sur le principal projet de réforme et de révision des Traités qui est celui en cours d’adoption par le PE (Nov 2023).
Les projets des Think Tanks sont utiles mais marginaux.