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Elargissement de l’UE : la Turquie à la croisée des chemins

La Commission européenne a adopté, le 14 octobre dernier,sa stratégie annuelle d’élargissement. Les services du Berlaymont ont dressé pour les 12 derniers mois, le bilan de l’action de cette politique pour les Balkans occidentaux et pour la Turquie. Ce document était attendu avec inquiétude par cette dernière alors que les négociations d’adhésion progressent lentement et se heurtent encore à de nombreux obstacles.Â

Un satisfecit mais des mises en garde. Bruxelles reconnaît dans sa stratégie d’élargissement les efforts d’Ankara pour “mettre à jour” ses stuctures politiques, juridiques et économiques et les rendre conformes aux exigences de l’acquis communautaire. Mais la Commission ne lâche rien sur les dossiers qui fâchent : la question chypriote et les droits de l’homme. Elle appelle ainsi à la poursuite des efforts. L’enthousiasme initial des autorités turques pourrait, toutefois, retomber. Des Etats membres, dont la France, semblent en effet décidés à arrimer la Turquie via un partenariat privilégié plutôt qu’une adhésion pleine et entière.

Le rapport de la Commission : points positifs et points négatifs

L’évaluation menée par la direction générale “Elargissement” salue de nombreuses avancées. Que ce soit le système judiciaire - adoption d’une stratégie de réforme du système judiciaire - ou encore les relations entre les sphères civile et militaire - le parlement a notamment modifié la législation pour que le personnel militaire puisse être jugé par des juridictions civiles en temps de paix - les progrès sont notables.

Etat des lieux des négociations



La Commission européenne a présenté son rapport annuel sur l’élargissement le 14 octobre 2009. L’occasion de dresser l’état des lieux des négociations.

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La Turquie a également avancé sur le dossier très sensible de la minorité kurde. Des progrès ont ainsi été accomplis en ce qui concerne les droits culturels, notamment sous la forme du lancement d’une chaîne de télévision nationale émettant en kurde. Les restrictions demeurent néanmoins pour ce qui est de l’emploi de langues autres que le turc dans les médias privés, la vie politique et l’éducation.

Concernant l’économie, la crise a touché durement la Turquie mais elle a résisté efficacement à l’ampleur du phénomène grâce, notamment, à un secteur bancaire consolidé par les réformes antérieures. L’activité économique devrait repartir assez rapidement en tirant profit du très fort potentiel énergétique du pays. La conclusion, cet automne, de l’accord sur la gazoduc Nabucco (nouvelle route du gaz) préfigure en effet le rôle de premier plan qu’Ankara devrait jouer dans les années à venir pour approvisionner l’Europe en hydrocarbures.

Des points négatifs sont cependant soulignés dans ce rapport. Le commissaire à l’Elargissement, Olli Rehn, a ainsi exprimé les inquiétudes de la Commission face aux violations de la liberté de culte, de la liberté d’association et de la liberté syndicale. Il a également critiqué les carences turques dans le domaine de la protection des enfants. La question chypriote reste, sans surprises, le point d’achoppement central, le refus persistant d’ouvrir les ports et aéroports turcs à Chypre étant condamné par Bruxelles.

Turquie/Union européenne : l’essoufflement de l’ “esprit de Laeken”

La publication de ces recommandations intervient à un moment où la Turquie commence à douter de sa vocation à rejoindre l’Ouest. Pour certains responsables du régime, l’Est est plus prometteur d’où les rapprochements opérés depuis quelques temps par la diplomatie turque avec les pays d’Asie centrale et la Russie. Il y a 8 ans, le Conseil européen de Laeken des 14-15 décembre 2001 reconnaissait pourtant les progrès accomplis par la Turquie et entérinait “la perspective de l’ouverture des négociations d’adhésion” . Quatre ans plus tard, le 3 octobre 2005, elles débutaient.

Pour Cengiz Aktar, professeur d’études européennes à l’Université de Galatasaray d’Istanbul, l’ “esprit de Laeken s’est aujourd’hui essoufflé” . La position de la France, qui refuse l’adhésion pleine et entière de la Turquie, pèse sur les discussions à Bruxelles. Paris exclut en effet d’ouvrir les 5 chapitres menant directement à l’intégration de la Turquie dans l’Union. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, réaffirmait ainsi pour Touteleurope.fr l’option d’un partenariat privilégié avec Ankara.

Cette proposition agace du côté turc et une certaine fatigue commence à gagner les politiques. Pourquoi continuer à mener de profondes réformes pour s’adapter aux standards européens, si à la fin du processus, un Etat oppose quand même son véto.

L’opinion turque est également désabusée. Selon un récent sondage du German Marshall Fund, 48% des Turcs restent favorables à l’entrée dans l’UE (contre 73% en 2004), mais 65% sont convaincus que cela n’arrivera jamais. Deux fois plus (43%) veulent que désormais le pays agisse seul, plutôt qu’en concertation avec l’Union.

Le professeur Aktar exprimait la semaine dernière à l’Université de tous les savoirs, sa tristesse : “le conte de fées s’épuise en Europe pour laisser la place au mépris et à l’ignorance” . Pourtant, selon lui, seule une Turquie européenne pourrait exporter la stabilité économique et politique dans les autres pays du Moyen-Orient” tout en rappelant que “sans une paix durable au Moyen-Orient, l’Europe ne sera jamais en paix” .


En savoir plus :

Stratégie d’élargissement 2009-2010 - Commission européenne
La Turquie et l’Union européenne, 50 ans de négociations - Touteleurope.fr
Le chemin de l’élargissement se dégage pour la Croatie - Touteleurope.fr

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